Tous, au ciel !

Publié le 26 Octobre 2020

 

" D'où viennent-ils?

de la grande épreuve ! .. " 

 

 

   " Le peuple fit bien de rester au pied de la montagne et de laisser Pierre, Jacques et Jean accompagner seuls le Sauveur jusqu'au sommet. Il n'appartient pas à tout le monde de fixer le soleil sans être ébloui. Cette gloire, dont l'évangile nous montre un reflet dans la Transfiguration de Notre- Seigneur, est bien trop éclatante pour nos yeux; et je le regrette, mes chers auditeurs, vos espérances aujourd'hui seront trompées: vous êtes tous venus ici pour nourrir votre piété, avides d'entendre parler de ce paradis qui est l'unique objet de votre amour, le but unique de vos désirs, et moi aussi, à vrai dire, je m'étais appliqué avec ardeur à décrire le mieux possible les magnificences de cet immense palais de Dieu et à mettre en relief tout ce qu'on peut dire de plus beau, de plus ravissant, de plus saint de cet amphithéâtre de gloire et de majesté. Mais, à peine étais-je à l'oeuvre, que l'apôtre saint Paul s'offrit à moi et me dit avec un regard plein d'étonnement :" Que fais-tu? Que prétends-tu? Ne sais tu pas que " ni l'oeil n'a vu, ni l'oreille n'a entendu, ni le coeur de l'homme n'a compris ce que Dieu a préparé à ceux qui l'aiment. " Puis, après m'avoir brièvement raconté cette vision merveilleuse dans laquelle, ravi jusqu'au troisième ciel, il entendit des secrets ineffables, il m'a fermé les lèvres en y appliquant le doigt et m'a défendu de parler. 

   En effet, s'il est un sujet sur lequel plus on parle, moins on en dit, c'est surtout le paradis, et si vous y prenez garde, quiconque en parle ne fait que dire ce qu'il n'est pas, ou amoindrir ce qu'il est.

   Le Prophète royal le savait bien, lui qui admis dans une extase à contempler le séjour des bienheureux, déclara, selon l'explication de plusieurs interprètes, que tous ceux qui avaient parlé du paradis s'étaient mépris :" J'ai dit, dans mon extase: tout homme est menteur," ou selon une autre version :" Tout homme est en défaut." Et ne voyez-vous pas que Pierre lui-même s'est mépris, lui qui tout enveloppé de cette éblouissante lumière, s'écria comme hors de lui-même :" Il nous est bon d'être ici," réduisant tout le paradis à trois cabanes grossières; " Dressons-nous ici trois tentes." Aussi l'Evangile tâche-t-il d'excuser cette méprise en l'imputant à l'inadvertance :" Il ne savait pas ce qu'il disait. " Or, là où Pierre se trompe , où Paul se tait, que pourrais-je bien dire? Cela étant , mon sermon sur le paradis est fini avant de commencer. Mais non, saint Augustin m'encourage à parler : tout en accordant que le paradis est incompréhensible à la faiblesse de notre esprit, il n'en regarde pas la conquête comme impossible à l'ardeur de nos désirs .

" Le Paradis, il est impossible de le décrire: le Paradis, il est possible de l'acquérir, quoiqu'on ne puisse pas l'apprécier, je veux , pour vous en faciliter l'acquisition, vous en dire quelque chose . Toutefois ne perdez pas de vue que malgré tous mes efforts, toute mon éloquence, toutes mes descriptions pour vous donner une idée ou vous tracer une ébauche du paradis, vous devrez toujours vous figurer, toujours penser, toujours désirer quelque chose de plus accompli; et de plus vous persuader que la gloire ou la félicité céleste est encore incomparablement plus belle, plus élevée, plus étendue que tous vos désirs et toutes vos imaginations... "

