Avec l'Immaculée, dans l'Avent .
Publié le 22 Novembre 2016
Marie s'était préparée, au cours de ses années d'adolescence, au grand évènement de sa destinée, qui était en même temps le plus grand évènement de l'histoire du monde. Elle s'y était préparée, sans savoir encore ce qui lui arriverait. Son trouble et sa perplexité, au moment de la visite de l'ange Gabriel, montrent assez qu'elle ne s'attendait pas à être la mère du Rédempteur incarné. C'est pour nous, une grande consolation de penser que Marie a vécu dans la foi, et non pas dans la clarté de la vision de Dieu.
Elle est un merveilleux exemple d'une attente de la destinée, dans l'humilité et la confiance et d'une adaptation de tous les instants à la volonté divine. Elle avait médité les textes prophétiques. Elle désirait plus que quiconque la venue du Rédempteur. Elle s'y préparait, par la sainteté de sa vie, prête à le reconnaître, à l'accueillir, comme fera plus tard le vieillard Siméon .
Mais de là à penser qu'elle serait la mère de ce Rédempteur, il y a un abîme que Marie n'a franchi qu'au moment de l'Annonciation. Elle était trop humble, c'est-à-dire trop vraie, pour s'attribuer sans raison un rôle aussi extraordinaire. Elle avait fait voeu de virginité, ce qui, selon les idées communes, l'excluait de la maternité. Elle avait peut-être médité la prophétie d'Isaïe: Voici qu'une vierge concevra un fils, et son nom sera Emmanuel. Le récit de l'Annonciation nous porte au contraire à croire que cette idée d'être la mère du Rédempteur lui paraissait d'abord s'opposer avec l'idée de demeurer vierge.
Néanmoins Marie était préparée, par son adolescence de contemplation et de piété, à cette heure solennelle de l'Incarnation. " Ses aspirations vers le Rédempteur l'emportaient sur celles de tous les autres hommes" par leur force et leur pureté. Et leur degré de perfection la préparait immédiatement à recevoir le message divin.
Ainsi l'intensité d'un désir dispose-t-elle à un grand évènement spirituel. Tout désir en ce monde ne trouve pas son achèvement, aucune réalisation ne s'accomplissent sans qu'on y ait été préparé. Celui qui crée une machine, , ou découvre une loi de l'univers physique, le fait parce qu'il "y pensait toujours", sans s'en rendre compte bien souvent. Il en faudrait dire autant d'une grande amitié, ou d'un grand amour: ils n'arrivent pas par accident. Tout cela suppose de longues préparations, des tendances développées et affinées, tout un passé d'élévation morale, et même de sacrifices. Rien de grand ne s'improvise. Et surtout l'oeuvre de la sanctification, c'est-à-dire la venue de Dieu dans notre âme.
Ainsi la Vierge immaculée était-elle au plus près de la maternité divine, sans le savoir. Personne comme elle, ne désirait Dieu. Elle le voulait pour elle-même, mais elle le voulait pour l'humanité déchue. Personne n'avait comme elle la conscience de l'horreur de cette déchéance, de sa misère, et des conséquences du mal se répercutant à travers les siècles. Elle en souffrait pour tous. Une aspiration très pure soulevait l'âme de la Vierge Marie. Elle-même, étant immaculée, était agréable à Dieu et ne possédait que des sentiments purs et ordonnés. Si bien qu'elle était celle qui désirait le plus intensément la Rédemption des hommes, et qui, en même temps, était la plus qualifiée pour présenter ce désir au Dieu Très-haut.
Elle ne demandait pas cette Rédemption dans une vue égoïste, comme il nous arrive de prier pour être tirés d'affaire. Elle demandait la réalisation des promesses divines, qu'elles avait méditées dans les paroles des saints Livres. Elle demandait que cela s'accomplit pour que le Règne de Dieu arrive, mais aussi pour que nos offenses soient pardonnées.
Sa prière était une anticipation du ' Pater " , en accentuant le souhait de voir Dieu connu, aimé, obéi, et en faisant des demandes pour être délivré du péché, de la tentation et du mal, une application non pas à elle-même, l'Immaculée, mais à toute l'humanité déchue et besogneuse.
Pour notre foi, il est clair que les préparations spirituelles de Marie annonçaient la venue du Messie. D'ailleurs à cette époque, de saintes âmes, tels Siméon et Anne, multipliaient les prières et les jeûnes, dans la conviction que cela pouvait hâter la venue du Messie. Sans doute ne devait-il s'incarner que selon le temps prévu dans les desseins éternels. Mais cette préparation même était un effet de la grâce divine qui se répandait dans les coeurs pour leur faire désirer plus ardemment le Messie.
Ainsi la vie spirituelle de l'humanité s'exprime-t-elle au plus haut point de perfection dans l'âme de Marie.
Beaucoup d'hommes désirent le bonheur et ne savent où il est. Beaucoup d'autres le cherchent en aspirations idéales. Certains savent que c'est en Dieu qu'ils trouveront le repos. Quelques-uns dans l'Ancien Testament le concevaient sous les aspects du Messie Sauveur. Mais personne n'était aussi qualifié que Marie pour désirer le vrai Rédempteur. Par son Immaculée Conception elle était aussi proche de Dieu que peut l'être une créature. Elle avait, dans sa foi très pure et dans les illuminations du don de Sagesse, des pressentiments divins, des clartés sur ce que Dieu voulait pour les hommes, sur l'infinité de sa miséricorde, sur l'ingéniosité qu'il montrait à conquérir le coeur de l'homme...
Les âges anciens de l'Eglise en venaient jusqu'à penser que cette attente du Messie par Marie, sans une âme si pure et si ardente, avait fini par exercer un attrait sur Dieu, qui se serait incarné, comme pour répondre à ce bel amour de la jeune Vierge Marie. Charmante et naïve pensée, à la vérité. C'est une anticipation de la parole de Jésus, dans l'Evangile de saint Jean: Si quelqu'un m'aime, il gardera ma parole, et mon Père l'aimera, et nous viendrons à lui, et nous ferons notre demeure en lui (saint Jean XIV,23) Mais saint Jean a écrit également: Dieu nous a aimés le premier. Et la Sainte Vierge Marie n'échappe pas à cette loi. Bien mieux, elle en est le magnifique exemple.
La liturgie emploie à son propos, tous les textes qui conviennent directement au Fils, éternelle Sagesse. J'ai été établie depuis l'éternité. Ce qui est une affirmation de la préordination de Marie à être la Mère du Sauveur. Dieu l'a aimée le premier, elle aussi, et de quelle manière privilégiée....
Si donc la sainte Vierge Marie était à la limite supérieure de l'humanité dans son désir du Rédempteur, c'était l'effet d'une prédestination divine à laquelle elle répondit d'ailleurs avec toutes les énergies de son être spirituel.