Saint Jean-Baptiste priez pour nous . Ecce Dominus veniet .
Publié le 1 Décembre 2016
A Rome autrefois, à certaines fêtes, le clergé et le peuple se rendaient en procession à une église désignée pour cette solennité, et là on célébrait la messe. On appelait cela faire une Station. Le premier dimanche de l'Avent, la station se faisait à Sainte Marie Majeure où se trouve encore la Crèche de l'Enfant Jésus. Cette basilique était tout indiquée, parce qu'elle possédait ce pieux trésor. On commençait les fêtes de la préparation à Noël par la visite à la Crèche qui avait reçu l'Enfant-Dieu et la station avait lieu naturellement dans cette église dédiée à la Sainte Vierge. On venait placer les saints exercices de l'Avent sous les auspices de Marie, et la prier de conduire elle-même ses enfants à Jésus: ad Christum per Mariam. L'Eglise affirmait ainsi non seulement sa confiance en Dieu, in te confido, mais son amour pour la Mère de Dieu. La dévotion à Marie est donc aussi ancienne que l'Eglise.
Le deuxième dimanche de l'Avent, la station se fait à la basilique de Sainte Croix de Jérusalem. On sait que Constantin confia à cette église une portion considérable de la Croix du Sauveur, avec le Titre qui y fut attaché par Pilate. Il n'est pas un pèlerin catholique qui n'aille vénérer ces précieuses reliques, lorsqu'il passe à Rome, car rien n'est auguste comme ce bois sacré qui a été arrosé par le sang du Sauveur.
Il convient de se rappeler ces souvenirs historiques, si l'on veut bien comprendre la messe du deuxième dimanche de l'Avent. Il est nécessaire aussi de s'initier au langage mystique de l'Eglise.
Dans cette messe il n'est question que de Jérusalem et du peuple de Sion. Pourquoi? C'est que Jérusalem figure l'âme fidèle. Toutes ces exhortations, tous ces avertissements, ces avis pressants et consolants qui sont adressés à Jérusalem, s'adressent aussi à l'âme chrétienne. C'est donc pour chacun de nous que cette messe a été composée, et nous devons recueillir pieusement les enseignements, puisqu'ils nous sont destinés.
" Peuple de Sion, voici que le Seigneur vient pour sauver les nations."
Déjà une semaine est passée, une première étape est franchie. Nous disions dimanche:" Mon Dieu, j'ai confiance en vous!" Et, pour justifier aussitôt notre confiance, le ciel nous répond:" Voici que le Seigneur vient! je vous ai exaucés!"
Ame fidèle, il vient pour te sauver, en même temps qu'il sauvera le monde. Il nous embrasse dans sa pensée et dans son amour avec la même sollicitude que si chacun de nous était seul dans l'univers. Les poètes ont célébré l'amour d'une mère pour ses enfants:
Pain merveilleux qu'un Dieu partage et multiplie...
Chacun en a sa part et tous l'ont tout entier.
Cet amour en effet est un des plus grand don que Dieu nous ait faits, il nous soutient, il nous console, nous nous sentons aimés par notre mère comme si nous êtions seuls dans la famille; mais qu'est ce que cet amour, tout tendre et puissant qu'il est comparé à l'amour infini de Dieu?
Le Seigneur vient, il vient pour nous aimer et pour nous révéler son amour: " Il fera entendre la gloire de sa voix dans la joie de votre coeur."
Sa voix est toujours belle et glorieuse: c'est l'expression dont se sert Saint Pierre quand il peint cette voix qu'il a entendue lui-même sur le Thabor, voce delapsa a magnifica gloria (II Petr. I, 17) C'est pourquoi nous l'écouterons, afin que notre âme soit toute joyeuse et rajeunie dans sa conscience purifiée.
