Saint Basile le Grand (329-379) : Homélie sur le jeûne

Publié le 6 Mars 2015

(...) que dit le Seigneur ? Lorsque vous jeûnez, ne soyez point tristes, mais lavez votre visage et parfumez votre tête (Matth. 6. 16). Pratiquons cette maxime : ne soyons point tristes dans [le jeûne du carême] mais disposons-nous-y avec joie comme il convient à des saints. Nul homme à qui on met la couronne sur la tête n'est abattu ; nul n'érige un trophée avec la tristesse sur le front. Ne vous affligez point parce qu'on travaille à vous guérir. Il est ridicule de ne pas se réjouir de la santé de l’âme, de se chagriner du retranchement de quelques nourritures, et de montrer plus d'empressement pour les plaisirs du corps que pour la sanctification de l'âme.

(…) Lavez votre visage et parfumez votre tête. Ces paroles sont mystérieuses, et doivent être entendues dans un sens spirituel. Lavez votre visage, c'est-à-dire effacez les péchés de votre âme. Parfumez votre tête, c'est-à-dire répandez sur votre tête l'huile sainte, afin que vous soyez participants de Jésus-Christ. Approchez du jeûne avec ces dispositions. Ne déguisez pas votre visage a la manière des hypocrites. On déguise son visage, lorsqu'on cache ses sentiments sous de faux dehors, et qu'on les couvre, pour ainsi dire, d'un voile d'imposture. Les hypocrites ressemblent aux comédiens, lesquels représentent des personnages étrangers. Sur le théâtre, l'esclave est souvent maître, le simple particulier est souvent roi. Dans la vie, comme sur le théâtre, plusieurs se déguisent et annoncent à l'extérieur ce qu'ils n'ont point au fond de l'âme. Ne déguisez pas votre visage. Montrez-vous tels que vous êtes ; n’affectez pas un air triste et sobre pour vous donner la réputation d'un homme abstinent. Un bienfait publié à son de trompe perd tout son mérite ; le jeûne exposé aux yeux des hommes ne produit aucun avantage.

(…) Le jeûne est une faveur ancienne, qui ne vieillit pas avec le temps, mais qui se renouvelle sans cesse, toujours dans sa première vigueur. Croyez-vous que je tire de la loi l'antiquité du jeûne ? Il est plus ancien que la loi même et vous en conviendrez si vous voulez écouter ce que je vais vous dire. Ne pensez pas que le jour de propitiation, que les Israélites célébraient le dixième jour du septième mois, soit l'origine du jeûne : parcourez l'histoire, et remontez plus haut pour trouver son antiquité. Ce n'est pas une invention nouvelle ; c'est un trésor qui nous a été transmis par nos premiers ancêtres. Tout ce qui est fort ancien est vénérable. Respectez l'ancienneté du jeûne qui a commencé avec le premier homme, qui a été prescrit dans le paradis terrestre. Adam reçut ce premier précepte : Vous ne mangerez pas le fruit de l'arbre de la science du lien et du mal (Gen. 2. 17). Cette défense est une loi de jeûne et d'abstinence. Si Eve se fût abstenue de manger du fruit de l'arbre, nous n'aurions pas maintenant besoin de jeûner. Ce ne sont pas ceux qui sont en santé mais ceux qui sont malades, qui ont besoin de médecin (Matth. 9. 12.). Le péché nous a fait des blessures, guérissons-les par la pénitence : or la pénitence sans le jeûne est inutile.

(…) N’imitez pas la désobéissance d'Eve : ne suivez pas les conseils du serpent perfide, qui lui suggéra de manger du fruit de l'arbre pour flatter ses sens. Ne vous excusez ni sur votre faiblesse, ni sur votre santé : ce n'est pas à moi que vous alléguez des excuses, mais à celui qui connaît tout. Vous ne sauriez jeûner, dites-vous ; mais vous savez bien manger sans aucune retenue, et user votre corps en le chargeant de nourritures. (…).

Le jeûne sert d'ailes à la prière pour s'élever et pénétrer jusqu'aux cieux. Le jeûne est le soutien des maisons, le père de la santé, l'instituteur de la jeunesse, l’ornement des vieillards, l'agréable compagnon des voyageurs, l'ami sûr des époux.

(…) Prenez garde néanmoins de borner l'avantage du jeûne à l'abstinence des viandes. Le jeûne véritable est de s'abstenir des vices. Rompez tout lien d’iniquité (Is. 58. 4 et 6) : pardonnez à votre prochain la peine qu’il a pu vous faire, remettez-lui ses dettes ; ne jeûnez plus pour faire des procès et des querelles. Vous ne mangez point de chair, mais vous dévorez votre frère. Vous vous abstenez de boire du vin, mais vous ne modérez aucune des passions qui vous emportent. Vous attendez le soir pour manger, mais vous consumez, tout le jour dans les tribunaux. Malheur à ceux que, non le vin, mais leurs passions enivrent ( Is. 51. 21). La colère est une ivresse de l’âme ; elle la trouble et la transporte comme le vin. La tristesse est aussi une ivresse, puisqu'elle enveloppe et ensevelit la raison. La crainte est une autre ivresse, quand elle nous fait trembler mal à propos. Délivrez mon âme, dit David au Seigneur, de la crainte de mon ennemi (Ps. 63. 2). En général, toute passion violente qui trouble et dérange la raison, peut être appelée ivresse. Regardez un homme emporté par la colère : cette passion le rend ivre ; il n'est plus maître de lui-même, il ne se connaît plus, il ne connaît aucun de ceux qui sont présents ; il se jette sur tous ceux qu'il rencontre, comme dans un combat nocturne ; il parie au hasard, il ne peut se contenir, il invective, il frappe, il menace, il crie, il s'emporte en jurements, il se livre à toute sa rage. Evitez une pareille ivresse (…).

Rédigé par Philippe

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