nos morts . +
Publié le 14 Octobre 2018
Que l'on prenne comme on voudra ce que je vais dire. Si vraiment les âmes des morts s'intéressaient aux affaires des vivants, si c'étaient elles qui nous entretenaient, quand nous les voyons dans nos songes, - alors (pour ne parler que d'elle) ma tendre mère ne me quitterait jamais la nuit, elle qui me suivit sur terre et sur mer pour partager ma vie. Je ne peux pas croire que sa félicité l'ait rendue cruelle à ce point que, quand mon coeur est endolori, elle ne console pas son fils dans la peine, ce fils qu'elle aimait comme personne et qu'elle ne voulut jamais voir affligé.
D'autre part la vérité s'impose de la parole du Psaume sacré :" Mon père et ma mère m'ont abandonné mais le Seigneur m'a pris sous sa garde".
Si nos parents nous ont abandonnés, comment s'intéressent-ils à nos soucis, à nos affaires? Et s'ils y restent indifférents, quels sont les autres morts qui peuvent s'inquiéter de ce que nous faisons, de ce que nous souffrons? Le prophète Isaïe déclare :" C'est toi qui est notre Père: Car Abraham nous a oubliés et Israël ne nous a pas connus". Si des patriarches aussi grands que ceux-là ont ignoré les destinées d'un peuple qui sortait d'eux et dont il avait été promis à leur foi qu'il formerait leur lignée, comment les morts s'occuperaient-ils de connaître les affaires, les actes des vivants et d'y coopérer? Comment pouvons-nous dire que ceux-là sont des favorisés qui sont morts avant que surgissent les maux qui ont suivi leur mort, si, même une fois disparus, ils sont sensibles aux calamités qui apparaissent dans notre vie d'hommes? Avons-nous tort de les appeler ainsi, et de croire qu'ils jouissent de la paix, alors qu'ils participaient aux inquiétudes de la vie des vivants ?
Convenons donc que les morts ignorent ce qui se passe ici, pendant que cela se passe; mais qu'ensuite ils en ont connaissance par ceux qui les rejoignent, une fois morts. Ils n'apprennent pas tout, mais seulement ce que ceux qui sont autorisés à les renseigner reçoivent permission de se rappeler, et ce qu'il est nécessaire qu'ils sachent.
Les anges qui veillent aux choses de ce monde peuvent aussi renseigner les morts, selon que le juge à propos pour chaque défunt Celui à qui tout est assujetti. Car s'il n'y avait des anges qui visitent l'habitacle des vivants et celui des morts, le Seigneur Jésus n'aurait pas dit :" Il arriva que ce pauvre mourut et fut porté par les anges dans le sein d'Abraham".
Ils peuvent donc être tantôt ici, tantôt ailleurs, puisqu'ils ont emporté de ce monde dans l'autre celui que Dieu leur confiait.
saint Augustin.