« La croix du Christ vaincra toutes les croix ! " figure de prêtre 1944
Publié le 14 Juin 2019
Au Pré-d’Auge, il cachait les réfractaires au STO. Arrêté par la Gestapo, torturé et déporté, l’abbé Lanier a fait preuve, même dans les camps, d’une extraordinaire humanité
L’histoire
L’abbé Lanier est nommé, en 1933, curé de la paroisse du Pré-d’Auge. En 1939, la guerre commence. Bien que réformé pour cause de santé fragile, il se fait affecter volontairement, dès 1939, au 43e Régiment d’artillerie (RA) à Vernon, comme aumônier militaire. Grièvement blessé par un éclat d’obus logé dans sa colonne vertébrale, il revient avec un corset de fer qu’il ne quittera plus.
Dans la paroisse du Pré-d’Auge, les réfractaires au STO (Service du travail Obligatoire) sont nombreux. « L’abbé Lanier avait une liste d’adresses de personnes susceptibles de les cacher », raconte Francis Martin, membre de la société historique de Lisieux et collectionneur de nombreux documents sur Le Pré-d’Auge. L’abbé Lanier dote alors ces jeunes de faux cachets et de fausses cartes d’identité, établit une filière pour les mettre à l’abri dans des fermes voisines, et en fait passer certains en Angleterre.
« La Gestapo finira par m’arrêter »
« Il disait parfois, écrit l’abbé Pierre Arnaud, « la Gestapo finira par m’arrêter » ». Hélas, l’histoire vérifiera ses craintes. L’abbé Arnaud tombe dans un piège. Mis en confiance par deux individus, qui étaient en fait de la Gestapo, en septembre 1943, il leur donne plusieurs adresses, dont celle de l’abbé Lanier. « La Gestapo l’a arrêté le 22 mars 1944, ainsi que le maire, M. Picard, relate Francis Martin. Emmenés à la prison de Caen, le maire sera ensuite libéré, mais pas lui. »
L’un des nombreux motifs d’arrestation, outre l’activité de résistance, était d’avoir dit en chaire : « La croix du Christ vaincra toutes les croix ! » L’abbé est battu, longuement torturé, dont au niveau de sa colonne blessée. Une fracture du crâne infligée à ce moment-là sera responsable de la tumeur au cerveau dont il décédera plus tard. Il écrira : « Je me sens vraiment heureux de souffrir, je suis en paix » et ne donnera aucun nom. Il sera déporté, d’abord à l’effroyable camp de Neuengamme, puis à Dachau, où il devient le matricule 138811.
Au camp, son dévouement est sans limite. « Lanier s’employait à soulager toutes les misères. Malgré sa faiblesse et la faim dont il souffrait, il se dépensait sans compter », relate un ancien déporté. Un autre écrit : « Je l’ai vu se faufiler comme un voleur à la baraque de bois servant de chapelle, pour aller y chercher clandestinement le Pain Divin, et nous apporter cette nourriture spirituelle. »
« Bombardements, coups, travail de nuit et de jour, rien n’a pu abattre ma santé – et l’on disait que j’étais une petite santé. Presque tous mes camarades sont morts, et c’est pratiquement à une suite incompréhensible de miracles que je dois la vie », raconte l’abbé dans une lettre. Il créera une chaîne de solidarité pour soigner, en cachette, les malades du typhus, parqués dans un bloc, dont même les SS ne voulaient plus faire retirer les cadavres.
Un an plus tard, le 4 mai 1945, bien que libéré du camp de concentration, il décide d’y rester pour soigner les malades du typhus et aider les mourants. Il écrit une lettre à sa sœur et à ses amis. « Je suis aumônier volontaire d’un bloc, j’ai, de ce fait, 1 000 paroissiens malades, et je vis parmi les poux et le typhus. »
L’abbé rentre à Lisieux méconnaissable, et survit, mais restera très affaibli. Il mourra d’ailleurs peu d’années après la guerre, en 1952, à Cambremer, sa nouvelle paroisse.
Dans un élan œcuménique, il prononcera en 1947 l’éloge funèbre d’un autre grand résistant, le pasteur Orange.