Spiritus Domini . de la Pentecôte.

Publié le 28 Mai 2017

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    Des grandes fêtes liturgiques qui reproduisent parmi nous le souvenir des mystères chrétiens - disons : Noël, Pâques et la Pentecôte - on ne saurait dire laquelle s'imprime plus profondément dans la conscience du peuple fidèle ou lui apporte plus de joie spirituelle. Chacune le fait à sa façon, mais chaque fois la liturgie est l'instrument efficace qui traduit en signes sensibles le mystère de la fête en imprime la lumière sur nos âmes et marque notre joie de son sceau spirituel.

   Celles de Noël et de Pâques tournent sans cesse nos regards vers l'Humanité de Jésus, en tout semblable à la nôtre. Certes, il ne nous servirait de rien de nous tenir près de la Crèche avec les bergers, si nous ne confessions que l'Enfant est le Verbe, le Fils du Très-Haut; mais il est juste aussi que ce nouveau-né nous attache par le charme de l'enfance, par la douceur et la tendresse d'une maternité à laquelle Marie communique l'éclat de sa virginité. C'est son humanité encore qui permet à Jésus de souffrir au calvaire et qui nous attire à lui par la compassion, la reconnaissance et l'amour; c'est au triomphe de son humanité que les fidèles communient dans la joie de Pâques: car si le Christ n'est pas ressuscité en son corps, toute notre foi est vaine. Ainsi Noël et Pâques - comme le veulent les mystères de l'Incarnation et de la Rédemption - nous rendent sensible l'humanité du Christ, et la présence humaine d'un Dieu parmi nous fait partie de la joie des croyants en ces jours de fête.

   Autre est la joie de la Pentecôte. Elle n'est pas moins grande, l'expérience des fidèles l'atteste. Mais elle comporte un élément unique et nouveau, la présence intime de l'Esprit.  Certes, l'humanité du Christ n'est pas étrangère à cette fête; bien au contraire, l'Esprit qui se manifeste et qui répand sa joie est celui de Jésus :" Je vous dis la vérité: il vous est avantageux que je parte, car j'enverrai vers vous le Paraclet... Quand lui viendra, l'Esprit de la Vérité, il vous guidera vers la vérité entière: et il me glorifiera, car il recevra du mien et vous l'annoncera". jean XVI, 7,15, XIV 26

   C'est donc Jésus ressuscité qui nous l'envoie, c'est le message de Jésus qu'il nous fait comprendre, c'est la glorification de Jésus qu'il procure en nous remplissant de lumière et d'amour.

   Mais ce n'est pas vers l'humanité de Jésus, ni vers une réalité sacramentelle dérivée de son humanité et de sa passion que nous porte la grâce de la Pentecôte. Elle étend devant nous des perspectives nouvelles, celles d'un monde ouvert à l'Esprit et guidé par sa motion. Elle introduit dans l'histoire du monde et dans celle de nos âmes l'action d'un Esprit qui souffle où il veut , dont notre courte expérience ne sait d'où il vient ni où il va, sinon qu'il vient de Dieu et que son souffle nous remplit de force, de confiance et de joie. Les voies où il nous pousse sont celles que veut le Seigneur Jésus, mais parce que la motion divine est celle de l'Esprit, le monde en lui obéissant entre dans les voies de la liberté où se couronne la libération apportée par Jésus; il s'achemine vers son état de magnificence et d'achèvement.

   Le peuple chrétien le sait bien, et son expérience ne le trompe pas: il sent que la grâce de ce jour de la Pentecôte lui offre d'entrer dans un état de plénitude, de participer à un triomphe spirituel qui contient, si l'on ose dire, l'annonce et la promesse de perpétuelles aurores.

   Elles se lèvent à la fois sur la Création toute entière et sur chacune de nos âmes.

Replevit orbem terrarum .

