heures perdues... !
Publié le 4 Août 2017
A qui d'entre vous n'est-il pas arrivé, à la fin d'un jour, de vouloir palper quelque résultat, de n'en point trouver et de se dire alors: Qu'ai-je fait ? Que de vides dans cette pauvre journée, pourtant employée à tant de tâches ! Que de paroles inutiles, que de conversations banales, que de temps dispersé dans les fonctions de la vie, comme si le tout de mon occupation avait été seulement de vivre! Pourquoi tant de besognes et de distractions, et ces empêchements continus, et la visite de ce fâcheux, et ce mal de tête qui m'a empêché d'être dispos, ces impuissances, et enfin ce sommeil qui est venu ensevelir une journée lasse et déjà bien pleine de rêves? Le jour s'achève. Je n'ai donné à Dieu que mes intentions de mieux faire. Demain, je sais bien que ce sera la même chose, et ainsi de suite jusqu'à la fin. Quelle mystère que la vie humaine!
On a besoin de bien du courage pour accepter ses limites, et pour se connaître. Mais sans cette première acceptation, que de périls! La vie spirituelle doit être vécue par un esprit incarné dans les humbles conditions de la vie présente. Elle ne peut pas être, comme les rêves de retraite faite par le fonctionnaire, un idéal différé jusqu'au jour où, enfin, nous aurons le temps. Et il ne faudrait pas lire une revue de spiritualité comme celui qui lit le récit d'une exploration polaire ou d'une ascension stratosphérique: et comme si tout cela était quelque chose de trop beau et de réservé à des héros et aux saints. Tant que nous n'aurons pas cherché à incarner la sagesse dans les moments les plus obscurs et les plus réfractaires de nos vies, peu de chose encore sera fait, car c'est toute la trame de l'existence qui doit être imprégnée par l'Esprit. En cela consiste sans doute la science de la vie.
Déjà, nous pouvons trouver un enseignement en regardant le passé avec cette mémoire profonde et pieuse qui y discerne le passage de l'amour divin. Le moment présent est toujours le lieu de l'incertitude, du désordre et d'une certaine angoisse, mais en se disposant dans la douce immobilité de ce qui est révolu (et qui pour Dieu est toujours vibrant) , voici que sa qualité change par une sorte de permanent miracle: sa monotonie devient de l'harmonie, ses remous se compensent, le plan divin apparait par lambeaux, le sens de notre destin se découvre, l'appel de Dieu se signale, les évènements trouvent leur ordre, les accidents se justifient, les épreuves on les comprend enfin, certaines rencontres nous les comparons aux visites d'un ange, le visage du Christ se lit sur notre histoire, son doux sourire d'amour s'imprime sur ce voile et il glisse même à travers nos fautes. Cette transfiguration chacun peut s'en donner le spectacle, quand il pense aux jours écoulés. Alors il peut se dire que le présent, demain, sera passé et que nous comprendrons alors que le Christ y demeurait sacramentellement sous les espèces de nos troubles.
Et puis, même en ne faisant rien, on peut servir, si Dieu nous veut ainsi. Ils sont aussi des serviteurs, ceux qui se contentent d'être debout et d'attendre. They also serve who only stand and wait. Le vieux Milton, devenu aveugle, avait choisi et composé cette devise. Qu'elle nous enseigne le prix d'une simple attente. Penser à Dieu est une action, disait Joubert. Et quel est l'état de vie où cette action peut nous être ôtée? Et puis qu'une citation en appelle d'autres, qu'on m'excuse de rappeler cette pensée de Gratry à propos du style, mais qui trouve ici encore son application. Quand vous ne voyez rien, ne dites rien. " Ce silence-là aura son prix et rendra le reste sonore." Il faut sans doute beaucoup de silence et de contemplation pour qu'une vie soit harmonieuse.
dominicus .