année de la vie consacrée: regard féminin sur la vie monastique. trop beau!

Publié le 11 Novembre 2015

 

 

 

"Le monastère est devenu le puits de mes larmes.
L'endroit où je défais le maquillage qui masque mes cicatrices."

"Pleurer dans un monastère, c'est déposer dans la prière des hommes silencieux le besoin de consolation de la petite fille qui est en soi.


"Sortir et refermer la porte du monastère, c'est savoir au fond de soi que personne ne comblera jamais le puits sans fond qui est en soi. Qu'on a juste mélangé un peu ses larmes à l'eau d'une source.


Comme si cette eau allait nous purifier, nous rendre féconde, étancher notre soif, nous guérir.

 

"Ouvrir son coeur dans un monastère, c'est comme prendre de la hauteur sur le Mont Saint Odile et voir l'horizon avant le précipice.


" C'est espérer sans savoir.

 

 

Un jour que j'étais arrivée en avance dans la salle de l'abbatiale, je vois un moine qui entre dans la salle et s'y affaire. Il avait noué son scapulaire à l'intérieur de sa ceinture dans son dos. N'ayant pas encore prononcé ses voeux, donc ne portant pas de coule, il avait oublié de remettre son scapulaire correctement et avait défilé dans la procession des vêpres ainsi noué. J'en avais été très surprise et je m'étais dit (novice moi même en quelque sorte...) qu'il s'agissait sans doute d'une sorte Jean-Paul Gaultier monastique. Un moine assis face à lui dans les stalles lui fit un signe lui montrant l'oubli du détail de sa tenue.


Le créateur et couturier Marcel Marongiu dans les années 90 avaient réalisé un défilé de robes noires très longues et moulantes disant que pour lui la personnalité intérieure de la femme se dégageait ainsi beaucoup plus. Est ce qu'on peut dire que les chasubles noires monastiques révèlent la personnalité des moines ? Ces habits sont surtout l'abandon de quelque chose d'eux mêmes pour rejoindre une entité entière qui est la communauté et une unité qui est autant visible qu'invisible, une unité extérieure et intérieure.

J'aime la beauté des coules, des chasubles et des scapulaires. J'aime cette intemporalité des habits monastiques comme j'aime l'intemporalité du noir dans la mode.


Mais ce que j'aime surtout dans les vêtements monastiques ce sont les détails que l'on ne voit pas tout de suite. Ce sont les manches de certains pulls des moines sous leur chasuble qui sont un peu détricotés, c'est le trou d'une chaussette noire aperçue au dos d'une sandale. Ce sont les coins élimés.


Ce sont toutes ces petites blessures d'habits qui donnent envie d'être la couturière de ceux qui par leur vie séparée pourtant m'aident à soigner les blessures invisibles sous mes propres habits.


Etre une petite couturière, la racommodeuse d'habit comme les moines sont les racommodeurs d'âmes. Ils sont mes couturiers invisibles, mais aussi mes garde-forestiers, mes charpentiers, mes guides de montagnes...


Je m'explique.


Il y a des tempêtes qui déracinent les arbres.


Les tempêtes peuvent casser des branches, enlever toutes les feuilles d'un arbre mais l'arbre est toujours là.
Il faut que le tronc soit solide.


Des branches, j'en ai beaucoup perdu. A tel point que je n'avais plus l'impression d'être un arbre dans la tempête, mais d'être un seau au fonds d'un puits, essayant de remonter tant bien mal comme on essaie de remonter à une corde lisse. Mais je suis lourde... et je n'ai plus de forces dans les bras pour porter mon poids sur la corde lisse.

Pourtant comme pour faire avancer une montgolfière, j'ai jeté des sacs de sable trop pesants, pour essayer de remonter vers le ciel, d'aller plus haut pour pouvoir mieux diriger la montgolfière.


C'est toujours au moment où je crois que la tempête est calmée, où le vent est moins froid et moins rude, que la tornade revient là où je ne l'attends pas. Hier, nouvelle grosse tempête dans mon ciel. Puis une autre derrière. Dans la même journée.


L'aberration.


Ce n'est plus du travail de bénédictin que je dois faire, comme dit l'expression populaire...


Je dois faire un travail d'un monastère de bénédictins !


Si on revient à la métaphore de l'arbre, j'ai ressenti un craquement dans le sol, des racines qui ont commencé à ployer... Que faire ? étayer ! Je me suis raccrochée au monastère pour m'étayer.


Avec d'abord le son des cloches comme arc-en-ciel, comme qui dirait "Après la pluie, le beau temps". Dans les larmes et dans le silence après l'office d'hier.


Les psalmodies des moines comme du bois de charpente pour étais.
De la couture la plus fine à l'étaiement le plus solide, les moines stabilisent le monde extérieur et participent à la création du vêtement le plus précieux, celui qui ne se voit pas, celui qui habille le coeur.

 

le goût des monastères.

 

il faut déjà avoir bien souffert être au bout de la souffrance   pour parler comme ça.. on sait ce que c'est. qu'est ce qu'on peut dire puisque personne n'y comprend rien ou n'y a jamais rien compris  ! il faut être passé là dedans pour comprendre .. "personne ne comblera jamais le puits sans fond qui est en soi", j'y ai cru. je me suis bel et bien planté ! le père Henry avait peut-être trouvé la recette; je ne sais pas, je ne sais plus  pour le résultat. on se fait tellement d'illlusions même  et surtout dans la vie monastique. espérant que Dieu regardera d'un oeil miséricordieux ces tentatives désespérées..qui sait! bof on verra ça là-haut...  à mon âge il était temps de le comprendre.

quelle plume ! oui, c'est cela même.  "être un seau au fonds d'un puits, essayant de remonter tant bien mal comme on essaie de remonter à une corde lisse." et quand on a personne, c'est "débrouille-toi"  comme tu peux ! pour ne pas être vulgaire .

merci


 

Rédigé par Philippe

Publié dans #spiritualité

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