l'Assomption de la Ste Vierge

Publié le 6 Août 2019

 

   Le mystère de l'Assomption de la Vierge, comme d'ailleurs tous - ou à peu près tous - les mystères célébrés dans nos solennités chrétiennes, présente ce double aspect: un aspect extérieur et un aspect intérieur.

   L'aspect extérieur, c'est d'abord le trépas de la Vierge, cet instant qui put être très simple en soi mais ne peut pas être très grand pour nous: pour se conformer à son divin Fils et pour partager, autant que possible , le sort de ses enfants adoptifs, elle se soumit à la loi de la mort, qui cependant n'était pas faite pour elle et elle connut la séparation de son âme d'avec son corps. C'est ensuite, et plus proprement la réunion de ce corps et de cette âme et le glorieux enlèvement au ciel.

    Ces scènes sont incontestablement très belles, très bienfaisantes à méditer. La piété des fidèles s'est plu à les embellir de traditions que saint Jean Damascène n'a pas hésité à fixer par écrit et que l'Eglise a adoptées dans ses Offices. Nous pouvons donc à notre tour nourrir nos méditions, en enrichir notre tendresse filiale dans toute la mesure où la grâce nous attire, car tout ce qui resserre nos rapports avec notre mère du ciel et tout ce qui établit entre elle et nous ce contact intime et vivant, pièce nécessaire de toute vie spirituelle vraie, tout cela est bon, très bon.

    Nous avons tendance à reléguer dans l'irréel tout ce qui nous dépasse. Dès qu'une réalité déborde notre esprit, ou bien nous la nions, ou nous vivons pratiquement à son égard comme si elle n'existait pas. Ce n'est pas seulement une inintelligence, c'est une perte pratique immense. Nos relations avec ce monde de là-haut, avec toute cette famille céleste, qui constitue notre vraie vie ici-bas, et en prépare l'épanouissement plein, emprunteraient à une foi vive une douceur et une force qui seraient le trésor de la terre.

   Il faudrait s'arracher - ou mieux se laisser arracher par l'Esprit d'Amour - à la mouvante et insignifiante bagatelle qui nous tient. Peu d'âmes ont assez de courage pour le faire , et Dieu , qui exerce ce courage, se contente de ce petit nombre :" Quand le Fils de l'Homme reviendra sur la terre, trouvera-t-il encore de la foi." (Luc XVIII, 8)

   Le mystère de l'Assomption a un autre aspect, un aspect plus voilé parce qu'il est plus intérieur, et non moins réel cependant: c'est le mouvement d'amour qui, l'heure venue, tira l'âme (de la Vierge) hors de son corps, puis l'y ramena pour pouvoir emporter ce corps avec elle dans la jouissance de Celui pour lequel ils avaient été faits et unis. Ce mouvement, par un privilège unique, commença avec la vie même de Marie, avec sa Conception Immaculée.

   L'aspect  intérieur de l'Assomption, c'est ce don arrivé à son terme, c'est la somme des dons répétés, sans cesse renouvelés, de ces lumières par lesquelles Dieu se communique et auxquels répond l'élan de sa charité qui s'accroît.

   Quelle fut cette somme? Nous ne pouvons pas nous le représenter et moins encore l'exprimer. Les théologiens cependant ont tenté des explications et des comparaisons; elles ne disent pas la réalité inexprimable: elles aident toutefois notre pensée impuissance à mieux entrevoir la grandeur et la beauté de celle sur laquelle il est bon de chercher par amour à savoir tout ce qu'on peut savoir.

   Ils notent d'abord que la grâce initiale de Marie, au moment de l'Immaculée Conception, dépasse la grâce des plus grands saints au terme de leur vie. Dès ce premier instant, elle a sur Dieu des clartés plus hautes et un plus grand amour pour Lui que le plus grand d'entre eux. Songez à saint Jean, au " disciple que Jésus aimait " , après la Passion, après la Pentecôte, à la fin de sa longue vie, toute vouée à aimer et à se donner. Songez à sainte Marie-Madeleine... A peine conçue Marie connaît mieux et davantage. Or ajoutent les théologiens, cette grâce et cet amour se sont développés sans arrêt....

    Encore une fois, ces expressions sont trop insuffisantes; on n'exprime pas l'amour avec des chiffres, on n'enferme pas la vie dans des formules d'arithmétique. Et puis, il faut songer à certaines heures où la communication divine se fit plus intense, par exemple à l'heure de l'Incarnation, quand elle prononça son "fiat " et quand elle posséda, vivant dans son sein, Celui qui depuis toujours était tout; ou quand elle déposa son premier baiser de mère sur le front de Dieu; ou quand elle échangea avec Lui certain regard plus pénétrant et plus expressif, comme à la Croix; ou quand à la Pentecôte l'Esprit de son Fils lui fut communiqué en plénitude pour le bien de ses enfants adoptifs.

