par un matin de février .

Publié le 21 Janvier 2018

   L'Enfant et la Mère montent au Temple. C'était un matin de février gris et sale comme tous les matins de février, mais c'était aussi la première sortie de l'Enfant, le commencement de sa vie publique, l'Epiphanie continuée et, comme le dit Claudel, la rencontre de l'Eglise et de la Synagogue.

   L'Enfant monte au Temple. Confrontation d'un monde neuf, divinement éternellement neuf avec l'institution la plus justement vénérable du vieux monde. Et cependant aucun prodige ne s'accomplit, le voile du Temple ne se déchire pas, les princes des prêtres et les docteurs de la loi ne viennent pas se jeter, illuminés au pied de l'Enfant.  Israël ne saura pas. L'Enfant lui-même accepte que par lui  soit accompli un rite usé.

   Seuls, deux vieillards obscurs ont compris. Anne et Siméon ont reconnu dans cette présentation si pareille aux présentations de l'Ancienne Loi le commencement de l'Ordre Nouveau, le plus humble, le plus petit des commencements, et il suffit à Siméon. Prophète, il ignore pourtant le contenu du message, il ne connaîtra pas les merveilles de la vie publique, l'Evangile de la charité, la Résurrection triomphale, et il va cependant, heureux, au devant de la mort parce que ses  yeux ont vu le salut. Ils ont vu et c'est encore la nuit épaisse. C'est à peine si le ciel a légèrement changé de couleur du côté de l'orient.

    L'apôtre fatigué a compris la leçon de la Chandeleur . " J'ai eu moi aussi le bonheur de Siméon et je n'ai pas su le nommer. Ma foi dont j'étais si fier est moins robuste que n'était la sienne; lui a oublié ce temple condamné, ces rites sans esprit, ces marchands matérialistes pour ne voir que l'Enfant qui montait.

   Moi, je vois trop ces routines sociales, ces temples solides des religions idolâtres, ces injustices contentes d'elles-mêmes, 

   Et je ne vois pas l'Enfant qui monte dans ce triste décor et qui ne détruit pas ce monde condamné; l'Enfant qui accepte de se soumettre aux lois communes, la jeunesse et la grâce présentes dans ces temps mauvais.

   J'ai cru mon travail ingrat et j'aurais voulu voir de mes yeux la conversion d'un marchand ou la chute du Temple pour récompense de ma foi. Mais la grâce est infiniment, divinement patiente; elle sait attendre; elle guette toutes les volontés, les plaintives et les craintives, les roides et les héroïques. Je ne demanderai plus que le Temple s'écroule et que les marchands abandonnent leur négoce. Peut-être avons-nous besoin avant l'accomplissement des temps, du Temple et des marchands. 

  Je serai patient, de la patience de Dieu. Je demandais ce que j'avais. Votre présence vivante en moi.

   Cette amitié eût-elle survécu à l'usure du temps, aux séparations qui changent les coeurs, aux différences de vocation qui éloignent les vies si la grâce n'avait jalousement veillée sur elle?

   Cet amour grandirait-il malgré la monotonie des travaux et des jours, serait-il si riche de découvertes inattendues si en lui ne circulait la sève qui ne connait pas d'hiver.

   Et ma prière fatiguée et sans joie, d'où lui viendrait cette ardeur sombre qui me soutient et m'aide à vivre, sinon d'une divine présence ?

  

 

Rédigé par Philippe

Publié dans #spiritualité

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