de l'Epiphanie.
Publié le 4 Janvier 2018


Réjouissez-vous dans le Seigneur, frères bien-aimés, encore une fois, réjouissez-vous , 1 Phil. IV,4
car c'est bien peu de temps après avoir célébré l'anniversaire de la naissance du Christ que nous voici illuminés par la fête de sa manifestation : Celui qu'en ce jour-là une Vierge a enfanté, en celui-ci se fait connaître. Car le Verbe s'étant fait chair Jo , I, 14 a pris sur Lui notre nature avec de tels ménagements dans les débuts, que Jésus à sa naissance, tandis qu'Il se révélait aux hommes de foi, demeurait voilé aux yeux de ses persécuteurs. Les cieux donc ont annoncé la gloire de Dieu Ps. XVIII,1 et la vérité s'est faite entendre à toute la terre: Rom . X, 18 . ; et si cela a eu son accomplissement lorsque les bergers aperçurent l'armée des Anges qui leur annonçait la parution du Seigneur, c'est aussi lorsque l'étoile s'est faite le guide des Mages pour les mener L'adorer.
Ainsi cette génération du vrai Roi a jeté sa lumière du levant au couchant, puisque cette réalité que les royaumes de l'orient apprirent par les Mages, ne fut pas ignorée non plus de l'empire romain. Car Hérode voulant éteindre l'aurore d'un roi qui l'inquiétait, par sa cruauté, sans le savoir, servait ce dessein: tandis qu'il donne toute son attention à perpétrer ce crime atroce, et que pour atteindre ce nouveau-né qu'il ne connaît pas il met à mort tous les enfants sans distinction, la renommée proclame partout avec plus de célébrité cette naissance du Dominateur annoncée par le ciel: car à la rendre plus empressée et plus soigneuse à parler se concertaient la nouveauté du signe céleste et la monstrueuse férocité du persécuteur impie.
Si d'autre par le Sauveur fut alors porté à l'Egypte, c'est que par la grâce secrète de sa présence Il voulait appeler au salut déjà tout proche ce peuple adonné à d'antiques erreurs; c'était afin aussi que celui qui n'avait pas encore rejeté de son âme la superstition, offrit , dès lors, l'hospitalité à la vérité.
Ce jour rendu sacré par la manifestation du Seigneur a bien mérité, frères bien-aimés, la dignité toute spéciale que lui a accordée le monde entier; qu'en nos coeurs également il resplendisse d'une lumière digne de lui : et pour rendre un tel hommage à la succession de ces évènements mémorables il ne suffit pas d'y donner foi, il faut s'appliquer aussi à en pénétrer tout le sens.
Quelles actions de grâces ne devons-nous pas en effet au Seigneur pour ce qu'il a accordé la clarté aux Gentils? l'aveuglement des Juifs nous en donne la mesure. Que peut-on imaginer de si aveugle, de si étranger à la lumière que ne furent ces prêtres et ces scribes d'Israël ? Aux Mages qui s'informaient, à Hérode qui demandait où, d'après le témoignage des Ecritures, devait naître le Christ, Mt II,4 ce sont eux qui ont fourni la réponse qu'ils tiraient des prophéties: celle-là même qu'indiquait l'étoile du haut du ciel. Sans doute cette dernière aurait-elle pu laisser de côté Jérusalem et , comme elle le fit par la suite, conduire par son seul signe les Mages jusqu'au berceau de l'enfant; mais pour confondre l'endurcissement des Juifs, il était à propos que ceux qui déjà avaient l'astre pour les conduire, apprissent aussi de leur aveu même où était né le Sauveur. Dès lors donc l'Ecriture tournait ses prophéties à l'enseignement des Gentils, et le Christ prédit par les oracles antiques se faisait connaître aux coeurs étrangers, puisque les Juifs dans leur infidélité, professant de bouche la vérité, gardaient en leur coeur le mensonge. Ils ne voulurent point reconnaître de leurs yeux Celui qu'ils avaient révélé par le moyen des livres sacrés: Celui-là même qu'ils refusaient d'adorer tout humble en son enfance fragile, et qu'ils devaient plus tard crucifier dans tout l'éclat de ses forces pleinement épanouies.
