mois d'Octobre: le Rosaire
Publié le 26 Septembre 2018

Si nous nous imaginions - et il y en a que trop, hélas! qui se l'imaginent - qu'il suffit d'avoir parcouru du bout des doigts notre chapelet et récité du bout des lèvres cent cinquante Ave Maria pour avoir le droit de nous dire une âme " dévote " et prétendent pratiquer la religion du Christ " en esprit et en vérité " ; si cela surtout n'avait d'autre résultat que de ramener notre vie chrétienne de l'intérieur à l'extérieur, des profondeurs de l'âme à la surface , je serais le premier à conseiller de passer outre à cette dévotion et de nous en tenir au strict nécessaire, de chercher ailleurs une pâture plus substantielle à notre âme.
Cette méthode extérieure, toute en surface, disons le mot, ce bavardage spirituel est la méthode des Thibétains. A en croire les missionnaires qui évangélisent les contrées où ils habitent, ces monomanes de la prière passent leur temps à débiter des formules pieuses: plus ils ont, entre leurs maigres doigts, déroulé de grains de coco, plus ils croient avoir contenté leurs idoles.
Ai-je besoin de rappeler ici que nous ne sommes pas des Thibétains et que notre Dieu n'est pas une idole? Notre Dieu est esprit et vie, et la prière par laquelle nous entretenons avec lui des relations, doit aussi être esprit et vie.
Aussi bien n'est-ce pas seulement avec les lèvres , machinalement , qu'il nous faut réciter le Rosaire pour en tirer des fruits de vie. La méthode à suivre est beaucoup plus profonde que cela; elle exige l'emploi de toutes les forces vives dont nous disposons, d'intelligence et de coeur.
Or la première chose qui frappe l'intelligence, comme je l'indiquais, lorsque l'on considère les moyens mis par Dieu à notre disposition pour l'atteindre et converser avec lui, c'est leur peu d'apparence extérieure, leur simplicité, leur petitesse. Si un philosophe avait fabriqué de toutes pièces le dogme catholique, croit-on que pour faciliter sa diffusion, pour le faire accepter et aimer, il eût inventé le Rosaire? Il eût écrit de gros volumes accessibles seulement à une élite. Pour saisir le rapport qui existe entre le monde ineffable de la foi et cette pauvre petite dévotion du Rosaire, il fallait plus que le regard et la puissance d'un philosophe: il fallait le regard et la toute-puissance d'un Dieu.
C'est de rien que Dieu a fait le monde de la nature; c'est avec des "riens" qu'il crée pour nous, pour chacun d'entre nous, le monde incomparablement plus beau de la foi.
Le " rien " à l'origine des choses, voilà la marque de fabrique de Dieu, signe indiscutable de sa toute puissance.
Dès que l'on a compris cela, on peut se mettre à réciter le Rosaire et à en méditer les mystères; car on a saisi la vraie méthode. Cette méthode consiste d'abord à se mettre humblement à l'école de Dieu, à écouter sa voix qui , pendant que les lèvres récitent les Pater et les Ave, parle au-dedans de nous; à se faire, en un mot, tout petit enfant et ignorant en sa présence.
Car lorsqu'il s'agit de connaître Dieu, il n'y a pas de sagesse humaine qui tienne: les plus sage en seront toujours à l'a, b, c, . C'est de Dieu seul , comme d'un soleil éclatant, que rayonne en nous la lumière. Puis cette attitude prise une fois pour toutes, il faut laisser parler son propre coeur, lui donner le temps de s'extasier, de s'échauffer au rayonnement de ces vérités divines que le Rosaire nous rappelle, et d'en tirer des conclusions pour la vie pratique.
Alors notre vie ne sera pas quelconque; elle n'ira pas à l'aventure, partout où la poussent les vents du caprice et des passions. Ce sera une vie lumineuse et féconde, parce que tout imprégnée de foi et de charité; ce sera un rosaire vivant perpétuel dont les plus humbles actes de nos journées contribueront à former les dizaines.
Surtout ne nous laissons pas impressionner ni rebuter par les obscurités et les difficultés du début. Le monde de la foi est ainsi fait, que pour y pénétrer, pour sentir l'intelligence s'y dilater à l'aise et le coeur s'y réchauffer comme il faut, il est nécessaire de traverser le tunnel qui y conduit.
Ce n'est qu'après avoir marché quelque temps et comme à tâtons dans les ténèbres, tendant humblement la main à Dieu qui nous appelle, pour ne point trébucher; nous orientant au son de sa voix pour ne point nous égarer, que nos yeux s'ouvriront enfin à la lumière dont Il aime à éblouir ceux qui le cherchent en toute simplicité.
Cherchons donc et nous trouverons; frappons et l'on nous ouvrira.
rp Gallet op +