le mystère de l'Annonciation.
Publié le 3 Avril 2018

lundi 9 Avril 2018 .
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Il est certain que cette annonce qui est faite à Marie opère soudain en elle un grand changement, et non pas seulement dans sa vie, mais jusque dans tout son être. Elle-même paraît au premier moment surprise de ce qui lui arrive. Comment cependant tout en elle l'y prédisposait, nous la voyons sur-le-champ adaptée. Sa connaturalité avec l'ange annonciateur, son aisance dans ce miraculeux pourparler, sa compréhension du mystère annoncé, montrent bien qu'elle est tout de suite à la hauteur de l'évènement. On a l'impression d'une vocation longuement préparée qui brusquement se révèle et commence de se réaliser en plénitude.
" Cette vierge fiancée à un homme nommé Joseph, de la maison de David, et qui elle-même a nom Marie" , toute jeune fille qu'elle est, adolescente encore et naguère une enfant, nous la voyons tout à coup singulièrement grandie par ce que détermine en elle le message qu'elle reçoit. Elle nous apparait transfigurée et transformée dans " cet ouvrage de l'Esprit-Saint qui (sur l'heure) est conçu en elle ." Un être devient pour toujours son fils unique, le même qui depuis toujours est celui du Très-Haut. C'est l"instant irrévocable et à jamais mémorable où la Vierge Marie est liée avec Jésus-Christ.
Cette liaison de la Mère avec son Enfant est cause de tout. Dans l'ordre de l'incorporation à Jésus-Christ il ne se peut rien imaginer de plus complet, car c'est dans toute l'acception, matérielle et spirituelle, que ces deux êtres font corps ensemble. Entre eux se produiront " d'étonnants échanges ". Nous devinons bien dès maintenant que l'enfant est ici plus fort que sa mère; elle le porte, mais lui-même la mène; elle le contient dans ses flancs, mais lui l'emporte en ses propres grandeurs.
Saint Paul dira aux chrétiens qu'il leur faut " revêtir le Christ" . Or voici qu'elle est chrétienne par excellence et plus que tous les chrétiens à la fois, parce qu'elle s'est trouvée avec le Christ dans une affinité absolument sans égale et qu'elle a été vis-à-vis de lui sa plus proche en humanité. On peut dire qu'ils se revêtent tous les deux l'un de l'autre: le Christ se revêt de sa mère, c'est évident, mais il est encore plus vrai que Marie se revêt du Christ en le concevant comme elle fait.
Lorsque saint Thomas veut dépeindre en toute vérité notre liaison à Jésus-Christ, telle qu'elle a été créée et déclarée par Jésus lui-même et prêchée par son Apôtre, il emploie des mots extrêmement réalistes. Il dit que nous sommes la " continuation " du Christ, qu'il y a une sorte d' " accouplement " entre lui et nous. N'oublions pas que saint Paul reporte à cette union du Christ avec ses membres en humanité la formule même de l'union conjugale: deux en une seule chair .
Mais, qu'on y réfléchisse, appliquée à l'union du Christ avec sa mère, ce réalisme est vrai au-delà de toute expression. Sans métaphore on peut dire, à dater de l'Annonciation , que ces deux êtres ne font qu'un. Les textes mêmes de l'Evangile vont nous en donner la sensation :" Le petit et sa mère, l'enfant et la mère ... ", nous répètent-ils. La fiancée de Joseph sera désormais " la mère de Jésus " et Jésus " le fils de Marie . "
Corporellement, spirituellement, il apparaît aux yeux de tous que ces deux personnes bénies entre toutes ne sont plus jamais l'une sans l'autre. Il va en être ainsi non seulement durant les neuf mois de la gestation, mais encore bien longtemps après , puisque les soins d'une mère et sa sollicitude ne sont qu'une gestation continuée et que Jésus restera jusqu'à son dernier soupir un véritable enfant pour sa mère.
Une femme dans l'Evangile, mère elle aussi probablement, et qui voudrait avoir un fils pareil, a eu l'instinct de cette parenté sublime lorsque " élevant la voix du milieu de la foule, elle a crié au fils de Marie :" Heureux le sein qui t'a porté! heureuses aussi les mamelles que tu as sucées!" Sur quoi Jésus, ne récusant point un éloge qui proclamait en termes si réels sa liaison à sa mère, mais se contentant de le compléter :" Bien mieux encore, suggère-t-il, et plus heureux qui m'a conçu dans son esprit et me porte amoureusement dans son coeur.
Il faut les deux choses en effet, et qu'à la liaison corporelle s'ajoute la spirituelle. Mais il est bien évident que Marie a les deux, et je voudrais monter que son Annonciation les lui confère.
Nous-mêmes - et c'est encore saint Thomas qui parle - nous sommes incorporés au Christ et sacramentellement et mentalement. Nous adhérons au Verbe incarné, non pas seulement d'une manière toute spirituelle et comme de pur esprit à pur esprit, mais d'une façon plus entièrement humaine et par des voies et moyens de l'ordre sensible et corporel.
C'est dans la logique même de l'Incarnation. Une grande force sortait de l'Homme-Dieu et avait de quoi nous guérir tous. " Cette vertu émanée du Christ nous est appliquée, dit saint Thomas, et par une foi et par des sacrements. " Il n'y a pas à disjoindre ces deux sortes de contacts, quoiqu'ils aient lieu " cependant très différemment, car le contact par la foi se fait au moyen de l'activité de l'âme, tandis que le contact par les sacrements se produit au moyen du corps et dans l'usage même de réalités extérieures. "
Or quelque chose de cela se retrouve suréminemment dans ce premier contact de la Vierge avec le Christ. Le mystère de l'Annonciation, je voudrais qu'on le vît bien, opère en Marie à la façon d'un grand sacrement, en même temps qu'il lui fait faire ses plus grands actes spirituels, sa plus haute profession de foi au Christ. Et tous ces éléments réunis en Marie est nôtre, comme saint Paul le dit de Jésus-Christ lui-mêle. Elle le devient par tout ce qui lui arrive de sacramentel en quelque sorte, elle le devient par tout ce qu'elle fait de spirituel à ce grand moment de sa vie.
rp Bernard op +