4ème de carême : laetare Jerusalem !
Publié le 11 Mars 2018



Nous sommes dans la peine, et voici que la prière liturgique nous invite à la joie. Le grand Soleil de Dieu nous illumine selon le même cycle, quelles que puissent être peines et joies.
Quel déchirement, dans nos angoisses, que l'appel à la joie divine! Une trop belle journée est intolérable au coeur dans la détresse. " Réjouis-toi, Jerusalem, et vous tous qui l'aimez soyez dans l'allégresse. Tressaillez de joie avec elle ! " Est-ce seulement possible, Seigneur ? Vous nous demandez la plus allègre des joies, cette liesse, laetitia, qui s'envole d'une âme mise au large, comme nos alouettes, maintenant absentes, se précipiteront avec de petits cris ravis au plus haut du ciel de mai dégagé de nuages. Vous nous demandez de chanter le jubilus de l'alleluia; vous savez bien qu'il consiste en quelques gouttes tombées sur notre terre de la joie des bienheureux.
Nos coeurs sont trop contractés, nous ne chanterons que des lèvres, nous ne pouvons nous ouvrir à cette rosée divine, elle nous brûlerait comme une ypérite.
La joie ne se commande pas.. Laetare Jesusalem ! Réjouis-toi, pauvre âme triste, quelle dérision ' - Vais-je affecter, répond-elle, ce qui ne peut être que pur élan, lorsque l'élan me manque?
Avec ce que j'ai de forces, je puis peiner, et je sais comme la nature humaine est élastique, quelles ressources elle recèle quand on pense les avoir toutes épuisées, je puis fournir âprement la tâche de chaque jour, mais non pas, certes, joyeusement ! Je pourrais bien jouer, un peu de temps encore , un personnage de la joie. Ce serait une imposture. Quand les misères vous assaillent, nous ne pouvons faire que leur souffrance ne nous envahisse: je n'ai pas le droit de tâcher d'y être insensible, et comment une âme remplie d'amertume pourrait-elle se réjouir? La joie est le témoignage d'une vie qui jaillit, authentique, parfaitement d'accord avec elle-même. Ma vie est blessée, et vous lui demandez la joie. Ce mensonge-là est de tous le plus impossible.
- Tu as bien raison, la joie ne se commande pas. On traite de "fausses joies" les plaisirs qui ne flattent que notre sensualité, ou notre vanité; ces joies sont fausses, en effet, car elles favorisent les tendances centrifuges qui nous désagrègent; au lieu d'aller à notre bonheur, elles travaillent contre le meilleur de notre être; elles le déçoivent, parce qu'il exige unité, équilibre, et même une plénitude infinie; et néanmoins, elles mériteraient mieux ce nom de joies que des sentiments que l'on affecterait; derrière elles , au moins, il y a quelque chose de vital qui les suscite et s'y réjouit!
L'exaltation de l'orgueil procure aussi une " fausse " joie, parce qu'elle durcit dans la satisfaction de son excellence un coeur fait pour s'ouvrir à tout le bien; du moins ce sentiment d'horrible suffisance jaillit-il de source, lui aussi, on n'a pas à le provoquer, il a la spontanéité de la joie et cette marque inimitable de ce qui vient de nous, de ce qui fait dire :" On se sent vivre !" C'est bien ce qui trompe sur lui et le rend délicieux. Mais chercher la joie, la cultiver quand on l'éprouve, tâcher de se la procurer quand on ne l'a pas, il n'est point d'illusion plus dangereuse. Jamais une âme droite ne s'y méprendra, une âme profonde et simple.
C'est à de telles âmes que s'adressent les invitations de l'Ecriture :" Réjouissez-vous, je vous le répète, réjouissez-vous toujours... " " Soyez dans la liesse ", et tant d'autres. De telles âmes savent d'expérience que la joie est le sentiment gratuit de la vie, qu'elle ne s'obtient pas artificiellement, que pour l'avoir il n'y a pas d'autre moyen que de vivre. Aussi des paroles de cette sorte apparaissent-elles évidemment comme des cris de la vie lancés à des vivants; la vie s'y épanouit, s'ouvre, rejoint d'autres vies pour les ouvrir et en accroître l'acte. Elles ne s'adressent nullement aux ingénieux et aux habiles, à qui ces choses seront toujours cachées qui inventent des méthodes pour déclencher les sentiments, qui impèrent leurs affections. Non la joie ne se commande pas.
Qui la cherche est toujours déçu. C'est ce qui s'appelle se monter la tête.
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La joie est conscience de vie que le Christ est la source de la vie chrétienne en nous, le secret de la joie chrétienne est évidemment dans notre union consciente au Christ.
rp Regamey op