l'Avent: ' Veillez et priez ! "

Publié le 23 Novembre 2019

 

En ce temps-là, Jésus dit à ses disciples:

Il y aura des signes dans le soleil, la lune et les étoiles, et sur la terre

une grande angoisse des peuples. (Luc cap XXI)

 

 

   L'Eglise nous rappelle, au commencement et à la fin de son année liturgique, les prophéties lugubres du jugement dernier, comme pour nous garantir contre l'excès des joies, des consolations et des espérances que nous donnent les grand mystères tour à tour célébrés par elle.

   Le Verbe de Dieu a pris notre nature: Et verbum caro factum est. Il a habité parmi nous: et habitavit in nobis.

On l'a vu en cette vallée d'exil et il a conversé familièrement avec les enfants des hommes. In terris visus est et cum hominibus conversatus est.  Ses délices sont de demeurer au milieu d'eux: Deliciae meae esse cum filiis hominum.

   Quelle joie! Il a noyé le péché dans son précieux sang, il nous a mérité la grâce du pardon, il a réconcilié le monde avec Dieu offensé, de maudits que nous êtions il a fait de nous des fils de bénédiction, il nous offre dans nos tribulations, nos chagrins, nos douleurs, sa croix pour appui, ses plaies pour refuge; son coeur est toujours prêt à parler à notre coeur; - quelle consolation! - Il est ressuscité et nous a donné dans la gloire de son corps revivifié le gage de nos destinées. Il est monté aux cieux pour nous y préparer une place.

   Pontife éternel il montre à son divin Père sa chair martyrisée et ne vit là-haut que pour intercéder en notre faveur: Semper vivens ad interpellandum pro nobis. Il nous communique son Esprit, il prépare en nous par la vertu de sa chair adorable notre future résurrection. -  Quelles espérances! -

   Mais parce que, ces joies, ces consolations, ces espérances pourraient produire dans nos âmes une sorte d'enivrement funeste qui dégénérerait en présomption et engendrerait, peut-être, l'oubli du devoir, notre prudente et pieuse mère l'Eglise a soin d'offrir à nos méditations les vérités terribles du jugement , afin que nous sachions une fois pour toutes que notre salut doit s'opérer dans le tremblement et que la crainte est le commencement de la sagesse, selon cette parole du Psalmiste: Initium sapientiae timor Domini.

   L'Apôtre saint Paul a dit :" Tout homme doit mourir ; après cela le jugement: Statatum est omnibus semel mori, post hoc autem judicium".

- C'est la loi: statatum est: on n'échappe pas plus au jugement qu'à la mort, et , entre ces deux choses, la justice divine ne nous accorde aucun délai.

   Investi du souverain pouvoir de prononcer sur notre sort éternel, le Fils de Dieu vient au devant de nous, et nous attend près de la porte sombre par où l'âme , tremblante et fatiguée des luttes de l'agonie, sort de ce monde. En un instant nous sommes pénétrés d'une clarté divine qui nous révèle notre état; en un instant nous sommes convaincus et nous sommes saisis par une irréformable sentence qui nous fixe dans l'éternité que nous avons méritée.

   Horrible entrevue pour le pécheur!

   Et ce n'est pas la dernière. Dieu a pensé que le jugement particulier, dans lequel l'âme comparait seule au tribunal de Jésus-Christ, ne suffisait pas à la manifestation de sa justice et à la réparation de l'honneur de son Fils; il a fait annoncer par ses prophètes, et le Sauveur, lui-même, nous a prédit un jour de colère qui rassemblera l'humanité tout entière en un même lieu , pour être jugée une seconde fois et publiquement.

   C'est de ce jugement dont je veux vous entretenir..

   Il s'accomplit, d'habitude avant la mort d'un homme, une révolution dans laquelle s'épuisent ses forces: dernière crise de la nature, dernier combat de la vie, sinistre avant-coureur du départ de l'âme et de la dissolution du corps: - l'homme est malade. Tous ceux qui le voient attendent , avec anxiété, la prochaine catastrophe qui le doit emporter.

   Ainsi en sera-t-il du monde avant la fin des temps. On verra apparaître, dans sa robuste constitution et dans ses harmonieux mouvements, des signes de décadence, auxquels s'ajouteront de nouveaux signes, de plus en plus menaçants et terribles, jusqu'à l'entière explosion de la colère de Dieu sur la nature infestée par le péché, et tombée, avec l'homme sous les coups de cette sentence :' Tu mouras de mort: Morte morieris."

