O mon Dieu Trinité que j'adore . l'Hôte divin de nos âmes.
Publié le 9 Juin 2017
" Marche en présence de Dieu et sois parfait."
règle de saint Benoît .
La grande lumière nous vient de la connaissance du mystère de la Sainte Trinité. Il n'y a qu'un seul vrai Dieu. Ce Dieu qui est en nous tout entier, c'est le Dieu unique en sa nature et trine en ses Personnes. Et cette constatation nous confond. Ainsi cette Trinité vivante, que nous avons coutume de nous représenter dans je ne sais quel lointain où elle se montrerait à découvert aux anges et aux ciel, cette Trinité adorable, elle est en nous, elle vit en nous.
En moi, en ce moment, comme à tous les autres instants de ma vie, Dieu le Père en se connaissant lui-même engendre son Fils et lui donne toute sa nature divine pour en faire son égal et son " consubstantiel" . En moi, en ce moment, Dieu le Père et Dieu le Fils s'aiment, et des torrents infinis de cet amour unique où ils se donnent l'un à l'autre procède la Personne du Saint-Esprit. Cela , encore une fois, se passe en moi, à chaque instant, et je ne le savais pas: Vere Dominus est in loco isto, et ego nesciebam (Gen. XXVIII, 16) Et cette vérité dont je ne puis douter, comme elle provoque mon âme à l'admiration, au respect, et par-dessus tout à de nouvelles adorations.
Mais je ne suis qu'au seuil de ce monde nouveau. Car ce Dieu vivant en moi m'appelle à partager son bonheur, à entrer, comme fils adoptif et sous les auspices du Fils unique, dans le mouvement de vie qui , au sein de la Trinité, emporte le Fils par amour jusque dans le sein du Père. Pour me donner cette espérance inouïe, pour m'assurer cet héritage divin, le Fils s'est fait semblable à moi et s'est livré pour moi.
C'est ce même Fils qui , présentement, avec son Père et l'Esprit-Saint, réside en moi; il veut me préparer aux jouissances célestes d'une vie divine dont il me fera partager un jour avec lui le bonheur; et il me donne dès ici-bas, il me donne sans interruption la vie de la grâce qui est une participation à la vie divine dont il vit lui-même...
Devant un Dieu qui, présent en moi, me comble ainsi de ses dons gratuits, les uns en espérance, les autres déjà réalisés, ce n'est plus seulement l'adoration qui remplit mon coeur, c'est la confiance absolue et l'abandon total, c'est la reconnaissance qui conduit à l'amour.
Oui , c'est à l'amour réciproque que me convie mon Dieu en révélant à ma foi le mystère auguste de sa vie en trois Personnes, en élevant mes espérances jusqu'à attendre avec une ferme confiance la participation béatifiante à sa propre vie. Et cet amour, il ne l'envisage pas seulement pour plus tard, dans la béatitude du ciel: il veut le voir réalisé dès ici-bas. Présent en moi, il se donne à moi pour me prouver qu'il m'aime et me provoquer à l'aimer.
Nous touchons ici au mystère central de notre vie intérieure. Essayons de comprendre un peu mieux ce don que Dieu nous fait de lui-même en habitant dans nos âmes en vertu de la grâce sanctifiante et de la charité.
Si quis diligit me ... Pater meus diliget eum, et ad eum veniemus, et mansionem apud eum faciemus (Joan, XIV, 23) Attachons-nous à ces derniers mots : Dieu établira sa demeure chez nous.
Etre chez quelqu'un, ce n'est pas seulement se trouver physiquement dans sa demeure. Des touristes visitent un château historique; le propriétaire y habite dans quelques pièces qu'il s'est réservées; un guide conduit les visiteurs. Peut-on dire que cette foule anonyme est reçue chez le maître du château? Certainement non ! Etre reçu chez quelqu'un, c'est être accueilli par lui comme un hôte intime, qu'on entoure de prévenances, qu'on ne laisse pas seul, mais auquel on donne de son temps, auquel on ouvre son coeur dans des conversations pleines d'abandon, auquel on fait part, sans compter et sans rien cacher , des biens et des trésors que l'on possède afin que, pendant son séjour, il en jouisse comme s'ils étaient à lui.
C'est ainsi que Dieu entend venir chez nous et nous admettre chez lui. Sa présence en nous, cette présence toute spirituelle du Dieu vivant et agissant en nous, n'est pas seulement l'étroite dépendance qui résulte du lien causal; elle implique de la part de notre Dieu des rapports personnels avec nous , un don de lui-même à nous. Dans le sanctuaire de nos âmes, nous habitons avec notre Dieu; nous sommes chez lui et il nous admet comme ses hôtes à jouir de ses biens et de lui-même. Il est chez nous et il attend de nous le libre abandon de tout ce que nous possédons et qui nous vient de sa libéralité. Et comme il se donne à nous par amour, c'est par amour aussi qu'il veut que nous nous donnions à lui.