Cette voix, les disciples de Jean-Baptiste en avaient entendu les échos en Judée, la voix du Sauveur qui retentissait dans les plaines et sur les montagnes, dans les bourgades et dans les cités, et ils étaient venus dire à Jean dans sa prison les 'oeuvres miraculeuses du Christ". Mais au lieu de s'en réjouir, ils en étaient plutôt attristés, parce qu'ils aimaient leur maître, qu'ils auraient voulu que ces oeuvres lui fussent attribuées, et qu'au fond leur coeur était mordu par la jalousie. Le Précurseur leur redisait vainement ce qu'il leur avait enseigné:" C'est le Seigneur qui vient, ecce Dominus venit. C'est l'Agneau de Dieu qui vient ôter le péché du monde." Des âmes d'élite l'avaient compris et s'étaient mis à la suite de Jésus; les autres étaient restés auprès de Jean-Baptiste, malgré lui; car il ne cessait de leur dire:" Il faut qu'il croisse et que je diminue."
Le Précurseur estima que le meilleur moyen de les éclairer, c'était de les envoyer à Jésus-Christ. Ils se présentent donc au Sauveur. Ils le trouvent parlant aux foules qui s'empressent pour l'entendre et qui lui amènent leurs malades. En ce moment même il guérissait un grand nombre d'infirmes de leurs maladies et de leurs plaies, il délivrait des possédés et rendait la vue à plusieurs aveugles, (Luc VIII,21 ) . Ils lui disent:"
- Jean-Baptiste nous a envoyés vers vous pour vous dire :" Est-ce vous qui devez venir, ou si nous devons en attendre un autre?"
Jésus leur fait cette adorable réponse: " Allez dites à Jean ce que vous avez entendu et vu. Les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont guéris, les sourds entendent, les morts ressuscitent, les pauvres sont évangélisés." Comme il parlait, tous acclamaient, tous célébraient ses bienfaits et disaient:" Nous avons vu ces miracles et ils se passent encore sous nos yeux! "
Seuls les disciples de Jean ne comprenaient pas, ou ne voulaient pas se rendre. Pourquoi? Parce qu'ils s'étaient fait un autre idéal du Messie. Comme la plupart des Juifs, ils attendaient un Messie glorieux, conquérant, le sceptre à la main, environné de légions puissantes, dans un appareil de majesté. Et que voyaient-ils? Un homme vêtu comme tout le monde, au milieu d'infirmes, de malades couverts de plaies, de gens du peuple dont la pauvreté était repoussante. Ces envoyés de Jean, malgré les enseignements du Précurseur, n'avaient point dépouillé l'esprit ancien, et toutes leurs sympathies allaient aux Pharisiens, pendant qu'ils n'éprouvaient que du dédain pour ces hommes naïfs qui à coup sûr ne connaissaient pas les Ecritures. Alors Jésus ajouta avec tristesse: " Heureux celui qui n'est point scandalisé à cause de moi!" Les disciples de Jean partirent songeurs, et au fond mécontents; au moins ils n'étaient ni convaincus ni éclairés. Ils allaient rapporter à Jean, sans la comprendre, la grave leçon que leur avait faite le Sauveur.
Leur départ causa un certain malaise dans la foule, qui prit parti contre Jean-Baptiste:" Quoi! cet homme qui avait fait courir toute la Judée après lui, avait de tels disciples! Ceux-ci étaient évidement son reflet. Il ne méritait donc pas la réputation qu'on lui avait faite?" Les Pharisiens à l'écart approuvaient, triomphaient, car c'était Jean-Baptiste qui avait signalé Jésus aux peuples comme l'Agneau de Dieu, comme le Messie! .. A ces protestations Jésus répond en prenant nettement la défense de son Précurseur.
" Qu'allez-vous donc voir dans le désert? Un roseau agité par le vent?"... Il ne développe pas sa pensée, car tout le peuple a compris. Un roseau qui s'agite à tout vent et qui a résisté à Hérode! Car Jean-Baptiste est en prison pour avoir maintenu les prescriptions de la loi divine. C'est donc au contraire un homme de caractère, une âme ferme, qui ne s'incline pas devant les puissants quand ils sont prévaricateurs. Il mérite donc toute la confiance du peuple!
Puis, jetant les yeux sur les Pharisiens magnifiquement vêtus, qui observent d'un oeil méchant, il ajoute " Qu'êtes-vous donc allés voir? Un homme mollement vêtu? Mais ceux qui portent ainsi de riches vêtements sont dans les maisons des rois." C'était un mot vif et vrai à l'adresse de ces Pharisiens, qui étaient les ennemis de Jean et qui fréquentaient le palais d'Hérode.
