dans le sillage de ses parfums. ora pro nobis.
Publié le 18 Novembre 2015
La bienheureuse Vierge Marie est proclamée ROSE : comme les plants de roses de Jéricho (Siracide 24,14).
Jéricho signifie « lune » et représente l’Église militante laquelle, jusqu’à ce qu’elle se trouve dans ce monde, présente de nombreux défauts. Dans cette Jéricho, c’est-à-dire dans l’Église militante, Marie fut plantée et constituée médiatrice entre Dieu et nous. Nous allons considérer divers aspects de la rose.
D’abord, ses qualités.
La rose est, à la fois, chaude et froide.
Froide dans ses feuilles, chaude dans sa semence, elle tempère avec la « fraîcheur des feuilles » les passions ardentes, et avec la « chaleur des graines » elle tempère les passions froides. La rose est, de plus, aqueuse et tout humide, c’est-à-dire pleine de rosée, et cette rosée qui demeure cachée à l’intérieur, est éliminée par la chaleur du soleil et du feu. Plus la rose est triturée, plus son parfum exhale la douceur. Enfin, la rose naît au milieu des épines mais elle n’imite pas la nature des épines. De par ces quatre qualités, Marie est comparée à la rose.
Quelques-uns sont froids dans l’amour de Dieu. Marie guérit cette froideur, en enflammant leur cœur avec l’amour de Dieu : Il n’aura pas à craindre, pour sa maison, la rigueur de la neige ; tous « les membres de sa famille » sont pourvus d’un double vêtement (Proverbes 21, 21).
La froideur de la neige est celle du cœur, mais contre cette froideur Marie prémunit les membres de sa famille, c’est-à-dire ses fidèles, d’un double vêtement : la charité envers Dieu et envers le prochain. D’autres sont chauds, c’est-à-dire brûlés par le feu de la concupiscence. Mais la bienheureuse Vierge Marie guérit de cette passion, parce qu’elle éteint le feu de la concupiscence en répandant la rosée d’une grâce rafraîchissante : La rosée qui dégage de la chaleur rendra doux (Siracide 43, 23).
Marie est tout humide de rosée, c’est-à-dire pleine de l’Esprit Saint, comme l’a dit l’ange : Salut, comblée de grâce, le Seigneur est avec toi ! (Luc 1, 28). Et nous, nous obtenons de Marie la rosée de la grâce divine, lorsque nous l’implorons de nos désirs fervents. Cette émission de chaleur advient aussi bien du soleil que du feu. Soleil est le Christ : Pour vous qui craignez mon nom, se lèvera le soleil de justice (Malachie 3, 20). Le Saint-Esprit est Feu : Je suis venu apporter le feu sur la terre (Luc 12, 49).
Donc, quand nous nous approchons passionnément d’elle, du moment que s’y trouve le Soleil de justice et que Marie l’a accueilli dans son propre sein, nous recevons la rosée de la grâce en vertu du Soleil.
Quand ardemment nous nous approchons d’elle, du moment que le feu de l’Esprit Saint l’a purifiée et enveloppée, alors en vertu du feu nous obtenons d’elle la rosée de la grâce. Et cette ferveur, Marie la provoque en nous, même si elle ne nous en prévient pas : Elle prévient ceux qui la désirent et se montre à eux la première (Sagesse 6, 13).
Marie fut broyée, affligée par des tribulations et plus ces tribulations étaient immenses, plus elle exhalait de doux parfums. Réfugiée en Égypte, d’elle émana le parfum de patience ; lors de la passion de son Fils, elle-même transpercée par l’épée, exhala le parfum d’une foi parfaite ; dans ses autres souffrances, elle exhala l’arôme de la compassion ; lors des vexations causées par les juifs, se répandit le parfum d’action de grâces ; après l’ascension du Christ, dans la souffrance causée par son absence, s’exhala le parfum du saint désir et de la dévotion.
