les fins dernières: la mort .
Publié le 21 Octobre 2018



Nul chrétien ne s'expose sans raison à une mort prématurée, fût-ce pour aller voir Dieu . Il sait bien que c'est la volonté de Dieu que nous cherchions tous à vivre en santé et en force, pour le servir et faire notre tâche temporelle, alors même qu'il veut, lui, - d'une volonté à nous encore inconnue, mais acceptée avec amour, quelle qu'elle soit, - nous retirer de cette terre et nous rappeler à lui .
Mais chez les vrais chrétiens, chez eux seuls, peuvent se rencontrer et s'unir toute la volonté de vivre requise pour lutter avec succès contre le mal physique et se défendre de la mort, et, en même temps, la paix et la douceur d'un abandon total à la volonté de Celui que les vrais chrétiens savent plus père, plus mère et plus époux qu'eux-mêmes.
Cette doctrine explique pourquoi on trouve chez les saints, non pas seulement l'acceptation, mais, parallèlement au désir de la souffrance, le désir positif de la mort. Ces désirs grandissent ensemble, à mesure que l'âme grandit elle-même et connaît mieux Celui en la lumière de qui la mort l'introduira, à mesure qu'elle prend davantage conscience, dans l'oraison, de la beauté de la vie éternelle, des misères de cette vie mortelle dans un monde de péché. Le désir de mourir, à force de s'intensifier, atteint parfois une impétuosité, une force merveilleuse, capable de donner effectivement la mort, sans exclure jamais d'ailleurs la volonté de vivre, de souffrir et de travailler pour Dieu, tant que Dieu voudra, jusqu'au jour du jugement dernier s'il le fallait. Aux plus hauts sommets de la vie spirituelle ce désir ardent s'apaise, sans perdre rien de son ardeur. Les saints qui l'ont expérimenté peuvent seuls nous faire pressentir ce que devient la mort dans le mystère chrétien , profondément vécu, dans les flammes vives de l'amour de Jésus-Christ.
Les saints aspirent à la mort comme à la délivrance et à l'aurore de la vie. Il leur importe peu que, durant des siècles et jusqu'à la fin du monde, leur âme vive sans leur corps, puisque, capable de Dieu, elle sera avec Dieu , le verra face à face et l'aimera d'un amour sans retour. C'est cette vie en Dieu qui compte pour eux et qui est désirable. Et la vie d'ici-bas, dans les obscurités de la foi, leur semble un exil, un lointain pèlerinage où l'âme souffre la nostalgie de la Patrie. Rester en cette vie, toujours capable de péché et de perdre Dieu, ayant, dans son corps même , le principe des concupiscences et des passions qui conduisent au péché, voilà ce qui, pour un saint, est une vraie mort, tandis que la mort à cette vie misérable n'est pour lui que l'entrée dans la vie véritable.
Au regard de cette gloire, ni les douleurs qui précèdent la mort, ni la mort elle-même, ni ses suites, ne comptent plus. Qui se refuse au mystère total du Christ cherchera toujours en vain le dernier pourquoi de la mort.
Notre foi donne tout apaisement , sinon à l'homme animal, du moins à l'homme spirituel. Le salut en Jésus-Christ est trop beau, trop proche, la bonté de Dieu qui l'offre trop généreuse, les moyens de le réaliser trop efficaces, la grâce trop puissante, les canaux où elle circule dans l'Eglise trop abondants pour que ne soit pas souverainement juste l'alternative: se sauver à la mort, par la grâce de Jésus-Christ, ou sombrer, par refus obstiné de cette grâce, de la première mort temporelle, dans la seconde mort éternelle.
Nul n'a le droit de se plaindre de la nécessité de mourir et de choisir irrévocablement son éternité avant de mourir.
RP LAVAUD OP =