Dimanche de la Sexagésime .

Publié le 4 Février 2018

 

 

 

"Levez-vous ; pourquoi dormez-vous, Seigneur ? Levez-vous, et ne nous repoussez pas à jamais. Pourquoi détournez-vous votre visage et oubliez-vous notre tribulation ? Notre corps est attaché à la terre. Levez-vous, Seigneur, secourez-nous et délivrez-nous."

 

Le psalmiste fait entendre sa plainte :" Exsurge, quare obdormis, Domine? exsurge et ne repellas in finem ?

Pourquoi dors-tu Seigneur? Réveille toi! ne nous repousse pas à jamais ! Pourquoi détournes-tu ton visage? Pourquoi oublies-tu notre misère et notre oppression ? "  L'âme se rappelle surtout les paroles du psaume que Jésus prononça dans son agonie :" Mon Dieu, mon Dieu,  pourquoi m'avez-vous abandonné? "

Mais elle se souvient aussi que c'est dans l'heure de ténèbres que le Sauveur s'offrit à son Père qui le livrait pour nous. En union avec Lui, répétant souvent les sept paroles, elle fait un grand acte d'amour pour ce seul et très pur motif : Dieu est souverainement aimable en lui-même , infiniment plus que tous les dons qu'il m'a accordés ou que j'attends de Lui.  l'âme s'en remet pleinement à la volonté de Dieu.

Ici les actes de foi, d'espérance et de charité se fondent en quelque sorte en un acte d'abandon parfait à la divine volonté. " Pater, in manus tuas commendo spiritum meum", dit Jésus en mourant; ce fut la consécration au sacrifice de la croix.

L'âme s'unit à la consécration eucharistique qui perpétue en substance ce sacrifice sur nos autels; elle croit de la foi la plus vive que Jésus continue de s'offrir à son Père par le ministère de ses prêtres; elle croit qu'il offre avec Lui tous les membres de son corps mystique, surtout ceux qui souffrent naturellement , un peu comme Il a souffert; elle se laisse offrir par Notre-Seigneur, en pensant aux quatre fins du sacrifice: adoration, supplication, réparation, action de grâces.

Il faut à nouveau supplier Dieu de nous donner d'espérer en Lui, de créer en nous la confiance en sa miséricorde : " Sana me, Domine, et sanabor; salvum me fac, et salvus ero: Guéris-moi Seigneur, et je serai guéri; sauve-moi, et je serai sauvé . Converte nos, Domine, ad te, et convertemur: Convertis-nous Seigneur, et nous serons convertis. " Exurge, Domine adjuva nos: et redime nos propter nomen tuum: Lève-toi , Seigneur, viens à notre secours, et pour la gloire de ton nom relève nous. "

Alors , avec cette prière persévérante, l'espérance héroïque s'élève progressivement dans l'âme comme un leitmotiv oublié, très doux et très puissant, qui finit bientôt par s'imposer, par dominer toutes les voix d'enfer, par éclater en quelque sorte en hymne de confiance souveraine et de parfait abandon :" Le Seigneur ne rejette pas à toujours; mais après avoir affligé, il a compassion selon son infinie miséricorde.'

"  C'est Lui qui mortifie, et c'est Lui qui  vivifie" ; il conduit à toute extrémité et il en ramène :" Ceux qui espèrent en Dieu recevront de nouvelles forces, ils élèveront leur vol comme des aigles. Ils courront et ne se lasseront point .

" In te, Domine speravi nos, non confundar in aeternum : Je serai sauvé, Seigneur, parce que j'ai espéré en toi.

rp Garrigou Lagrange . op +

 

 

Mes biens chers Frères,

Les catholiques sont tellement habitués à l’échec, ils ont tellement pris l’habitude de capituler en rase campagne, qu’ils ne sont plus capables de prendre au sérieux la parole de saint Paul. _ Et pourtant l’apôtre, son exemple, sa parole de feu devraient nous aider et nous éclairer alors que nous sommes dans le temps liturgique qui nous prépare plus immédiatement au temps béni et sanctifiant du Carême. Trop souvent en effet, pour excuser nos échecs, pour expliquer le désastre actuel, nous regorgeons de bonnes raisons et d’alibis faciles. Les temps sont trop durs, les gens trop indifférents, L’Église trop faible, les moyens mis à notre disposition trop dérisoires.
Ah, si nous avions des instruments adaptés à la grandeur de notre mission apostolique ; ce n’est pas la bonne volonté qui manque, mais il faut bien reconnaître que les circonstances ne nous sont point favorables…
Voilà pourquoi nous nous décourageons, nous geignons, nous nous plaignons et nous ne faisons plus rien.