Il poursuit:" Qu'êtes-vous allés voir? Un prophète? Oui, je vous le dis, et plus qu'un prophète. C'est celui dont il est écrit:" Voici que j'envoie mon ange devant ta face pour préparer les voies devant toi. Parmi les enfants des femmes nul ne s'est levé plus grand que Jean-Baptiste."
Celui que Jésus défend est bien défendu. Quel plus bel éloge fut jamais prononcé? Jean n'est pas, dit Saint Ambroise, un roseau qui s'agite, se courbant devant la faveur, et frappant de la tête ses amis si le vent change, mais un prophète et plus qu'un prophète, car les prophètes ont annoncé Jésus-Christ, et lui l'a montré au peuple. En quoi il est plus grand que Moïse et Isaïe . Il est un ange, l'envoyé immédiat du Christ, il a le zèle, la fidélité et la pureté de l'ange. Et ici Jésus s'applique à lui-même le texte du prophète Malachie, il dit:" Voici que j'envoie mon ange." Mais il le change en ajoutant:" Je l'envoie devant ta face." Dieu, parlant de lui-même , a dit :" J'envoie mon ange devant ma face." Le Sauveur en s'appliquant ce qui est dit du Tout-Puissant proclame ainsi sa divinité.
Puis, pour faire ressortir l'excellence de la nouvelle loi, il dit:" Cependant le plus petit dans le royaume des cieux est plus grand que Jean-Baptiste." Le royaume des cieux, c'est le règne nouveau du Christ, c'est l'Evangile qu'il enseigne. Le plus humble de la loi nouvelle, à ce point de vue, est plus grand que Jean-Baptiste; il a reçu plus que lui, car la loi nouvelle c'est la loi de la grâce; l'Eglise à laquelle nous appartenons, c'est le royaume des cieux, le royaume de l'Evangile et de la vérité où le Précurseur n'est pas entré, lui qui appartenait à l'ancienne loi.
Quel bonheur d'être chrétien! Quel privilège que nous n'apprécions pas! Jean-Baptiste ne s'est pas abreuvé aux flots des grâces et des enseignements qui nous sont venus de Jésus-Christ; tout ce qu'il a reçu, il l'a reçu par Jésus-Christ et par ses mérites, mais d'une manière moins complète, moins abondante que le dernier d'entre nous. Et cependant il est notre modèle. " Peuple de Dieu,"
âmes chrétiennes, du moins ressemblons-lui par la fermeté de la foi, par l'intrépidité à montrer notre amour de la loi de Dieu et de Jésus-Christ. Ne soyons ni des roseaux, ni des chrétiens qui s'amollissent dans les délices, mais sachons affirmer nos convictions, et ayons comme lui, l'esprit de pauvreté. Du moins, nous ne demandons pas si c'est Jésus qui doit venir ou si nous devons attendre un autre Sauveur. Nous savons que le Sauveur c'est Jésus et qu'il vient à nous, et qu'il nous apporte pour la fête de Noël la plénitude de ses grâces. L'Eglise nous l'a dit dans l'introït de la messe:" Voici que le Seigneur vient pour sauver les nations, Ecce Dominus Veniet!' Elle nous l'a redit pendant tout le cours de l'office, qu'elle conclut par ce chant de la Communion:' Lève-toi, Jérusalem", lève-toi âme fidèle, " dresse-toi sur un lieu élevé et regarde. Vois la douceur, les délices qui te viendront du Seigneur."
Sta in exceso : élevons nos âmes vers Dieu, afin de voir plus haut, afin d'être plus purs, parce que nous serons éloignés de la terre. Aimons uniquement les choses du ciel, elles sont les seules suaves, les seules fécondes; elles nous unissent à Dieu, tandis que les choses de la terre, si nous nous y attachons, nous séparent de lui.
Vide jucunditatem: il n'y a de joie, de bonheur qu'en Dieu, qu'en Jésus qui nous presse de transformer nos coeurs pour la fête de Noël.
' Voici que le Seigneur vient pour sauver les nations, Ecce Dominus veniet! "