lectio divina . bienheureux les pacifiques. PAX

Publié le 17 Octobre 2017

 

" Heureux les pacifiques, parce qu'ils seront appelés les fils de Dieu ! "

 

                                               Dans le langage de l'Ecriture, l'expression de fils de Dieu dit mieux cependant que la vision divine l'essence de notre vie surnaturelle.

      Connaissance et filiation se présentent dans le rapport de l'action et de l'oeuvre, du mouvement et du terme :" Nous lui serons semblables, parce que nous le verrons tel qu'il est ." Etre fils de Dieu, c'est le dernier mot de notre destinée.

    Or, ce  caractère filial que nous voyions resplendir avec une croissante magnificence dans les autres béatitudes, la paix, la paix  surabondante et qui s'épanche à l'entour, le réalise si éminemment, qu'il lui est donné pour unique et particulière récompense. Tandis que les Pharisiens, fils du Mauvais, haïssent et disputent, elle fera aux disciples du Seigneur une douce lumière autour de leur front, comme le rayonnement infaillible de leur vie toute divine. Une telle sublimité prouve assez qu'elle marque notre suprême achèvement.

                                                     La paix est, en effet, " le dernier parmi les dons divins " Saint Thomas . "la fin de la vie spirituelle " In Gal , I,3 , l'apaisement de l'âme par la fin obtenue " Ibid , tout simplement " la fin, parce que c'est au moment où l'appétit est totalement apaisé, où la volonté se repose dans la plénitude de tout bien, que la paix existe " . Si, dans ce degré, elle ne se rencontre qu'au ciel, dès ce monde on y doit reconnaître sans hésiter la note distinctive des âmes parvenue sur les sommets.

                                                    Ainsi nous apparait-elle comme le repos qui suit la perfection de l'union divine et de la charité, la perfection tout court, et comme l'état lui-même de la béatitude. Pour qui la possède, la consommation décrite par l'Apôtre est un fait accompli : Deus omnia in omnibus, le Père est tout en lui; il est fils de Dieu autant qu'il peut l'être, et les torrents de la joie éternelle l'ont envahi tout entier.  La ressemblance filiale et les moeurs divines éclatent de toutes parts dans l'âme pacifiée.

                                        En elle reluit d'abord, de par son achèvement, quelque reflet de la perfection de Dieu. Parce qu'il est essentiellement et par soi, Dieu est acte pur, c'est-à-dire perfection totale, sans limite ni mélange, l'acte signifiant ce qui est achevé, complet, d'un mot la perfection; il se suffit, sans rien pouvoir acquérir. Ah! sans doute, que notre perfection est chétive au prix de celle-là ! Perfection empruntée, partielle, qui n'est point absolument, mais qui commence et se fait! Et néanmoins, vraie plénitude.

                                                         Parce qu'il est essentiellement, et qu'il est acte pur ou perfection, Dieu est un de l'unité parfaite, la simplicité, dans l'absence totale de composition ou de multiplicité quelconque; il ne saurait y avoir en lui ni limitation ni parties, dès là qu'il est purement et simplement, de par sa nature et sans cause, donc infiniment .

la paix, la tranquillité de l'ordre.

                                                       L'homme jouit aussi , dans sa consommation et sa paix, de l'unité qui convient à l'être créé, nécessairement composé, c'est à savoir l'unité d'ordre. Selon le mot célèbre de saint Augustin, la paix est " la tranquillité de l'ordre", lorsque toutes choses sont disposées à leur place, selon une loi ou pensée unique, qui est la loi est la pensée éternelle de Dieu?

                                                 Or ,  l'âme sainte connait supérieurement cette loi, car elle a reçu , avec la plénitude de Dieu en elle, les pensées et les jugements divins.  De même que le Fils Unique et naturel est Sagesse du Père, de même elle, fille adoptive, possède cette sagesse d'une manière participée  par le don du Saint-Esprit: connaissance expérimentale et savoureuse, provenant de l'intime communion de nature; contemplation très parfaite, qui fait tout voir en Dieu, et juger de tout selon Dieu, par les raisons et les règles divines.

                                           Dès lors , elle est puissante pour établir en soi l'ordre de la charité . " Sont pacifiques en eux-mêmes, dit encore saint Augustin, ceux qui composent et assujettissent à la raison, c'est- à - dire à l'âme intelligente et à l'esprit, tous les mouvements de leur coeur. Ayant dompté leurs convoitises charnelles, ils deviennent le royaume de Dieu, royaume où toutes choses sont ordonnées, de manière que ce qui est principal, dans l'homme, et excellent, commande au reste sans résistance. ...