   Souvent, au cours des journées de la vie privée et encore durant les années de la vie publique et sur la Croix, Jésus et Marie se regardent. Les deux regards se croisent, les deux coeurs s'unissent, se fondent l'un dans l'autre.

   Ce qui n'était que passager à Nazareth et sur la croix était au fond des coeurs. Le Seigneur était toujours là et elle aussi . Le Seigneur regardait, elle aussi. Et depuis, au ciel, la rencontre des deux regards, des deux coeurs continue. La même plénitude de grâce tourne vers le Seigneur, son Fils, son être tout entier, et le Seigneur tout entier est tourné vers elle.

   Et nous arrivons ainsi à ce sommet, à cet élan suprême de l'Assomption, où l'amour indéfiniment accru fit éclater, Dieu le permettant enfin, les liens qui unissaient l'âme au corps et ensuite rétablit ces liens pour l'élever, triomphante, en corps et en âme...

   Et voilà l'explication profonde du grand mystère de l'Assomption de Marie: Marie a vu Dieu... Elle a vu, et elle a été attirée, inévitablement attirée à Lui...

     L'Assomption est le terme suprême, définitif de la plénitude de grâce.

    C'est aussi le terme où nous sommes appelés, où nous tendons par chacun de nos jours et chacun de nos pas. Mais nous devons conquérir ce que Dieu Lui a donné, nous devons nous reprendre à celui auquel le péché nous a livrés

    Les Fêtes de la douce Vierge et mère recommencent sans fin, m'apportant avec elles l'assurance d'être aimé, soutenu, suivi, encouragé, corrigé, averti, éduqué en un mot par celle qui a élevé Jésus et qui veut faire en nous d'autres Jésus.

    J'ai presque peur de trop m'émouvoir à ces pensées.. et j'ai tort. Je dois aller à ma famille céleste avec tout mon être, avec mon coeur comme avec mes autres puissances, et plus encore qu'avec toute autre Emotion bienfaisante et infiniment douce.

     Je ne dois avoir peur que de m'en contenter et de ne pas chercher à me rendre digne de ces rapports d'enfant avec ma mère du ciel. Elle exige des efforts; c'est une éducatrice dont la fermeté égale la tendresse. Elle me veut fort parce qu'elle est forte et que Jésus est fort, Elle me veut ressemblant, mais elle veut que cette ressemblance se réalise selon un plan qui comprend la lenteur des résultats, et des difficultés spéciales à chacune de nos âmes.

     Elle veut que je garde confiance en face de cette lenteur et de ces difficultés. La confiance - non la paresse et l'inertie - malgré tout, lui plaît , la ravit . C'est un hymne à Jésus .

      La confiance dit :"

Mon Jésus, vous avez vu ma faiblesse, mes retards à comprendre, mes faiblesses à agir, mes hésitations devant le moindre effort, mes manques de générosité sans cesse renouvelés; et sachant tout cela , voyant tout cela, vous êtes venu, vous avez parlé, agi , souffert, vous êtes mort en croix...  et vous êtes resté, et vous restez sans fin.

Vous restez dans le tabernacle, vous restez dans la pauvre maison branlante de mon coeur, avec la porte ouverte à tout venant, avec des fenêtres par où je regarde sans cesse au lieu de contempler vous seul , avec les murs que vous relevez et qui retombent, avec des appartements malpropres et si vides, où devraient resplendir vos traits, où ceux de l'ennemi reparaissent à chaque instant; où vous me parlez du matin au soir sans que je sache vous entendre et vous répondre; où la cohue des pensées vaines, des petits intérêts, des désirs mesquins, de tous les mouvements de passion vous repousse ou vous masque, vous fait la place si petite et la part si restreinte...

     Comment pouvez-vous rester dans de telles conditions? Moi, j'aurais disparu depuis longtemps en faisant claquer les portes, et je refuserais de rentrer à toutes les supplications; je me serais vengé, j'aurais pris une attitude hostile, j'aurais mal parlé de celui qui m'eut tant manqué; j'aurais nourri dans mon coeur à son égard et manifesté de toutes manières mon mécontentement , ma rancune.

   Comme nous sommes loin de l'autre! Et comme tous mes rêves d'union seraient irréalisables si vous êtiez comme moi! Et cependant j'espère, je garde confiance.  Plus je suis et plus votre amour éclatera en me rapprochant de vous et en vous rapprochant de moi!

        Voilà l'hymne de la confiance.

         Marie l'entend au fond des âmes impuissantes.. et sa note, pour  son coeur de mère, couvre toutes les notes discordantes des défauts et des faiblesses.

      Les Fêtes recommencent, ..... m'attendrissent, appellent ma prière confiante. Et je vais (les célébrer) comme si je n'avais pas été l'enfant indocile, inattentif et lâche qui l'a peinée tant de fois.

 

  

 

Rédigé par dom Guillerand

Publié dans #spiritualité

Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article