"Allez à ma vigne ! " (3)
Publié le 27 Janvier 2018

Ensuite le soleil devient plus éclatant, il darde ses rayons brûlants sur les fruits et les rend de plus en plus transparents; la douceur s'y fixe toujours davantage, les peaux qui les enveloppent deviennent très minces. Ainsi en va t-il dans le domaine spirituel; les obstacles intermédiaires deviennent finalement si ténus, qu'on reçoit sans cesse les touches divines de tout près. Aussi souvent et aussitôt qu'on se tourne vers Lui, on trouve toujours à l'intérieur le divin Soleil brillant avec beaucoup plus d'éclat que tous les soleils qui ont jamais lui au firmament; et ainsi tout dans l'homme est déifié à tel point qu'il ne ressent , ne goûte et ne connaît rien aussi vraiment que Dieu, d'une connaissance foncière, et cette connaissance surpasse de beaucoup la science et le mode de connaissance rationnelle.
Enfin on arrache les feuilles et l'on en dépouille les sarments, afin que le soleil puisse se répandre sur les fruits, sans rencontrer aucun obstacle. Il en est de même chez ces hommes; tout intermédiaire tombe et ils reçoivent tout d'une façon immédiate. Voici que tombent prières, représentations des saints, pratiques de dévotion, exercices. Mais que l'homme se garde pourtant de rejeter ces pratiques, avant qu'elles ne tombent d'elles-mêmes.
A ce degré alors le fruit devient si indiciblement doux, qu'aucune raison ne peut le comprendre, et les choses vont si loin que l'esprit s'abîme au point de perdre toute pensée distincte. Il ne fait plus qu'un avec la douceur divine, si bien que son être est tout pénétré de l'Être divin et qu'il s'y perd comme une goutte d'eau dans un grand fût de vin. L'esprit est tellement plongé en Dieu, dans l'unité divine, qu'il y perd tout ce qui le distinguait . Tout ce qui l'a amené à ce degré, telles que son humilité, ses intentions, sa personnalité même, tout cela perd alors son nom, et il n'y a plus qu'une simple, paisible et mystérieuse unité sans distinction.
Ah! mes enfants, ici les bonnes intentions, l'humilité, ne sont plus qu'une simplicité, un mystère si essentiellement paisible dont on peut à peine prendre conscience. Ah ! ne demeurer là qu'une heure, un seul instant, ce serait mille fois plus utile et plus agréable à Dieu, que de demeurer quarante ans dans les pratiques de son choix .
Que cela nous soit donné à tous et qu'à cela Dieu nous aide !
Ainsi soit-il .
J. Tauler