                                            Telle est la vie du sage consommé et parfait. Plus il allait vers la perfection, plus aussi grandissait-il en ordre et en unité. Toute sa vie est dorénavant commandée, informée par l'acte quasi unique, tant il est continu, de la contemplation, foi , espérance et amour. Passé le seuil de la mort, cet acte, participation de l'acte unique qu'est Dieu, deviendra, sous la forme parfaite de la vision intuitive, essentiel à son état, et tous les autres seront noyés dans la gloire de celui-là .

                                         La perfection de Dieu entraîne son immutabilité aussi bien que sa simplicité: seul est susceptible de changer l'être composé de puissance et d'acte; en d'autres termes , l'être imparfait. Chez le Père des lumières, aucune vicissitude ni ombre de changement. Il ne prend pas une résolution, puis une autre :" Moi, Yaveh, je ne change pas."

                                            Aucun mouvement dans la "toujours tranquille Trinité" . De même est - elle invulnérable à tout mal et à tout offense; ni les injures ne la peuvent lasser, ni les iniquités l'émouvoir de douleur, bonté indéfectible, immuable nature.

                                     Ainsi l'âme achevée et apaisée par la possession de Dieu. En face du bien divin adéquatement proposé, d'une part elle a perdu toute possibilité de ne le pas vouloir et tout autre chose qu'elle veut, elle la veut immuablement pour Dieu; d'autre part, entièrement possédée de son bonheur, aucun mal ne saurait plus avoir accès en elle. Immobilité et unité radieuse de la perfection céleste !

                                         Les saints la considéraient d'un regard d'envie, tout en bénissant le Seigneur de leur en faire goûter des gages bien précieux . Sur les hauteurs où sa main puissante les avait établis, l'air était si pur déjà et si tranquille! On l'a de longtemps remarqué, l'union avec Dieu, lorsqu'elle est très intime, rend maître du premier mouvement.

                                              La grâce ordinaire nous aide à dominer le second; mais on reconnaît l'âme conduite du Saint-Esprit à ce qu'elle est maîtresse du premier, ou plutôt à ce que le premier mouvement, chez elle, est surnaturel: ordonnée comme elle est , elle subit d'abord l'influence divine. Par suite, elle échappe aux mille secousses qui agitent incessamment le commun des mortels. Rien ne mord à fond sur elle. La voix même de la tentation lui demeure quasi tout extérieure, sans plus éveiller dans son fond ni délectation périlleuse ni complicité, par une similitude merveilleuse avec le privilège du Christ.

                                 Les injures qu'on lui fait ne l'émeuvent ni ne l'offensent. Les évènements de ce monde la trouvent, non pas indifférente, mais calme: elle les voit en Dieu, et non plus qu'ils ne troublent la paix divine, ils ne lui ravissent la sienne. On le voit chez nos moines.

                               C'est bien là, s'écriait un ancien Père du désert, le grand miracle du ciel, qu'un homme de chair et vivant dans la chair ait rejeté tout penchant charnel; que parmi tant d'assauts qui lui sont livrés, il garde son âme dans la même disposition, et demeure immobile au milieu du flux incessant des évènements. " Nulle béatitude ne respire autant que celle-ci le parfum de l'éternité.

 

L'âme pacifiée ressemble encore à Dieu dans ses oeuvres.

 

                                                Nos yeux seuls nous découvrent le cours paisible et ordonné des mondes . Mais nous avons en outre appris de saint Paul une vérité plus profonde, à savoir l'unique pensée qui préside à la création et au gouvernement de l'univers: tout a été fait pour le Christ et dans le Christ.

                                            Nous savons aussi que le Messie fut annoncé par les prophètes comme le Prince de la paix, et son règne comme une ère de paix. Descendu sur terre, on voit paraître avec lui , selon les belles expressions du glorieux martyr Cyprien , " le docteur de la paix et le maître de l'unité." Il ne souhaite rien plus que d'être l'unique pasteur d'un unique bercail; il ne demande pour ses disciples que le bienfait de l'unité; il meurt pour recueillir en un les fils de Dieu dispersés; et la société qui naît de lui est une Jérusalem nouvelle, une cité de paix pour l'éternité.

                                 A son image, les enfants de Dieu sont des pacifiques. Ils font la paix par la douce influence et rayonnement. Leur  politique se résume en ce mot , qui est aussi la loi de l'école divine: comme  " Dieu est charité" , ils ne veut être que charité. C'est là leur sagesse, qui dispose toutes choses suavement et fortement. Ils sont prêts au sacrifice, plutôt que de déchirer la robe sans couture ou, pour mieux dire, le corps même du Christ : eux aussi, ils mourront , s'il le faut, pour l'unité. Diviser serait détruire: ils donnent l'être, le bien , le bonheur, en semant la charité comme l'ont toujours fait nos moines.

Anges de la paix ils seront célébrés comme les vrais fils de Dieu.

 

dom Pichery osb +

 

Rédigé par Philippe

Publié dans #spiritualité

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