la présence mystérieuse (suite et fin)
Publié le 20 Novembre 2016
La grâce, d'elle-même, n'est point active, elle est transformatrice; mais quand on est transformé, n'agit-on pas autrement que si on ne l'était point? Unis à Dieu par sa présence surnaturelle en nous, nous devenons capables des oeuvres de Dieu, des pensées, des amours et des activités de Dieu, au bénéfice de nous-mêmes et des autres.
Sommes-nous infidèles, Dieu s'éloigne et sa grâce s'éteint. Dieu ne s'éloigne jamais tout à fait. Sa grâce nous guette. Présent à toutes nos voies, sinon à nous-mêmes, il est toujours en disposition de faire retour, ou mieux de nous ressaisir par les industries de son intime action et les yeux de sa providence.
L'intime action dont il s'agit alors s'appelle grâce actuelle, c'est-à-dire grâce en actes, en sollicitations dans le sens de la sainteté, au lieu que ce soit une grâce d'habitation, une grâce habituelle et sanctifiante.
Les conditions sont les mêmes que plus haut, mais renforcées et beaucoup plus pressante encore.
Dieu étant là dans une telle plénitude et une telle intimité, ne voudrons-nous pas y être nous-mêmes? Héritiers de la nature de Dieu et de tout ce qui s'y attache, de tous les biens inclus dans ce mot: la divine béatitude, refuserons-nous de la savoir clairement, de le vouloir et de ne vouloir délibérément rien de contraire?
Que servirait d'avoir Dieu au dedans si nous êtions au dehors, et à quoi bon le posséder si nous n'utilisions cette richesse, si nous allions la détruire de nos mains en offensant l'amour qui la donne?
Un héritier qui ne serait pas héritier le serait-il encore? et celui qui dilapide le bien hérité mérite-t-il son nom? Un baptisé qui oublie son baptême est cet héritier inconscient et prévaricateur; il peut de ce fait perdre à jamais son héritage.
La présence surnaturelle de Dieu est une oeuvre d'amour et une offre d'amour; mais il s'ensuit nécessairement qu'elle est aussi une exigence d'amour. Dieu ne peut être seul pour réaliser la communion où la liberté incréée et la liberté créée ont chacune son rôle. Dieu exerce sa liberté de munificence et d'adoption paternelle; il attend notre libre fidélité et notre coopération à l'oeuvre commune.
La grâce n'est jamais qu'un commencement; elle veut croître; elle est confiée à notre fidélité; elle pourrait se perdre.
Tandis que les choses du temps rôdent autour de nous prêtes à nous happer, le Dieu du coeur nous invite à vivre au dedans de son éternité, à en accroître notre part et, de là, à tout renouveler dans nos vies en vue de leur consommation.
Fr. A.-D Sertillanges. O.P.