   Le monde sera malade, c'est-à-dire qu'on remarquera en lui je ne sais quelle lassitude et quel dégoût de la vie: une agitation étrange, des troubles singuliers, des nausées mystérieuses, des défaillances jusqu'alors inconnues. Il sera plongé dans une telle angoisse qu'à chaque instant il semblera prêt à passer. Mais précisions. A quels signes certains reconnaîtra-t-on la dissolution prochaine de la nature et l'arrivée imminente du souverain juge de l'humanité? A quels signes, mes frères? - Je ne les inventerai pas: les fantaisies de l'imagination la plus riche seraient moins lugubres et moins effrayantes que les prophétiques descriptions du Sauveur lui-même , consignées dans l'Evangile:

   " Audituri estis praelia et opiniones praeliorum: Vous entendrez le bruit des combats, partout on parlera de guerre... Mais ce n'est pas encore la fin : Sed nundum est finis"

   - Il ne s'agit plus de ces mesquines collisions dont les peuples nous ont donné jusqu'ici le spectacle. Ce ne sont plus deux athlètes ambitieux et acharnées, se disputant un lambeau de pays ou l'honneur de la domination, pendant que l'univers tranquille les regarde derrière les retranchements de sa neutralité; mais , agitées toutes ensemble par une fureur jalouse, " les nations se dresseront l'une contre l'autre ; et plutôt que d'être écrasés sous le poids de leurs voisins, les royaumes se jetteront sur les royaumes, et leur mutuelle puissance volera en éclats : Consurget enim gens in gentem et regnum adversus regnum" .

   Le sabre, l'épée, la lance, la baïonnette, les balles, les boulets, la mitraille, dont la besogne est si terrible pourtant, feront place, sans doute, à je ne sais quel engin de destruction, dans lequel l'enfer, par une permission divine, aura condensé son génie, depuis le commencement appliqué à la ruine du genre humain.

   Et cette monstrueuse invention ne suffira pas.

   La faucheuse, qui abat chaque jour quatre-vingts ou cent mille hommes, appellera encore à son aide . " Après la guerre, la peste; après la peste, la famine: Et erunt pestilentiae et fames " . On verra les pâles humaines errer de tous côtés, demandant à l'air et à la terre la vie qu'ils refusent. Le sol qui les porte trahira leur dernier espoir; ils ne pourront mourir couchés, car la terre, frappée à coups redoublés par des forces invisibles, s'ouvrira pour les engloutir :" Et erunt terrae motus per loca" .

   Ce n'est encore que le commencement des douleurs :" Haec autem sunt initia dolorum " . Faites bien attention, voici l'agonie qui commence.

   Au sein des temples profanés, les faux prophètes et les faux Christ achèvent de séduire les peuples épouvantés. La foi se voit à peine au milieu de la perversité générale, et alors apparaissent les derniers signes.

   " Le soleil , vie de notre globe, lassé d'éclairer nos iniquités, le soleil s'obscurcit; en même temps la lune refuse sa lumière. A travers l'espace en deuil, les étoiles blafardes tombent de toutes parts et les forces des cieux sont ébranlées. Sol obscurabitur, et luna non dabit lumen suum, et stellae cadent de caelo, et virtutes caelorum commovebuntur.

   Oui, ce firmament magnifique, honneur et joie de nos belles nuits, tombera tout à coup dans la plus épouvantable confusion. Les astres, comme pris de vertige, se jetteront l'un sur l'autre, semblables aux hommes ivres qui sortent d'une orgie. Les lois merveilleuses qui les enchaînent à leur orbite seront rompues; et leur troupe, jusque-là si bien disciplinée, se dispersera sans ordre dans l'espace :" Virtutes caelorum commovebuntur."

   La mer dont les forces ne sont plus contenues par l'équilibre du ciel, la mer poussera d'affreuses clameurs. Ses flots tumultueux s'élanceront hors de leurs digues, comme des géants qui se disputent une proie et se culbutent pour la saisir et la dévorer, à qui le premier. Devant ce spectacle, "les misérables restes de l' humanité, pressurés par la terreur, dessécheront dans l'anxieuse attente de la justice divine : In terris pressura gentium, prae confusione sonitus maris et flutuum. Arescentibus hominibus prae timore, et expectatione, quae supervenient de caelo;" (Luc, cap XXI, 25,26)

   Tous les yeux se fixent vers le ciel, car l'heure suprême est arrivée.

