la samaritaine.
Publié le 2 Mars 2016
la liturgie nous propose cette année un des textes les plus beaux et profonds de la Bible : le dialogue entre Jésus et la Samaritaine (cfr Jn 4.5-42).
Saint Augustin, duquel je suis en train de parler largement dans les Catéchèses du mercredi, était à juste titre fasciné par ce récit, et il en fit un commentaire mémorable.
Il est impossible de rendre dans une brève explication la richesse de cette page de l'évangile : il faut la lire et la méditer personnellement, en s'identifiant à cette femme qui, un jour comme tant d'autres, alla puiser l'eau du puits et y trouva Jésus, assis à côté, « fatigué du voyage », dans la chaleur du midi. « Donne-moi à boire », lui dit Jésus, en la laissant toute étonnée : il était en effet absolument inhabituel qu'un juif adressait la parole à une femme samaritaine, et en plus méconnue. Mais l'étonnement de la femme était voué à augmenter : Jésus parla d'une « eau vive » capable d'étancher la soif et de devenir en elle « source d'eau qui jaillit pour la vie éternelle » ; il démontra en outre connaître sa vie personnelle ; il révéla que l'heure d'adorer l'unique véritable Dieu dans l'esprit et la vérité était maintenant arrivée ; et finalement il lui confia - chose très rare - être le Messie.
Tout cela à partir de l'expérience réelle et sensible de la soif. Le thème de la soif traverse tout l'Évangile de Jean : de la rencontre avec la Samaritaine, à la grande prophétie lors de la fête des Cabanes (Jn 7.37-38), jusqu'à la Croix, lorsque Jésus, avant de mourir, dit pour réaliser les Écritures : « J'ai soif » (Jn 19.28). La soif du Christ est une porte d'accès au mystère de Dieu, qui s'est laissé assoiffer pour nous désaltérer, comme il s'est fait pauvre pour nous enrichir (cfr 2 Cor 8.9). Oui, Dieu a soif de notre foi et de notre Amour. Comme un père bon et miséricordieux, il désire pour nous tout le bien possible et ce bien c'est Lui-même. La femme de Samarie, en revanche, représente l'insatisfaction existentielle de celui qui n'a pas trouvé ce qu'il cherche : elle a eu « cinq maris » et maintenant elle vit avec un autre homme ; ses allers-retours au puits pour prendre de l'eau exprime une vie répétitive et résignée. Tout cela cependant changea pour elle ce jour-là, grâce à sa conversation avec le Seigneur Jésus, qui la bouleversa au point de la pousser à laisser la cruche d'eau et à courir pour dire aux gens du village : « venez voir un homme qui m'a dit tout ce que j'ai fait. Ne serait-ce point le Christ ? » (Jn 4.28-29).
Chers frères et sœurs, nous aussi, ouvrons notre cœur à l'écoute confiante de la Parole de Dieu pour rencontrer, comme la Samaritaine, Jésus qui nous révèle son Amour et dit : le Messie, ton Sauveur « c'est moi, qui te parle » (Jn 4.26). Que Marie nous obtienne ce don, elle première et parfaite disciple du Verbe fait chair.
Le symbolisme de l'eau revient avec une grande éloquence dans la célèbre page évangélique qui raconte la rencontre de Jésus avec la samaritaine à Sicar, près du puits de Jacob.
Nous saisissons immédiatement un lien entre le puits construit par le grand patriarche d'Israël pour assurer l'eau à sa famille et l'histoire du salut dans laquelle Dieu donne à l'humanité l'eau qui jaillit pour la vie éternelle. S'il existe une soif physique indispensable pour vivre sur cette terre, existe également chez l'homme une soif spirituelle que seul Dieu peut combler. Cela transparaît clairement du dialogue entre Jésus et la femme venue puiser de l'eau au puits de Jacob. Tout commence par la question de Jésus: "Donne-moi à boire" (cf. Jn 4, 5-7).
Cela semble à première vue la requête d'un peu d'eau, sous le soleil de midi. En réalité, avec cette question, qui s'adresse qui plus est à une femme samaritaine - les relations entre les juifs et les samaritains n'étaient pas bonnes - Jésus ouvre chez son interlocutrice un chemin intérieur qui fait apparaître en elle le désir de quelque chose de plus profond. Saint Augustin commente: "Celui qui demandait à boire, avait soif de la foi de cette femme" (In Io ev. Tract. XV, 11: PL 35, 1514).
