de la jalousie (1)
Publié le 17 Novembre 2016
Le jaloux pourrait presque compter parmi les "universaux".
Ne le rencontrons-nous pas un peu partout, même dans nos voyages intimes autour de notre chambre?
Le jaloux, en effet, fréquente chez l'enfant, il s'installe chez le jeune homme : très souvent - sans doute c'est à cause d'un accueil plus sympathique - il prend ses aises chez l'homme fait: bien plus, les manières charitables du vieillard ne voilent pas toujours suffisamment le geste du jaloux.
Concédons tout de même qu'il faudrait nous entendre avant de porter une accusation générale.
Que tous les hommes soient effectivement jaloux, que le vice de la jalousie dégrade toutes les âmes, oh! non. Mais bien rare - s'il existe - le coeur assez heureux pour ne jamais au moins sentir ces infâmes sollicitations que notre nature malade féconde quand même, crée sans jamais cesser.
Voilà comment nous sommes tous jaloux, du moins tous susceptibles de jalousie. Un scolastique distinguerait: tous jaloux... en puissance. La question est donc tranchée .
Mais, précisément parce que le même homme, au dire de l'Imitation, n'est pas toujours le même homme, un autre grand malheur arrive souvent: une foule de tentés passent de la puissance à l'acte.
Alors, que voyons-nous dans la vie? Un spectacle si laid qu'en rougissent ceux mêmes qui le donnent: des exigences jadis belles, riches, heureuses... douloureusement rongées par la jalousie; dédaigneuses désormais de vivre plus haut qu'à la hauteur d'un orgueil blessé; de pauvres âmes contentes et malheureuses, anormalement et comme à rebours: elles sourient quand le prochain pleure, elles s'attristent quand il sourit; de vraies jalousies, quoi!
puisque la jalousie dit justement saint Thomas, consiste dans cette tristesse qui a pour objet le bien du prochain que nous regardons comme un mal pour nous, en tant qu'il porte atteinte à notre propre excellence.
Quelquefois la jalousie exerce déjà précocement son empire chez le tout petit enfant.
Durant ses premières pousses, Bébé régnait en maître au foyer. La maisonnée entière lui faisait sa cour. On lui réservait toutes les tendresses comme on lui concédait tous les charmes. On l'aimait d'amour exclusif... Une petite soeur naquit, exquise, charmante à son tour. Le trône qui était le berceau, fut partagé; partagées aussi les affectueuses câlineries. 'Et mon ber", de se dire le blondinet" il n'est donc plus à moi tout seul!"
Et ne se trouve pas là, il nous semble, qu'une égoïste exigence de "propriétaire par prescription" . Qu'on laisse au petit pleureur son berceau; mais, que la nouvelle poupée cadence dans un autre plus joli, la même crise de jalousie se produira. Et Bébé qui ne cessait, hier encore, d'embrasser sa maman à bec que veux-tu, restera boudeur, car il est... effectivement jaloux.
Soit dit en passant, je sais pour l'avoir entendu et vu en usage, un remède surprenant: réprimandes à voix plutôt forte, avec, recommandée par des médecins experts application de la main.
Papas et mamans, allez-y résolument, sinon de bon coeur: dûssiez-vous prendre un ton bourru, vous ferez un geste si beau, le geste du devoir..
Le jeune homme aussi peut devenir jaloux.
Lui, à l'âge de la générosité pure, de l' "oubli de soi"; lui qui veut et cherche naturellement le triomphe des meilleures causes, et sans trop regarder au chef de file; lui que l'idéal passionne, ravit, en arrive quelquefois à ne plus permettre volontiers qu'un autre adolescent brille premier en quelque rôle.
(à suivre )