Rendez-nous l'Eucharistie . (2)

Publié le 21 Avril 2020

 

   L'homme, composé d'une âme et d'un corps, se sent en butte à une double tentation. D'abord notre corps, de même boue que cette terre qu'il voit, qu'il foule de ses deux pieds et qu'il adore, s'émeut sous l'attrait de sa propre concupiscence et des biens matériels.

   " Unusquisque vere tentatur à concupiscentia sua, abstravtus et illectus."

   L'homme regarde la matière, que ce soit la fleur, la poudre du chemin ou la créature, et lui demande des émotions. Que voulez-vous! ce corps que tout homme traîne après lui, il le voit, il le porte, il entend ses cris, ses plaintes et ses rugissements; il vit surtout par cette partie inférieure de son être, et son imagination et son coeur s'ouvrent à l'ivresse des sens, aux rêves et aux tressaillements de la chair. " Venite et fruamur bonis quae sunt. " livre de la sagesse. 

   On lui dit bien: Prends garde! la matière a ses vagues impures, ses colères, sa tyrannie, et elle flétrit ce qu'elle touche. Prends garde! la jouissance physique a sa mesure, et quand , en dépit de la raison et des lois les plus sacrées, elle conspire contre la délicatesse et les joies simples et fraiches du coeur, elle tarit du même coup la vie supérieure de l'homme.

   Prends garde! ces émotions du sang amollissent et dépravent une génération, un siècle, un peuple, et ces hommes ne mangent plus leur pain sous un rude soleil, à la sueur de leur front; sceptiques et pourris jusqu'à la moelle des os, ils s'endorment dans la fainéantise et l'opprobre. 

   Puis l'homme communique avec les démons par son âme immatérielle, et subit leurs attaques, leurs séductions. Satan est un ange déchu. Le jour où l'ange est tombé, l'homme devait combattre non plus seulement la chair et le sang, mais des principautés, des puissances, des êtres invisibles, des esprits invisibles, des esprits remplis de malice. " Contra spiritualia nequitiae.. " chVI Eph.

   Malheur à la terre et à la mer, s'écrie saint Jean, car le démon est descendu vers vous, ivre de colère. " Vae terrae et mari quia descendit diabolus ad vos, haben iram magnam." Apocal. Ch. XII.

   Plus barbare que le tigre, plus agile que la foudre, plus vorace que le vautour, plus venimeux que l'aspic, Satan conserve, malgré sa chute, toutes les forces de sa nature et sa supériorité sur l'homme et les choses d'ici-bas. La chute n'a point épuisé son énergie naturelle. Le Christ appelle Satan le prince de ce monde. " Princeps hujus mundi." st Jean ch. XII

   Il s'en va par le monde, et conspirant sans cesse, il dévore les âmes faibles. La ruine de l'homme, voilà dit Tertullien, le rêve et la besogne des démons.  " Operatio eorum est hominis eversio." 

   Or qui vaincra Satan? la force. La force crée le citoyen, le soldat, le chrétien.

La force se compose de deux actes principaux, l'attaque et la défense.

  Un peuple ne se jette point sur le territoire d'un autre peuple plus fort que lui, s'il ne s'est pas aménagé des alliances sûres et capables de lui assurer la victoire. La vaillance, poussée jusqu'à la folie la plus sublime, ne remplace pas toujours la force numérique. L'action engagée, le soldat s'abandonne avec confiance à la stratégie de ses chefs, et se bat , avec l'énergie de la bravoure et de la rage. La nuit, la faim, le froid, la lassitude, la boue et le sang n'énervent point la force de son âme et de ses muscles.

  L'homme , plus faible et moins habile que Satan, va donc appuyer sa faiblesse et son inexpérience sur l'alliance d'un être supérieur. Et quel est cet allié de l'homme? Les princes et les peuples frémissent et se lèvent contre lui. La science le laisse désarmé. Et l'homme fait alliance avec le Christ.

   " Un grand et cruel combat nous attend , dit saint Cyprien, les soldats de Jésus-Christ doivent s'y préparer avec énergie; n'oubliant pas de boire tous les jours le calice du sang de Jésus-Christ, afin de pouvoir donneur leur sang pour lui.

   Et saint Jean Chrysostome s'écriait :" Nous nous retirons de la table sainte comme des lions qui vont au combat, et nous portons la terreur dans l'armée de Satan. 

   Nous mangeons, en effet, la chair du Christ, nous buvons son sang, et sa vie entre dans notre vie, son souffle devient le souffle de notre poitrine, et sa force circule dans nos membres.

  Alors nous pouvons toutes choses en celui qui nous fortifie. " Omnia pssum in eo qui me confortat. 

   Oui, et faibles comme une créature pétrie de chair et de sang, mais remplis de la puissance du Christ, nous combattons, et si le découragement et la lassitude ne montent point à notre âme, nous restons les maîtres du champ de bataille.

   Ah! si Dieu est pour nous, qui sera contre nous? 

   L'homme est faible , et l'Eucharistie lui prête l'alliance et la force de son Christ et de son Dieu.