   C'est une longue histoire que celle de notre Monde, soumis au temps et composé de matière, mais rempli par l'Esprit du Seigneur qui le contient tout entier et en consommera un jour la perfection. C'est une histoire qui s'ouvre avec le premier chapitre de la Génèse. Les effets de la Pentecôte couronnent ses longs développements; sa vraie signification éclate alors : oeuvre de la sagesse propre à l'amour, il doit sous la motion de l'Esprit-Saint rendre à Dieu amour pour amour et gloire pour gloire.

   Au commencement, dit la Génèse, avant même le premier jour de la création, l'Esprit déjà se meut sur l'univers informe et vide. Il plane au-dessus de l'abîme qui ne contient encore qu'informité et confusion, mais où le règne de l'ordre et de l'intelligence sont en préparation. L'Esprit les en fera sortir à son heure; et ce n'est pas Lui qui changera, mais le monde sur lequel la pensée créatrice et la sagesse immuable de l'amour planent "comme l'aigle qui agite les ailes au-dessus de ses petits" , sollicitant leur élan et leur communiquant, par quel influx mystérieux, la chaleur et la vie.

   Puis voici dans le monde sorti du chaos, la présence de l'homme.

Ce n'est pas seulement par son limon primitif qu'il appartient à ce monde, c'est bien plus encore par son intelligence. Il l'exerce dans un univers ordonné et soumis à la loi, et elle lui donne une ressemblance avec Dieu. L'Esprit continue donc à planer sur le monde, mais c'est dans l'âme des hommes que son action a son lieu privilégié. Le livre de la Sagesse nous la dépeint: elle dispose tout avec douceur; elle donne à la création son unité. Non seulement celle qui assemble ses éléments en un univers harmonieux et significatif, mais l'indéchirable unité de l'homme et du monde matériel.  Grâce à l'homme, l'univers a une voix pour s'exprimer, et c'est la Sagesse qui lui fournit les mots éternels qu'il doit prononcer :" Car l'Esprit du Seigneur a rempli l'univers , et lui, qui contient tout, sait tout ce qui se dit" .  Sagesse, I,6 55

    Ce sont précisément ces paroles de l'Ancien Testament que l'Eglise reprend au seuil de sa liturgie de la Pentecôte. Le texte du Livre de la Sagesse que nous venons de citer devient l'Introït de la messe; il ouvre en ce jour la célébration du sacrifice du Nouveau Testament.

   Il en indique le sens, car depuis Noël et depuis Pâques, notre monde n'est plus seulement un monde créé, c'est un monde racheté. Jésus - le Verbe - y a planté sa croix et elle n'en sera pas arrachée, son sang y ruisselle et n'en sera pas effacé : l'Esprit du Seigneur qui contient ce nouvel univers, qui plane sur lui et qui le pénètre, est l'Esprit du Seigneur Jésus.

   De même que la venue de Jésus, le Verbe dans le monde, n'y abroge rien, mais le parfait et l'achève, de même la surabondante présence de l'Esprit envoyé par Jésus le conduit-elle à sa plénitude, et elle achève dans la joie l'oeuvre commencée à la création : l'Esprit du Seigneur a rempli l'univers, et le monde entier dans tout l'orbe terrestre, exulte: TOTUS in orbe terrarum mundus exultat.

 

REPLE CORDIS INTIMA;

  

   L' âme chrétienne, comme le Monde, exulte, mais d'une joie intime et personnelle. De même que l'Esprit remplit l'univers, de même établit-il sa demeure en chacun de nous. De même qu'il est l'âme d'un Royaume qui comprend la plebs sancta du Christ, de même est-il le souffle qui de l'intérieur anime chacune de nos vies.

   A l'extension de l'univers qui s'offre à l'action de l'Esprit correspond la profondeur de nos âmes. Le véritable abîme sur lequel plane l'Esprit de Dieu n'est point tant celui des eaux ou de la matière dont la sagesse peut faire sortir un monde immense; c'est l'abîme sans fond du coeur humain d'où elle peut faire jaillir un amour sans bornes. Notre âme spirituelle est plus profonde que le monde n'est grand; l'Esprit habite infiniment plus en chacun de nous qu'en toute la création qu'il remplit pourtant de sa présence.