Comment donc, ô Juifs, pouvez-vous à la fois posséder la science et n'avoir qu'une si mauvaise information, enseigner et rester si peu instruits? On vous demande où le Christ doit naître Mt,II,4 et consultant votre mémoire, vous dites la vérité telle que vous l'avez lue :" A Bethléem de Juda . ib, 5. Ainsi en effet l'a écrit le Prophète: Et toi , Bethléem, terre de Juda, tu n'es pas la moindre parmi les villes principales de Juda. Car c'est de toi que sortira le Chef qui doit régir mon peuple d'Israël. Michée, V,2 Ce prince est né, les Anges l'ont annoncé aux bergers Luc II, 10 , et les bergers à vous-mêmes . ib, 18 Ce prince est né, et jusqu'aux confins de l'orient les nations l'ont appris par l'éclat insolite d'un astre nouveau. Mieux : pour qu'elles ne puissent hésiter sur le lieu de cette naissance royale, c'est votre érudition qui leur révèle ce que ne leur a pas fait connaître l'étoile.
Pourquoi vous fermez-vous la voie que vous ouvrez aux autres? Pourquoi demeure douteux à votre foi défaillante ce que votre réponse rend manifeste? Sur l'attestation des Ecritures vous indiquez le lieu de la nativité, le ciel et la terre vous témoignent que le temps est arrivé, et malgré tout la même occasion qui a embrasé l'âme d'Hérode jusqu'à la persécution , n'a fait qu'endurcir votre esprit jusqu'à l'incrédulité.
Heureuse l'ignorance des enfants, qu'a massacrés le persécuteur, plus que votre science que dans son trouble il a consultée. Vous avez pu montrer sa citadelle , et vous avez refusé d'accueillir sa royauté. Eux , ils ne pouvaient encore Le confesser, et ils n'ont pu mourir pour Lui.
Ainsi le Christ, car aucune époque de sa vie ne devait être privée de miracle, avant de pouvoir user de la langue déclarait sans paroles la puissance du Verbe; Il semblait déjà dire: Laissez venir à moi les enfants, car le royaume des cieux est à ceux qui leur ressemblent: Mt XIX, 14 Il couronnait d'une gloire nouvelle les enfants; et ses débuts rendaient sacrée la première enfance des nouveaux-nés; Il donnait à entendre par là que nul homme n'est inapte à recevoir la grâce des mystères divins, quand cet âge lui-même était capable de la gloire du martyre.
Reconnaissons donc, frères bien-aimés, en ces Mages qui viennent adorer le Christ, les prémices de notre vocation et de notre foi, et animons-nous d'allégresse pour célébrer en son principe l'espérance bienheureuse. C'est à partir de là en effet que nous avons commencé d'entrer en l'héritage de l'éternité; c'est là que se sont dévoilées à nous les Ecritures qui nous parlaient du Christ en un langage caché; et la vérité que les Juifs aveugles n'ont point reçue a apporté sa lumière à toutes les nations.
Aussi devons-nous avoir en honneur ce jour très saint, où est apparu l'auteur de notre salut; et Celui que les Mages ont vénéré enfant en la crèche, adorons-Le tout puissant en les cieux. Et de même que ceux-là sortirent de leurs trésors des présents dont les apparences n'étaient que des symboles de ce qu'ils voulaient offrir au Seigneur, ainsi à notre tour tirons de nos coeurs des dons dignes de Dieu. Sans doute c'est Lui-même qui nous prodigue tous les biens. Il recherche encore cependant le fruit de notre industrie: car ce n'est pas à ceux qui dorment qu'échoit le royaume des cieux, mais à ceux qui peinent et veillent en les commandements de Dieu; si de la sorte nous ne rendons pas improductifs ses dons, nous mériterons, par le moyen même de ce qu'Il nous a donné, de recevoir ce qu'Il a promis.
C'est pourquoi nous adressons à votre dilection cette invitation: de vous abstenir de toute oeuvre mauvaise pour vous attacher à une vie chaste et juste. Car des fils de la lumière doivent rejeter les oeuvres de ténèbres. Détournez-vous , donc de la haine, rejetez le mensonge, détruisez l'orgueil par l'humilité, secouez toute avarice, aimez répandre vos largesses: il convient que les membres soient adaptés à leur tête; c'est ainsi que nous mériterons d'entrer en part des béatitudes promises : par Notre-Seigneur Jésus-Christ qui vit et règne Dieu avec le Père et le Saint-Esprit dans les siècles des siècles . Amen.
saint Léon le Grand.