 

   Oh ! n'ayez pas peur, le coeur de Jésus-Christ est supérieur aux défaillances, à ces infirmités humaines, il n'est point de la terre, il habite des régions immatérielles et divines, et rien d'ici-bas n'a d'action malsaine sur lui. Jésus-Christ, le plus tendre des êtres, est aussi le plus sûr et le plus fidèle; nos crimes ne peuvent le lasser, il se tient à la porte de notre âme, il frappe, il pleure , il supplie; au moindre signe, au moindre mot, il oublie notre passé, et il entre. 

   Ah! vous cherchez des amis en ce monde, des amis sûrs, stables, d'une fidélité à toute épreuve et sans éclipse, mais le vrai, le seul ami de l'homme , c'est Jésus-Christ, car il survit à toutes nos épreuves, à toutes nos ingratitudes. Si notre âme plie sous le poids de l'infortune et des revers, les revers sont le creuset où l'amitié s'éprouve, il nous console, oui il nous console des dégoûts, des intrigues, et des vengeances du monde, il essuie les sueurs et les tristesses de notre front, il nous parle et il nous relève, il refait notre vie morale;  et si tout nous abandonne, les amis, la famille, la fortune, le sol qui nous porte, eh bien ! il nous reste encore un ami qui refoule le désespoir de notre âme et nous murmure des paroles tendres, douces, consolantes, c'est Jésus-Christ.

   C'est bien assez que le coeur se brise ici-bas, se déchire et fasse tous les jours l'expérience de ces amitiés qui s'en vont comme la feuille qu'un coup de vent emporte. Si Jésus-Christ nous échappe, mais que nous resterait-il? rien, si ce n'est le désespoir. 

  Ah! ce n'est pas le cri de l'humanité, elle se souvient des promesses et du coeur de son Christ et de son maître, et rien d'humain, rien de caduc n'entre dans l'amour de Jésus-Christ pour les hommes. 

   Puissiez-vous comprendre s'écrie saint Paul, quelle est l'attitude de l'amour de Jésus-Christ pour les hommes ! Rien ne borne cet amour, ni les frontières, ni l'espace, ni les siècles, ni les races, ni les climats. 

   Puissiez-vous comprendre quelle est la sublimité de l'amour de Jésus-Christ pour les hommes! Cet amour nous grandit , nous élève au-dessus de nous-mêmes, nous fait enfants de Dieu et nous donne des droits à son héritage.

   Puissiez-vous comprendre quelle est la profondeur de l'amour de Jésus-Christ pour les hommes! Cet amour est incorruptible, le temps, qui détruit tout, le respecte et Jésus-Christ nous aime avec les abîmes du coeur de son Dieu. 

...

   L'homme ne trouve point dans ses entrailles cette substance divine, où sa vie chrétienne s'alimente et se perpétue. Quoi donc! sommes-nous condamnés à crier, sans cesse, sans espoir, du sein de nos abîmes, vers un ciel qui ne s'ouvrira point? Sommes-nous condamnés, plus malheureux qu' Ugolin à voir notre âme mourir de faim dans la fange de son cachot? 

Oh ! non. Dieu, bon jusqu'aux sublimes et dernières limites de la tendresse , nous fait , par l'effusion de sa grâce, ce que nous sommes, et dépose dans notre sein le principe de la vision bienheureuse de sa face, et si l'homme ne s'assied pas à une  table pour refaire, dans la manducation de la chair sacrée du Sauveur, les forces de son organisme mystique, comme il s'assied chaque jour à sa table pour y dévorer de la chair, du sang et des herbes, il défaillira.

   Si la plante ne s'unit pas à son objet qui est son bien, si la sève et les sucs de la terre ne circulent pas dans son organisme végétatif, elle pourra résister quelque temps aux violences de la tempête ou à la main brutale du passant; mais sans vie, sans force, elle se desséchera bientôt; et cette fleur, cette plante, que veut-elle? évidement sa nourriture; elle ne se nourrit pas et elle meurt. 

...

   Le pauvre qui n'a qu'un morceau de pain dur, trempé de ses sueurs , le dévore avec appétit, et ce morceau de pain se dissout, il devient sa chair, son sang, ses os, c'est lui-même; oui, l'homme ne vit qu'à condition de dévorer de la chair et du sang. 

   Et que fait Jésus? il se donne à nous :" Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui. " Et la bouche de l'homme s'ouvre pour recevoir son Christ et son Dieu, mieux que la chaleur et la lumière, mieux que l'air qui nous pénètre et nous vivifie, la chair , le sang et la divinité de Jésus soutiennent et vivifient l'organisme mystique de notre âme, comme l'âme qui est le principe vital du corps informe cette chair, ces herbes, cette poussière ce pain que nous mangeons , et fait qu'ils deviennent les parties intégrantes de notre corps.

   Jésus nous communique sa vie, il nous informe, il nous vivifie. Des abîmes entre lui et l'homme ! il n'en existe plus; l'immensité est à nous, l'espace nous appartient, les abîmes ne sont plus. 

   Membres de Jésus-Christ , de son corps mystique, sa chair est notre chair, ses os sont nos os.

    Et  ce principe vital divin nous dissout, si je puis m'exprimer ainsi, il nous incorpore au Christ, et nous vivons. Ah ! ce n'est pas moi qui vis, c'est Jésus-Christ qui vit en moi. " Vivo autem jam non ego, vivit vero in me Christus. " 

rp Albert Fermé OP . 

 

 

Rédigé par Philippe

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