Dans un sillage de parfums si extraordinaires, chacun d’entre nous doit courir, entraîné par le désir et les bonnes œuvres : Entraîne-moi ! Nous te suivrons en courant dans le sillage de tes parfums ! (Cantique des cantiques 1, 3).
Marie naquit d’un buisson épineux de juifs mais n’en imita pas les exemples ; c’est pourquoi l’Église chante : « Comme l’épine donne naissance à la rose, ainsi la Judée donna naissance à Marie. » Les juifs sont fiers, Marie est extrêmement humble ; eux sont pleins de mauvaises habitudes, elle, débordante de grâce. Le fait que les juifs soient avides des choses d’ici-bas, et Marie, extrêmement avide de réalités célestes, fit dire à David, son père : Écoute, ma fille, regarde et tends l’oreille, oublie ton peuple et la maison de ton père (Psaume 45, 11).
Marie oublia son peuple et la maison de son père, parce qu’elle n’en suivit par les comportements. Cette rose, en effet, naquit de l’épineuse Ève, mais n’en suivit pas la nature. Bernard de Clairvaux s’exclame : « Ô Vierge, noble bâton de Jessé, grâce à laquelle se récupéra dans la branche ce qui avait été perdu dans la racine ! Ramification d’amertume, Ève ; ramification d’éternelle douceur, Marie. Merveilleuse et abyssale munificence de la sagesse divine qu’un tel bourgeon surgisse d’une presque même racine, une telle fille d’une telle mère, une telle liberté d’une humiliante servitude ; une semblable impératrice d‘une telle prisonnière ; d’une épine si aride, une rose si florissante. »
La rose peut aussi se considérer quant à sa ravissante beauté : elle comble de bonheur la vue, l’odorat, le goût, et le toucher.
La bienheureuse Vierge Marie comble notre vue spirituelle par son charme, parce que son visage est tellement plein de grâce : Elle était, en effet, très belle, d’une beauté indescriptible, appréciée aux yeux de tous et on ne peut plus aimable (Esther 2, 15). Elle comble les anges parce que son visage est exceptionnellement délicat : Tous les riches du peuple seront fascinés par ton visage (Psaume 44, 13). Les riches du peuple sont les anges qui plus que tous les autres possèdent la richesse du règne céleste. Et Marie comble de bonheur le Christ lui-même, parce que son visage est on ne peut plus beau : Le roi porte ses désirs sur ta beauté (Paume 44, 12). Montre-moi ton visage, fais-moi entendre ta voix, car douce est ta voix et merveilleux ton visage (Cantique des cantiques 2, 14).
Pour ces trois raisons, on dit : Toi, gloire de Jérusalem, toi, joie d’Israël, toi, honneur de notre peuple (Judith 15, 10). Jérusalem signifie « vision de paix » et désigne le Christ qui est notre paix. Israël signifie « homme-qui-voit-Dieu » et désigne l’ange qui toujours voit la face du Père. Notre peuple désigne le genre humain.
Dans le fait même de contempler le visage de la bienheureuse Vierge Marie, le Christ est glorifié, l’ange exulte, le genre humain est honoré.
La Vierge Marie comble l’odorat spirituel par l’intensité de son parfum. Le parfum de tes vêtements – c’est-à-dire de tes vertus – est comme celui de l’encens (Cantique des cantiques 4, 11) parce qu’il est un sacrifice agréable à Dieu et affermit notre cœur. De l’odeur de ses vertus, il est écrit : Myrrhe, aloès et cannelle coulent de tes habits (Psaume 44, 9).
La myrrhe, qui est amère, signifie la chasteté, c’est-à-dire la mortification de la chair. L’aloès, qui fait mûrir les tumeurs, signifie l’humilité. La cannelle, qui naît dans l’eau, symbolise la foi qui se manifeste dans le baptême. Et ces trois vertus furent en elle extrêmement odoriférantes. En effet, la chasteté, c’est-à-dire la virginité, parfuma l’ange ; l’humilité, Dieu ; sa foi, toute l’humanité.