Et pourtant il nous suffirait de nous tourner vraiment, sincèrement vers Dieu. Nous ne pouvons arguer de notre faiblesse, de notre médiocrité, de la pauvreté des moyens mis à notre disposition. En effet, nous entendrions immédiatement Notre Seigneur nous dire, comme il le fit pour l’apôtre : Ma grâce te suffit, car ma puissance éclate dans ta faiblesse ! Dieu manifeste sa puissance, son autorité et son amour par la plus grande faiblesse qui soit.
Car ce qui est vrai du disciple, de tout disciple, c’est-à-dire de tout baptisé, est vrai, se réalise d’abord, pleinement et suprêmement dans le Christ lui-même. Quelle est la plus grande faiblesse qui soit, sinon celle de la croix : le Fils de Dieu lui-même, humilié, battu, hagard, qui semble n’avoir plus rien qui fait la dignité de l’homme, abandonné de tous, en but à un véritable déferlement de haine et de misère, c’est dans cette misère que nous contemplons, que nous est communiqué la puissance même de Dieu, la victoire de l’amour incréé, le triomphe de la sagesse divine.

Nous comprenons mieux pourquoi est proposé à notre méditation ce passage de la deuxième épitre aux Corinthiens. La liturgie du Carême, le temps de la passion, nous conduit à contempler la croix, à affronter le mystère même du mal que Dieu vient sauver et guérir. Chaque fois que nous regardons un crucifix, chaque fois que nous participons de tout notre cœur au sacrifice de la messe, chaque fois que nous faisons un acte de foi et d’amour, nous sommes introduits dans ce grand mystère : nous contemplons la puissance de Dieu qui se déploie dans la faiblesse humaine, dans la plus grande faiblesse humaine qui soit, celle de Jésus pendu sur le gibet du calvaire. Dans un apparent désastre, voici que jaillit la lumière de l’espérance, l’assurance de la victoire, la certitude du triomphe divin.

Cette victoire, mes bien chers frères, est la nôtre depuis le jour de notre baptême. Nous avons en nous le principe et la source de la victoire. Si nous sommes ce matin en cette église, c’est parce que nous reconnaissons notre faiblesse, notre péché, notre incapacité, notre paralysie pour accomplir le bien et rejeter le mal. Mais au lieu de nous morfondre dans cette morne contemplation, nous savons que la puissance divine doit rayonner dans et par notre faiblesse.
Encore faut-il que nous accueillions cette présence, cette grâce, ce pardon et que nous ne mettions point d’obstacle à son influence et à son dynamisme. C’est dans l’accueil de notre faiblesse que nous pourrons porter comme saint Paul les marques de la passion bienheureuse de Notre Seigneur.

Lorsque nous prions vraiment, lorsque nous cherchons réellement à aimer le Seigneur et à accomplir sa volonté, lorsque nous nous mettons au service de nos frères pour leur communiquer la vie divine et l’Évangile, alors la puissance du Seigneur se manifeste à travers et malgré nos faiblesses.
En revanche, nous ne devons pas nous appuyer sur nos capacités naturelles ou les capacités du genre humain à se sauver lui-même. Prenons encore une fois exemple sur saint Paul. Il ne s’appuie ni sur sa condition de juif pieux, ni même sur ce qu’il a souffert, ni sur tout ce qu’il a réalisé comme apôtre du Seigneur.
Non, tout cela doit être considéré comme des balayures, dit-il dans une autre de ses lettres, car seul pour lui compte son attachement personnel au Christ et à sa doctrine, ce que nous appelons la foi. Au soir de sa vie, saint Paul considère que sa grande victoire, le meilleur résultat de toute sa vie, le combat ultime pour lui fut d’avoir conservé la foi.

Vous l’aurez donc bien compris, mes frères, rien en nous ne constitue un obstacle au triomphe de la puissance du Seigneur, sinon notre orgueil, notre volonté propre, le refus d’être sauvé, et donc d’être aimé par Dieu.
En revanche, durant tout le temps de la Passion, il nous est demandé de contempler la croix du Seigneur, la réalité de son supplice et la victoire de son amour. C’est ce que les auteurs spirituels appellent entrer dans les plaies de Notre Seigneur. Mais écoutons saint Bernard :

« Où donc notre fragilité peut-elle trouver repos et sécurité, sinon dans les plaies du Sauveur ? Je m’y sens d’autant plus protégé que son salut est plus puissant. L’univers chancelle, le corps pèse de tout son poids, le diable tend ses pièges : je ne tombe pas, car je suis campé sur un roc solide. J’ai commis quelque grave péché : ma conscience se trouble, mais elle ne perd pas courage, puisque je me souviens des plaies du Seigneur, qui a été transpercé à cause de nos fautes. Rien n’est à ce point voué à la mort que la mort du Christ ne puisse libérer. Dès que je pense à cette médecine si forte et si efficace, la pire des maladies ne m’effraie pas » (Cantique 61, 3-4).

Voilà, mes biens chers frères, ce qui constitue pour nous un excellent programme pour toutes les semaines qui viennent. En accueillant d’un cœur joyeux et disponible la grâce de la rédemption, nous serons cette bonne terre, cette terre féconde qui rend au centuple le bon grain semé en elle.
Que notre désir de conversion et de purification soit agréé par Dieu, pour sa gloire et notre salut.

Ainsi soit-il.

Père Laurent-Marie


Rédigé par Philippe

Publié dans #spiritualité

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