Le ciel nous dévoilera pleinement un jour cet Hôte divin: nous le verrons et nous jouirons de lui. Mais ici-bas, nous savons par la foi qu'il est en nous, chez nous, que nous le possédons vraiment parce qu'il se donne à nous; et cette certitude que nous donne la foi autorise la confiance, dilate l'âme, la remplit de douceur et de suavité, donne la paix et la sécurité.
Dieu va parfois plus loin encore dès ici-bas, et il permet à certaines âmes très pures, tout à fait livrées à lui et traitées par lui avec une prédilection absolument gratuite, de prendre conscience de cette présence intime et de cet amour. L'âme alors ne sait pas seulement, elle expérimente Dieu présent et elle jouit du Dieu aimant. Aux élans de son coeur vers Dieu, le Maître intérieur, silencieux pour nous et enveloppé dans les ombres de la foi, répond d'une façon perceptible en entr'ouvrant les voiles. Heureuses les âmes que l'Hôte divin traite ainsi! Devant les perspectives infinies qui sont ouvertes à notre vie intérieure, c'est-à-dire à notre intimité avec Dieu, qui de nous pourrait ne pas sentir son courage s'enflammer et sa reconnaissance grandir envers ce Dieu présent en nous, non pas seulement par la nécessité de sa nature, mais par un don gratuit de lui-même, inspiré par son amour infini et nous conviant à un amour qui, de notre côté , peut aussi grandir et s'accroître sans limite et sans cesse?
Essayons désormais de vivre de ces splendides réalités que la foi nous révèle. Efforçons-nous de n'oublier jamais que Dieu est en nous, qu'il nous aime et que nous devons l'aimer et le traiter comme notre Hôte. Souvenons-nous que le péché mortel chasse Dieu de notre âme, non qu'il empêche sa présence physique, mais parce qu'il contraint notre Dieu à se replier pour ainsi dire sur soi-même en cessant de nous aimer et de se donner à nous dans la charité. Souvenons-nous que le péché véniel, sans mettre notre Hôte divin à la porte de notre âme, se désintéresse de lui pour courir après des bagatelles qui lui déplaisent , et constitue un manque d'égards et de respect, voire même parfois une véritable insulte. Souvenons-nous enfin que la tiédeur est une attitude inexcusable, puisqu'elle nous place, à l'égard du Dieu que nous savons par la foi présent en nous, dans un état d'indifférence telle que nous avons pris et que nous gardons l'habitude de penser et d'agir comme si Dieu n'était pas notre Hôte aimant sans cesse occupé à nous combler de bienfaits.
Et pour conclure à la pratique, voyons un peu comment , au début d'une oraison , nous pouvons utiliser cette grande vérité de la présence de Dieu telle que nous venons de la comprendre.
Après nous être recueillis, c'est-à-dire avoir ramené à nous notre imagination vagabonde et repris en main toutes nos facultés, nous nous adresserons à Dieu et nous lui dirons :
" Mon Dieu, je crois que vous êtes partout présent. Je crois que vous êtes en ce lieu où je suis venu pour vous prier. Je sais que les objets qui m'entourent et que perçoivent mes sens sont, malgré les apparences, moins réels que vous ne l'êtes vous-même, ô Dieu éternel. Je sais, je crois que vous êtes en moi, que vous y êtes tout entier, avec toutes vos perfections, avec votre vie trinitaire dont je suis le sanctuaire indigne. Je crois que tout mon être, toute mon existence est suspendue à votre volonté créatrice, comme l'effet à sa cause, comme le rayon au foyer lumineux , comme le son aux lèvres qui le profèrent. O mon Dieu, dont je dépends absolument, je reconnais mon néant, et je vous adore. Ah! si du moins je n'étais que néant! mais je suis pécheur: j'ai retourné contre vous les dons que vous me faites . Au moment même où je les recevais de vous, je les ai employés pour vous déplaire et vous insulter. Pardon, mon Dieu! De ce pardon je suis indigne; mais votre miséricorde infinie, votre amour toujours actuel à mon égard raniment ma confiance. Et ce pardon que vous m'accordez en ce moment me donne un nouveau sujet de vous louer avec toutes les créatures qui reçoivent de vous tant de bienfaits; il me donne surtout un nouveau motif de vous aimer, ô mon Hôte divin auquel je reviens, désolé de ma conduite, mais décidé à m'abandonner à votre amour. Je veux, du moins, employer le temps de cette oraison à vous tenir compagnie, à vous dont j'ai si souvent méconnu, oublié la présence. Depuis longtemps vous m'attendez: me voici enfin, ô mon Dieu; daignez m'accueillir et par votre grâce me retenir près de vous pendant tout le temps de cette oraison ; car sans vous je ne puis même vous prier comme il convient; et je suis heureux de cette dépendance totale parce qu'elle me lie plus étroitement à vous....."
p Catherinet.