La Vierge Marie satisfait également le goût spirituel par sa propre suavité : Qui se nourrit de moi aura encore appétit, qui boit de moi aura encore soif (Siracide 24, 21). Marie, en effet, active la mémoire avec de saintes pensées, l’intelligence avec des intentions droites, la volonté avec de pures affections. Le Seigneur nourrit du pain de la prudence, et lui donne à boire l’eau de la sagesse (Siracide 15, 3).
Marie, en effet, nourrit la mémoire avec le pain de vie, quand avec de telles pensées elle l’alimente ; elle nourrit l’intelligence avec le pain de l’esprit, quand elle l’alimente avec de vraies intentions ; elle désaltère la volonté avec l’eau de la sagesse, quand elle la nourrit d’affections délicieuses.
La Vierge Marie satisfait le toucher spirituel de sa suavité et de sa délicatesse. Bernard de Clairvaux écrit : « Pourquoi la fragilité humaine devrait-elle trembler pour accéder à Marie ? Tu ne trouveras en elle rien de sévère, rien de terrible. Elle est toute suavité. Et justement parce qu’elle est suave, tu dois aller la chercher et l’entourer de ta dévotion : Rejoins-la, elle t’enthousiasmera, tu seras glorifié par elle quand tu l’auras embrassée (Proverbes 4, 8). Pour tout cela, l’Église chante : « Tu t’es montrée dans toute ta beauté et suavité en prodiguant tes faveurs, sainte Mère de Dieu ». En disant « dans ta beauté », on indique qu’elle satisfait le toucher spirituel ; « tes faveurs » veut dire qu’elle assouvit le goût spirituel ; « sainte Mère de Dieu » indique qu’elle étanche l’odorat spirituel.Et en précisant « Mère de Dieu », on affirme qu’en son sein se trouvait le baume du paradis ; donc Marie fut tout odoriférante.
Marie peut enfin être considérée comme une rose en référence à ses capacités curatives.
En effet, de la rose, on extrait : électuaires , huiles, emplâtres, collyres, et autres produits médicinaux. En particulier, la rose a le pouvoir de soulager quatre maux : elle tonifie l’estomac et le cœur, maîtrise la diarrhée, rend la vue plus claire, éloigne les migraines. De même, la bienheureuse Vierge Marie tonifie le cœur en donnant la charité de Dieu, laquelle grandement fortifie le cœur au point de faire mépriser la mort par le Christ : Car l’amour est fort comme la mort, la jalousie inflexible comme l’enfer (Cantique des cantiques 8, 6). Saint Augustin affirme : « L’amour rend faciles les situations les plus ardues et impossibles. Marie freine l’impétuosité des péchés en donnant cette crainte de Dieu qui fait éviter le péché » : Grâce à la crainte du Seigneur, chaque homme évite le péché (Proverbes 15, 33).
Marie éclaire l’œil de la raison en donnant la connaissance des choses divines, connaissance qui illumine précisément l’œil de l’esprit : Le commandement du Seigneur est lumineux, il illumine les yeux (Psaume 18, 9). Marie redresse la tête, c’est-à-dire la tiède espérance quand elle élève notre fragile espérance aux réalités célestes. Que l’espérance soit la tête de l’âme, c’est affirmé par cet écrit : Prenez l’espérance, heaume du salut (1 Thessaloniciens 5, 8).
Tout cela signifie : Je suis la mère du bel amour, de la crainte, de la connaissance et de la sainte espérance (Siracide 24, 24) : du bel amour – elle notifie le cœur au moyen de la charité ; de la crainte – elle arrête le flux des vices au moyen de la crainte ; de la connaissance – elle rend limpide le regard spirituel en l’illuminant des réalités divines ; et de la sainte espérance – elle guérit l’âme en lui donnant le réconfort de l’espérance.
Bienheureux Jacques de Voragine, dominicain (1228-1298)