En effet, à un certain point, c'est la femme elle-même qui demande de l'eau à Jésus (cf. Jn 4, 15), manifestant ainsi que dans chaque personne il y a un besoin inné de Dieu et du salut que Lui seul peut combler. Une soif d'infini qui ne peut être étanchée que par l'eau que Jésus offre, l'eau vive de l'Esprit. Dans quelques instants, nous écouterons ces paroles dans la préface: Jésus "demanda à la femme de Samarie de l'eau à boire, pour lui faire le grand don de la foi, et de cette foi il eut une soif si ardente qu'il alluma en elle la flamme de l'amour de Dieu".
La samaritaine devient ainsi la figure du catéchumène illuminé et converti par la foi, qui aspire à l'eau vive et qui est purifié par la parole et par l'action du Seigneur. Mais nous aussi, qui sommes déjà baptisés mais toujours en chemin pour devenir de véritables chrétiens, nous trouvons dans cet épisode évangélique un encouragement à redécouvrir l'importance et le sens de notre vie chrétienne, le véritable désir de Dieu qui vit en nous. Jésus veut nous conduire, comme la samaritaine, à professer notre foi en Lui avec force, afin que nous puissions annoncer et témoigner à nos frères la joie de la rencontre avec Lui et les merveilles que son amour accomplit dans notre existence. La foi naît de la rencontre avec Jésus, reconnu et écouté comme le Révélateur définitif et le Sauveur, dans lequel se révèle le visage de Dieu. Une fois que le Seigneur a conquis le cœur de la samaritaine, son existence est transformée et elle court sans attendre pour transmettre la bonne nouvelle à son peuple (cf. Jn 4, 29).
benoît XVI
a) Le peuple épuisé, assoiffé et murmurant, c’est l’âme humaine. Sans doute, elle a été délivrée de la servitude d’Égypte, elle a traversé la Mer Rouge du baptême ; maintenant, elle traverse le désert de la vie, accompagnée de la nuée de la divine Providence, nourrie de la manne de l’Eucharistie, sous la direction du divin Moïse ; néanmoins, elle est souvent faible et désorientée, elle soupire, elle murmure, elle voudrait retourner en Égypte (vers son ancienne nature). Combien de fois elle fait entendre ce cri : Je ne puis plus avancer, je suis épuisée. C’est alors que le Christ est le rocher qui lui donne de l’eau vive, qui la réconforte et apaise sa soif. Seigneur, relevez-nous, afin que nous ne succombions pas sur le chemin et que nous puissions voir la terre promise. Le rocher d’où jaillit l’eau vive, c’est le Christ à la messe.
b) La pauvre pécheresse de Samarie, c’est notre âme. Le Christ s’assied, fatigué, au puits de Jacob ; il semble se reposer ; en réalité, il attend la Samaritaine, notre pauvre âme. La messe est le puits de Jacob, c’est là qu’il nous attend chaque jour. — Et maintenant il nous parle. Comme il sait nous saisir ! Malgré nos rebuffades fréquentes, il ne renonce pas à sa tentative, il ne nous laisse pas partir. Le Christ se préoccupe de toute âme humaine égarée. Aucune n’est trop mauvaise pour lui. Il s’en approche à sa manière. Il nous trouvera sûrement. — Il nous parle de l’eau vive qu’il nous donnera et qui étanchera notre soif. La volupté est comme de l’eau salée qui n’apaise pas la soif ; le Christ, seul, étanche notre soif. L’eau vive qui jaillit dans la vie éternelle est l’Eucharistie. Que d’enseignements ne me donne pas son entretien ! Il m’apprend que les vrais adorateurs peuvent offrir partout leur sacrifice ; est-ce que nous apprécions comme il faut le sacrifice de la messe qui est offert chaque jour, en tout lieu ? Il nous enseigne à adorer en esprit et en vérité. Nous devons ennoblir notre culte ; il faut qu’il soit débarrassé de superstition et d’égoïsme (prières mesquines). — La pécheresse ne veut pas seulement accepter les enseignements du Christ, elle veut exercer l’apostolat ; satisfaisons à la justice de Dieu pour nos péchés par le dévouement envers les âmes. Nous avons profané des créatures par le péché ; en compensation, sanctifions d’autres créatures. Et, maintenant, jetons encore un regard dans le Cœur du Sauveur : il a une telle soif des âmes qu’il en oublie la faim corporelle. Il voit dans l’avenir et aperçoit la grande moisson des âmes ; il faut que chacun de nous soit, dans cette moisson, un épi plein et lourd. Le Seigneur nous donne encore un grand enseignement : « Ma nourriture est de faire la volonté de celui qui m’a envoyé et d’accomplir ses œuvres. » La volonté de Dieu doit être notre nourriture à nous aussi. — Nous avons donc, aujourd’hui, appris à connaître deux choses : notre pauvreté et notre Sauveur (Saint Augustin : noverim me, noverim te).
dom Pius Parsch