à l'école de St Benoît : la crainte de Dieu .

Publié le 25 Janvier 2018

   Le saint Patriarche place la révérence envers Dieu comme point de départ:  " Le premier degré d'humilité consiste à avoir toujours devants les yeux, sans l'oublier jamais, la crainte de Dieu" : Si timorem Dei sibi ante oculos semper ponens, oblivionem omnino fugiat.

   Mais il existe une gradation dans la crainte de Dieu. De quelle crainte s'agit-il ici? Il ne peut être question de la crainte servile, de la peur du châtiment propre à l'esclave, laquelle exclut l'amour et paralyse la confiance; il s'agit d'abord de la crainte imparfaite à laquelle l'amour se mêle, ensuite de la crainte révérentielle. Notre-Seigneur lui-même nous dit de ' craindre celui qui peut nous perdre corps et âme dans l'enfer", in gehennam.

   Cette crainte fait en sorte que, pour ne pas déplaire à Dieu qui punit le mal, nous veillons sans cesse à éviter le péché: Custodiens se omni hora a peccatis et vitiis. Cette crainte est bonne. L'Ecriture nous met sur les lèvres cette prière :" Percez, Seigneur, de votre crainte mes os et ma chair. "  Configere timore tuo carnes meas. Notre-Seigneur en personne prescrit cette crainte à ceux-même qu'il daignait appeler ses amis : Dico autem vobis amicis meis.

   Sans doute, à mesure que l'âme progresse dans la vie spirituelle, la crainte susdite cède peu à peu la place à l'amour, comme mobile habituel d'action. Elle ne doit jamais cependant disparaître tout à fait: c'est une arme que nous devons constamment tenir en réserve, au fond de notre arsenal, pour les heures de combat où l'amour menace d'être submergé par la passion. Piété de boudoir que celle qui voudrait ne s'appuyer jamais que sur l'amour, piété pleine de présomption et de dangers. Le Concile de Trente insiste avec force sur l'incertitude où nous sommes touchant notre persévérance finale; notre vie est une épreuve continuelle dans la foi, et nous ne devons jamais nous dessaisir, sans la garder à notre portée, de l'arme de la crainte de Dieu.

   Cette crainte imparfaite doit pourtant s'achever habituellement dans la crainte révérentielle dont le terme ultime est une adoration pleine d'amour.  C'est de cette crainte qu'il est dit :' Timor Domini sanctus, permanens in saeculum saeculi. " La crainte du Seigneur est sainte et demeure à jamais " ; c'est la révérence qui, devant l'infinie plénitude des perfections divines, saisit toute créature, même devenue enfant de Dieu, même admise au royaume des cieux; révérence qui fait que les anges si purs se voilent la face devant l'éclat de la majesté divine ::" Adorant dominationes, tremunt potestates. ; révérence qui remplit l'humanité même du Christ. Et replebit eum spiritus timoris Domini.

   Que nous dit le grand Patriarche quand il nous invite dans le Prologue à nous mettre à son école ? Qu'il veut nous apprendre, comme à des fils, la crainte de Dieu: Venite filii... timorem Domini docebos vos.

   Ce Dieu est un "Père plein de bonté, dont nous devons écouter les enseignements avec l'oreille du coeur, c'est-à-dire avec un vif sentiment d'amour, car ce Père nous prépare un héritage de gloire immortelle et d'éternelle béatitude".

   Saint Benoit veut que nous prenions garde de lasser par nos fautes " la bonté de ce Père " céleste qui nous attend: Quia pius est, et qui, " dans son amour, destine ceux qui le craignent à une ineffable participation à sa propre vie". Et vita aeterna quae timentibus Deum praeparata est .

   Cette crainte, cette révérence envers Dieu, Père d'une infinie majesté, Patrem immensae majestatis, doit être habituelle et "constante" , car il s'agit de la vertu, d'une disposition habituelle, et non d'un acte isolé: Animo suo semper evolvat; c'est d'elle en effet, comme d'une souche vivante, que saint Benoît va faire dériver tous les autres degrés d"humilité.

   Chaque degré de la vertu intérieure est un pas vers l'adoration profonde de Dieu, terme final de notre révérence. Si nous avons, en effet, cette révérence envers Dieu, nous passons , comme tout naturellement, à la soumission de notre volonté à celle de Dieu: c'est là le second degré.

   La vraie crainte de Dieu oblige l'homme à s'inquiéter de ce que Dieu lui commande; c'est un manque de respect envers Dieu que de ne pas penser à ce qu'il nous prescrit. La volonté de Dieu est Dieu même: si nous avons la crainte de Dieu, nous nous livrons , par révérence envers lui, à l'accomplissement de tout ce qu'il nous ordonne : Beatus vir qui timet Dominum in mandatis ejus volet nimis.

   Nous aurons pour Dieu une telle révérence que nous préférerons toujours sa volonté à la nôtre; nous lui immolerons cette volonté propre qui, en beaucoup d'âmes est une idole intérieure à laquelle elles offrent sans cesse de l'encens.

   L'âme humble, connaissant la souveraineté des droits de Dieu, qui découlent de la plénitude de son Être et de l'infinité de ses perfections, sachant son propre néant et sa dépendance, ne veut pas trouver en elle-même les mobiles de sa vie et de son activité; elle les cherche dans la volonté de Dieu; elle sacrifie sa volonté propre à celle de Dieu; elle accepte les dispositions de la Providence à son égard, sans s'élever en elle-même, parce que seul Dieu mérite, à cause de sa sainteté et de sa toute-puissance, toute adoration et toute soumission : Humilitas proprie respicit reverentiam qua homo Deo subjicitur... per hoc quod Deum reveremur et honoramus, mens nostra ei subjicitur.

dom Marmion .

 

Rédigé par Philippe

Publié dans #spiritualité

Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article