   Il faudrait parcourir de nouveau la suite des mêmes livres saints et recueillir leurs enseignements.

   L'Esprit, dit la Génèse, se mouvait au-dessus de la terre informe qui s'offrait aux figurations de l'Amour. Mais qu'en fera-t-il sortir?  Non seulement la fleur des champs ou l'astre du ciel ou le foisonnement des vivants, mais l'homme, l'Unique, le seul avec Dieu qui puisse dire dans le monde : Je, ou :  Moi, et s'affirmer comme une personne .

   Que dit le Livre de la Sagesse? Que l'Esprit de Dieu remplit l'univers, mais aussi qu'il pénètre dans les âmes car il ' aime les hommes " . Il est le témoin de leurs coeurs ; il scrute leurs reins; il leur donne " la véritable science des êtres et de la structure de l'univers " ; il est l' "éducateur " des hommes.

   Quand Jésus enfin instruit ses disciples du rôle nouveau de l'Esprit dans le monde racheté,  c'est sur son caractère d'intimité personnelle qu'il insiste. L'Esprit qu'il leur enverra habitera en eux: c'est l'intime de leur âme qu'il éclairera, c'est dans le secret de leur coeur qu'il leur fera voir le chemin que l'amour leur trace; il leur parlera comme un hôte intérieur dont ils ne pourront méconnaître la présence.

   Aussi est-ce au désir de cette intimité personnelle que conduit la magnifique liturgie de la Pentecôte.  L'INTROîT  de la messe nous montre l'univers rempli de la présence de l'Esprit; mais voici , avant même l'Evangile où Notre-Seigneur ne nous parlera que d'initimité, le chant liturgique propre à la fête, l'admirable invocation du Veni Sancte Spiritus. Elle est consacrée toute entière à nos relations personnelles avec l'Esprit d'amour.

   C'est lui, l'hôte très intime de l'âme et son consolateur très bon, repos dans le labeur et douceur dans les larmes, lumière bienheureuse qui pénètre au plus profond des coeurs. Puis viennent toutes les humbles tâches que l'amour accomplit dans l'habitation où il se plait : lavez ce qui est souillé, arrosez ce qui est aride, pansez ce qui est blessé, adoucissez ce qui est raidi, redressez ce qui est dévié. On a souvent fait remarquer que les tâches ainsi confiées à l'Esprit-Saint sont celles dont s'acquitte la mère auprès de l'enfant très petit et très aimé. C'est que l'amour, lorsqu'il arrive à un certain degré de tendresse et d'intimité, n'a pour s'exprimer que les symboles humains qu'il emprunte à l'amour de la mère et il n'en est pas de plus personnel.

   Telle est la fête de la Pentecôte. Fête de la plénitude qui couronne les apports de Noël et de Pâques, comme l'effusion et le triomphe de l'Esprit d'amour couronnent l'oeuvre de l'Incarnation et de la Rédemption.

Sa plénitude n'est telle que parce que l'homme et la création s'y trouvent unis et réconciliés, l'un définitivement introduit en son état d'enfant de Dieu, l'autre, le monde, comblé en son ardent désir de glorifier Dieu par l'entremise de l'homme . " Vous avez reçu, dit saint Paul, un Esprit d'adoption en qui vous criez : " Abba , Père; et cet Esprit lui-même rend témoignage à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu... Et la création toute entière attend avec un ardent désir la manifestation des enfants de Dieu; car jusqu'à ce jour elle gémit et souffre, mais elle aspire à être délivrée de la vanité, et à avoir part à la liberté glorieuse des enfants de Dieu."

   A l'homme et à la création, la Pentecôte donne en prémices cette délivrance, cette liberté, cet achèvement .

R.P. Delon op

Rédigé par Philippe

Publié dans #spiritualité

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