   Alors paraît le signe du Fils de l'homme, la croix:

Tunc parebit signum Filii hominis in caelo .

Les peuples pleurent et se lamentent :Et plangent omnes tribus terrae . - Le Fils de l'homme lui-même vient sur les nuées du ciel avec une grande puissance et une grande majesté : Et videbunt Filium hominis venientem in nubilibus caeli cum virtute multa et majestate. (Matth. cap XXIV,30)

   Devant lui la voix retentissante des trompettes angéliques réveille les morts et rassemble les élus de tous les lointains, de toutes les profondeurs où ils cachent leur bonheur. Mais n'y a- t- il que les élus qui se rendent à ce signal? - Non, pécheurs, non, vous viendrez tous. Tous , vous appellerez à vous les éléments dispersés de vos corps, vous serez à nouveau revêtus de la chair qui fut complice et instrument de vos iniquités; tous vous serez témoins de l'agonie du monde, et pendant que, sous vos pieds, sur vos têtes, autour de vous , la nature expirante fera entendre son dernier râle, tous vous serez jugés une seconde fois.

  

     Vous êtes sans doute tentés, mes frères, de me demander comme les disciples au Sauveur: " Quando haec erunt? Quand tout cela arrivera-t-il? " -

   Je n'en sais rien; mais tous les préparatifs sont faits. Nous avons vu les nations en guerre contre les nations, les pouvoirs en guerre contre les peuples, les peuples en guerre contre les pouvoirs. Armés jusqu'aux dents, les empires les plus civilisés sont tout prêts à se jeter l'un sur l'autre. La peste et la famine ont fait à plusieurs reprises le tour du monde: à l'orient, à l'occident la terre s'ébranle, s'entr'ouvre, se déchire et gardes les cicatrices d'épouvantables catastrophes. Les faux prophètes de la raison et de la liberté séduisent les peuples; des milliers et des milliers d'âmes baptisées ne rendent plus le son de la foi. Il n'y a plus que les derniers signes à venir; en un clin d'oeil ils peuvent se manifester, car le Seigneur a dit qu'il viendrait à l'improviste. Il ne lui faut qu'un instant pour obscurcir les astres, qu'un mot pour affoler leur course. - Mais quand bien même le monde pourrait compter encore sur des milliers d'années, à quoi cela vous servirait-il?

   Demain, peut-être votre sort sera fixé; du côté où vous serez tombés vous resterez. Comme vous aurez été jugés une fois, vous le serez à la fin des temps; ce n'est pas une revision, mais une confirmation de votre procès qui se fera en présence de l'univers.

   Regardez donc dans votre vie présente; regardez, vous y verrez peut-être les signes avant-coureurs de votre prochain jugement. Entre la grâce et la nature, entre votre raison et vos passions, entre votre santé et l'âge qui la démolit, que de bruits de guerre!

    Les éléments qui entretiennent votre vie cachent un subtil venin qui l'abrège, c'est une peste chronique. Vous n'êtes jamais contents; la famine du bonheur tourmente vos entrailles et croît avec chaque déception. Les secousses de votre organisme sont vos tremblements de terre. L'abomination de la désolation est dans le temple de votre âme par le péché. Faux prophètes et faux christs, vos illusions ne cessent de vous abuser. Avec l'âge, votre beauté s'éclipse, la lumière de votre intelligence s'obscurcit, les ressorts de  votre volonté s'énervent, vos facultés semblent vouloir se disperser en même temps que vos membres raidis deviennent rebelles au commandement. Hélas! tout cela veut dire que vous paraitrez bientôt devant votre grand Juge. Entendrez-vous tomber de sa bouche une bénédiction ou une malédiction? - Je l'ignore. Tout ce que je puis dire, c'est qu'il faut prendre vos sûretés, en suivant ce conseil de l'Apôtre :

" Faites votre salut dans la crainte et le tremblement: Cum metu et tremore salutem vestram operamini."  

  RP Monsabré op +

 

Rédigé par Philippe

Publié dans #spiritualité

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