ste Thérèse d'Avila .
Publié le 14 Octobre 2018


« Ô souverain Créateur ! Mon Dieu et mes délices, jusqu'à quand vivrai-je ainsi dans l'attente de Vous voir un jour ? Quel remède donnez-Vous à celle qui n'en trouve point sur la terre, et qui ne peut prendre aucun repos qu'en Vous seul ? Ô vie longue, vie pénible, vie qui n'est point une vie ! Ô solitude profonde ! Ô mal sans remède ! Jusqu'à quand, Seigneur, jusqu'à quand ? Que ferai-je, ô mon Bien ! Que ferai-je ? Désirerai-je de ne Vous désirer pas ! Ô mon Dieu et mon Créateur ! Vous nous blessez par les traits de votre Amour, et ne nous guérissez point ; Vous faites des plaies d'autant plus sensibles, qu'elles sont plus intérieures et plus cachées ; Vous donnez la mort sans ôter la vie. Enfin, mon Seigneur, Vous faites tout ce que Vous voulez, parce que Vous êtes tout-Puissant. Comment un ver de terre aussi misérable que je suis peut-il souffrir de si grandes contrariétés ? Mais qu'il soit ainsi, mon Dieu, puisque Vous le voulez, et que je ne veux que ce que Vous voulez. Hélas ! Seigneur, l'excès de ma douleur me force à me plaindre, et à dire qu'elle est sans remède si Vous n'en êtes pas Vous-même le Remède. Mon âme est dans une prison trop pénible pour ne pas désirer sa liberté. Mais en même temps elle ne voudrait pas, pour obtenir ce qu'elle désire, s'éloigner d'un seul point de ce que Vous avez ordonné d'elle. Ordonnez donc, mon Dieu, s'il Vous plaît, ou que sa peine croisse en Vous aimant ici davantage, on qu'elle cesse entièrement en jouissant de Vous dans le ciel. Ô mort ! Ô mort ! Je ne sais qui te peut craindre, puisque c'est dans toi que nous devons trouver la vie. Mais comment ne te craindra pas celui qui aura employé une partie de sa vie sans aimer son Dieu ? Me voyant en cet état, que désiré-je et que demandé-je, lorsque je demande de mourir, sinon peut-être qu'on me fasse souffrir, pour mes péchés, la peine que j'ai si justement méritée ? Ne le permettez pas, mon Sauveur ! Puisque ma rançon Vous a tant coûté.
Ô mon âme ! Abandonne-toi à la Volonté de ton Dieu : c'est là l'état qui t'est le plus propre. Sers ton Seigneur, et espère de sa Grâce le soulagement de ta peine, lorsque ta pénitence t'aura rendue digne, en quelque sorte, d'obtenir le pardon de tes péchés. Ne désire point de jouir sans avoir souffert. Mais ô mon Seigneur et mon véritable Roi, je ne saurais faire ce que je dis, si votre Main toute-puissante ne me soutient, et si la grandeur de votre Miséricorde ne m'assiste ! Car avec cela je pourrai tout.
Ainsi soit-il. »