3ème dimanche de carême : Jésus expulse un démon muet.
Publié le 28 Février 2016
Joseph vendu par ses frères.
Joseph, âgé de seize ans, et n’étant encore qu’un enfant, conduisait le troupeau de son père avec ses frères, et il était avec les enfants de Bala et de Zelpha, femmes de son père. Il accusa alors ses frères, devant son père, d’un crime énorme. Israël aimait Joseph plus que tous ses autres enfants, parce qu’il l’avait eu étant déjà vieux ; et il lui avait faire une robe de plusieurs couleurs. Ses frères, voyant donc que leur père l’aimait plus que tous ses autres enfants, le haïssaient et ne pouvaient lui parler avec douceur. Il arriva aussi que Joseph rapporta à ses frères un songe qu’il avait eu, qui fut encore la semence d’une plus grande haine. Car il leur dit : « Ecoutez le songe que j’ai eu. Il me semblait que je liais des gerbes dans la campagne, que ma gerbe se leva et se tient debout, et que les vôtres, entourant la mienne, l’adoraient. » Ses frères lui répondirent : « Est-ce que tu seras notre roi, et serons-nous soumis à ta puissance ? » Ces songes et ses entretiens allumèrent donc encore davantage l’envie et la haine qu’ils avaient contre lui. Il eut encore un autre songe, qu’il raconta à ses frères, en leur disant : « J’ai vu en songe que le soleil et la lune, et onze étoiles m’adoraient. » Lorsqu’il eut rapporté ce songe à son père et à ses frères, son père lui en fit réprimande, et il lui dit : « Que voudrait dire ce songe que tu as eu ? Est-ce que ta mère, tes frères et moi nous t’adorerons sur la terre ? »
"Ruben, les ayant entendus parler ainsi, tâchait de le tirer d’entre leurs mains, et il leur disait : « Ne le tuez point et ne répandez point son sang, mais jetez-le dans cette citerne qui est au désert, et conservez vos mains pures. » Il disait cela dans le dessein de le tirer de leurs mains et de le rendre à son père. Aussitôt donc que Joseph fut arrivé près de ses frères, ils lui ôtèrent sa robe de plusieurs couleurs, qui le couvrait jusqu’en bas ; et ils le jetèrent dans cette vieille citerne, qui était sans eau. S’étant ensuite assis pour manger, ils virent des Ismaëlites qui passaient, et qui, venant de Galaad, portaient sur leurs chameaux des parfums, de la résine et de la myrrhe, et s’en allaient en Egypte. Judas dit alors à ses frères : Que nous servira si nous tuons notre frère et nous cahcons son sang ? Il vaut mieux qu’il soit vendu aux Ismaélites, et que nos mains ne soient pas souillées ; car il est notre frère et notre chair. Ses frères acquiescèrent à ses discours. Et des marchands Madianites passant, ils le retirèrent de la citerne et le vendirent vingt pièces d’argent aux Ismaélites qui le menèrent en Egypte.
Le Sauveur nous y apprend que cet esprit immonde, chassé d’une âme, s’en va errant dans les lieux arides et déserts. C’est là qu’il dévore son humiliation, et qu’il sent davantage les tortures de cet enfer qu’il porte partout avec lui, et dont il voudrait se distraire, s’il le pouvait, par le meurtre des âmes que Jésus-Christ a rachetées. L’Ancien Testament nous montre déjà les démons vaincus, réduits à fuir dans des solitudes éloignées : c’est ainsi que le saint Archange Raphaël relégua dans les déserts de l’Égypte supérieure l’esprit infernal qui avait fait périr les sept maris de Sara. Mais l’ennemi de l’homme ne se résigne pas à rester ainsi toujours éloigné de la proie qu’il convoite. La haine le pousse, comme au commencement du monde, et il se dit : « Il faut que je retourne à ma maison d’où je suis sorti ». Mais il ne viendra pas seul ; il veut triompher, et pour cela il amènera, s’il le faut, avec lui sept autres démons plus pervers encore. Quel choc se prépare pour la pauvre âme, si elle n’est pas vigilante, fortifiée ; si la paix que Dieu lui a rendue n’a pas été une paix armée ! L’ennemi sonde les abords de la place ; dans sa perspicacité, il examine les changements qui se sont opérés pendant son absence. Qu’aperçoit-il dans cette âme où il avait naguère ses habitudes et son séjour ? Notre Seigneur nous le dit : le démon la trouve sans défense, toute disposée à le recevoir encore ; point d’armes dirigées contre lui. Il semble que l’âme attendait cette nouvelle visite. C’est alors que, pour être plus sûr de sa conquête, l’ennemi va chercher ses renforts. L’assaut est donné ; rien ne résiste ; et bientôt, au lieu d’un hôte infernal, la pauvre âme en recèle une troupe ; « et, ajoute le Sauveur, le dernier état de cet homme devient pire que le premier ».
Comprenons l’avertissement que nous donne la sainte Église, en nous faisant lire aujourd’hui ce terrible passage de l’Évangile. De toutes parts, des retours à Dieu se ménagent ; la réconciliation va s’opérer dans des millions de consciences ; le Seigneur va pardonner sans mesure ; mais tous persévéreront-ils ? Lorsque le Carême reviendra dans un an convoquer les chrétiens à la pénitence, tous ceux qui, dans ces jours, vont se sentir arrachés à la puissance de Satan, auront-ils maintenu leurs âmes franches et libres de son joug ? Une triste expérience ne permet pas à l’Église de l’espérer. Beaucoup retomberont, et peu de temps après leur délivrance, dans les liens du péché. Oh ! S’ils étaient saisis par la justice de Dieu en cet état ! Cependant, tel sera le sort de plusieurs, d’un grand nombre peut-être. Craignons donc la rechute ; et pour assurer notre persévérance, sans laquelle il nous eût peu servi de rentrer pour quelques jours seulement dans la grâce de Dieu, veillons désormais, prions, défendons les abords de notre âme, résignons-nous au combat ; et l’ennemi, déconcerté de notre contenance, ira porter ailleurs sa honte et ses fureurs.
dom Guéranger