24 Juin: fête de st Jean-Baptiste.
Publié le 24 Juin 2019


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SAINT JEAN-BAPTISTE
Homélie du Très Révérend Père Dom Jean PATEAU
Abbé de Notre-Dame de Fontgombault
(Fontgombault, le 24 juin 2019)
Chers Frères et Sœurs, Mes très chers Fils,
Au jour de notre naissance, sans le choisir, nous avons reçu, de par notre appartenance à une famille, un nom. Nos parents, comme un don qui leur revient, nous ont égale- ment donné un prénom. Pour certains, la vocation religieuse s’accompagne aussi de la réception d’un nouveau prénom.
Le prénom n’est pas d’abord le mot qui vient remplir une case blanche de l’état civil. Il a été porté déjà par une personne, et cette personne est désignée par l’Église comme sainte, c’est-à-dire comme demeurant aujourd’hui auprès de Dieu, et susceptible d’entraîner vers lui les autres par l’exemple de sa vie.
En canonisant certains fidèles, c’est-à-dire en proclamant solennellement que ces fidèles ont pratiqué héroïquement les vertus et vécu dans la fidélité à la grâce de Dieu, enseigne le Catéchisme de l’Église catholique, l’Église reconnaît la puissance de l’Esprit de sainteté qui est en elle et elle soutient l’espérance des fidèles en les leur donnant comme modèles et intercesseurs (cf. Lumen Gentium 40 48-51). "Les saints et les saintes ont toujours été source et origine de renouvellement dans les moments les plus difficiles de l’histoire de l’Église" (Christifideles Laici 16,3). (n° 828)
Quis... puer iste erit ?
Que sera cet enfant ? (Lc 1,66)
Si tout enfant reçoit comme fidèle et infatigable compagnon de toute sa vie, dans les jours de lumière comme dans ceux de ténèbres, un ange gardien ; si les premiers jours de sa vie sont normalement marqués, dans une famille chrétienne, par la rencontre avec Dieu Trinité dans le sacrement du baptême, et avec Marie dans la consécration, la proximité particulière de cet enfant avec celui dont il porte le prénom ne fait pas de doute. Il revient à chacun, tout au long de sa vie, de cueillir les fruits proposés par le Ciel à travers ces relations conclues au seuil de son existence, en les entretenant. Peut-être devrions-nous nous poser de temps en temps la question : où en suis-je de ma relation avec mon saint patron, mon ange gardien, avec Marie, avec Dieu ?
Contempler les saints du ciel pourrait conduire à les comparer. Certains textes de l’Écriture semblent y incliner, comme cette affirmation du Seigneur : « Parmi ceux qui sont nés d’une femme, personne ne s’est levé de plus grand que Jean le Baptiste » (Mt 11 ,11) Soyons certains cependant que les saints du ciel ne font pas la compétition. Ils sont dans la lumière de Dieu et chantent ses louanges.
S’il y a compétition, c’est bien sur la terre, et cela ne concerne pas les saints du Ciel, mais nous-mêmes, car nous avons un chemin à parcourir, le chemin vers Dieu et vers l’éternité, comme l’enseigne le Catéchisme de l’Église catholique.
Se mettre à l’école de son saint patron, c’est user du don que Dieu a fait à l’Église de cette vie comme un modèle pour tous. C’est aussi rendre gloire à Dieu dans ses œuvres.
Aujourd’hui, nous voulons tous nous mettre à l’école du Baptiste et lui demander : Quelle est ta vocation ? Quel est ton secret ?
Nous ne sommes pas les premiers à nous interroger sur cette vie mystérieuse. Déjà, les amis de sa famille, frappés par le brusque mutisme de Zacharie après l’accomplissement de son service au temple de Jérusalem, puis tout aussi étonnés de la parole recouvrée, alors que le père venait de confirmer le nom de son enfant en le gravant sur une tablette, se demandaient auprès du berceau : « Que sera donc cet enfant ? »
La vocation et le secret de Jean ont été dévoilés pour deux femmes, Marie et Élisabeth, lors de la Visitation.
Alors que Marie salue sa cousine, Jean tressaille dans le sein maternel. Remplie de l’Esprit-Saint, Élisabeth s’écrie : « Tu es bénie entre toutes les femmes, et le fruit de tes entrailles est béni. D’où m’est-il donné que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ? » (Lc 1,42-43)
L’annonce est double. Élisabeth affirme que ce n’est pas seulement Marie qui s’approche d’elle, mais son Seigneur. Jean a commencé sa mission en conduisant sa mère à Jésus. Il a préparé la voie au Seigneur.
Mais si l’enfant a tressailli dans le sein d’Élisabeth, c’est que, d’une manière que Dieu connaît, il a expérimenté la présence de son cousin, Jésus, dans le sein de Marie. Il n’est pas difficile pour Dieu d’ébranler une pierre ou encore de remuer une branche. Mais il ne s’agit pas de cela : Élisabeth dit précisé- ment que « l’enfant a tressailli d’allégresse en mon sein. » (Lc 1,44) Il ne s’agit pas d’un de ces sursauts de l’enfant auxquels les mères sont accoutumées. Non, il y a quelque chose d’unique en l’enfant que sa mère perçoit : une allégresse qui révèle une relation déjà établie et profonde entre le Baptiste et son Seigneur. La voix du Seigneur, Jean l’a entendue et y a répondu : « J’étais encore dans le sein maternel quand le Seigneur m’a appelé ; j’étais encore dans les entrailles de ma mère quand il a prononcé mon nom. » (Is 49, 1).
Cette communion est le secret de Jean. Une communion avec Dieu au fond de son âme qui rend secondaire le contact purement humain. À lire les évangiles, leurs routes ne se croiseront plus guère qu’au moment du baptême de Jésus par Jean dans le Jourdain.
Cette communion unique avec le mystère de Dieu conduit Jean au désert, lieu de solitude et de silence, lieu de rencontre et d’approfondissement de la relation à Dieu. À la suite du Précurseur, les hommes prennent aussi le chemin du désert pour rencontrer, écouter Jean et se faire baptiser par lui. Par son exemple, Jean prépare la voie au Seigneur en conduisant les hommes de son temps sur le chemin du désert, sur le chemin de Dieu.
Jean-Baptiste a reçu le nom de « moine du Nouveau Testament ».
Les moines d’aujourd’hui veulent toujours s’inscrire dans son sillage. Par le témoignage de leur vie au désert, par la fidélité quotidienne au chemin dur et âpre qu’ils ont choisi librement pour répondre à l’appel de Dieu, ils veulent inviter les hommes de leur temps à emprunter le chemin du désert, à s’engager sur le chemin de Dieu.
Alors que deux millénaires nous séparent de Jean, c’est le même témoignage qu’il nous faut livrer, en demandant nous pauvres hommes pécheurs de suivre l’exemple de la fidélité du saint Précurseur : en face d’un monde menteur, ignorant de Dieu et de ses lois, rappeler l’absolu de Dieu, de sa vérité, marcher « en présence du Seigneur... pour faire revenir les cœurs des pères vers leurs enfants, ramener les rebelles à la sagesse des justes, et préparer au Seigneur un peuple bien disposé. » (Lc 1,17)
Amen.