   Si la vaste étendue du firmament est trop étroite pour nous retracer l'immensité du Ciel des élus, jetons un peu les yeux sur la terre pour vois si nous n'y retrouverons point quelque chose qui puisse nous représenter la beauté de la maison de Dieu. Ah! vous vous convaincrez de plus en plus de l'impuissance de l'homme. Mettez ensemble tout ce qu'on dit de cette gloire merveilleuse les prophètes, les évangélistes, les docteurs, et tout ce qu'en pourraient dire les prédicateurs de nos jours avec leur éloquence raffinée, et vous verrez que tous ne font que dire en substance ce qu'elle n'est pas. Je voudrais que, pour vous éclairer sur ce point, Dieu renouvelât en votre faveur le prodige de l'Apocalypse; que chacun de vous vit descendre la Jérusalem céleste du ciel, comme le vit Saint Jean, et puisque je ne puis vous conduire en paradis , que le paradis descendit vers vous sous l'emblème d'une magnifique Cité, avec des murs d'or, un pavé de diamants, des portes d'émeraudes et de saphirs, avec la multitude de ses habitants, environnés de pompe et de majesté comme des rois, avec une lumière que n'obscurcissent jamais les ténèbres, avec une beauté que rien ne souille jamais, ayant pour soleil l'Agneau qui ne souffre jamais aucune éclipse! Comme je vous dirais encore avec assurance: non , ce n'est pas là le paradis; c'en est l'image, mais non la réalité. 

   ... que fera-t-on pour ne pas sortir d'ici avec une déception complète, et nous former du paradis une autre idée que celle que nous donnent toutes les figures?.... Voici le moyen, et il n'y en a , ni ne peut y en avoir d'autre: C'est d'aller au Ciel pour le voir ! 

    Deux jeunes gens qui désiraient suivre Jésus en qualité de disciples , lui demandèrent où il demeurait. Le Seigneur leur répondit :" Venez et voyez. " Il ne se répandit pas en longs discours, remarque le Vénérable Bède, pour leur en manifester la richesse, la beauté, la gloire de son royaume: il se contenta de leur dire: Venez et vous le verrez; parce qu'on peut bien voir la gloire de Jésus-Christ, mais on ne peut l'exprimer. 

     Au ciel donc, mes chers frères, au ciel!

   Tous tant que vous êtes, prenez congé de ce monde; un monde plus beau vous attend. Adieu parents, adieu amis, adieu terre. Prenez votre essor pour accompagner une âme bienheureuse qui , sortie de la prison de son corps s'envole au paradis.

   Voyez cette âme fortunée au milieu d'une troupe de séraphins, qui lui disent avec des accents de joie: le temps des tribulations et des larmes est passé; réjouis-toi, il n'y aura plus pour toi pendant toute l'éternité, ni famine, ni peste, ni guerre; tu jouiras d'une vie, d'une santé, d'une allégresse et d'une paix inaltérable. 

   Et en parlant ainsi, ils ont déjà franchi avec elle, dans leur vol sublime, les régions de l'air; déjà la terre avec toutes ses misères a disparu à ses yeux. Elle traverse ainsi les cercles de la lune, de Mercure, du soleil, s'instruisant en passant, des mouvements, des influences et de la grandeur de tous ces astres. Elle entre dans le firmament, où elle est comme couronnée par cet amas d'innombrables étoiles, qui paraissent si petites d'ici-bas, et qui là-haut sont si vastes, si brillantes et si belles. Elle monte plus haut encore, et foulant aux pieds les étoiles, elle dépasse le firmament pour entrer dans le ciel le plus voisin du séjour des élus. Déjà elle aperçoit une clarté, un jour, elle respire un air et des parfums qui présagent le paradis.

   Ah ! le voilà, le voilà , ce délicieux séjour! voilà cet immense océan de lumière, mais d'une lumière nouvelle et telle qu'elle n'en a jamais vu de semblable. C'est alors qu'elle commence à voir ce que l'oeil n'a point vu, ni l'oreille entendu. La voilà sur le seuil; elle entre. ...

    Dieu soit loué!

   je suis enfin délivrée des craintes, des angoisses, des dangers de me perdre éternellement; après tant de tempêtes, me voici arrivée au port sainte et sauve: après tant  de combats, je puis chanter l'hymne du triomphe In domum Domini ibimus.

   Oh ! quel bonheur de voir son salut et son éternité en sûreté ! Cette assurance seule me fait déjà éprouver un véritable paradis. C'est maintenant que je puis dire avec plus de raison que Saint Pierre: Il est bon pour nous de rester ici.

    Et voyez à quels transports se livre le Paradis tout entier à la vue de cette âme bienheureuse; voyez comme tous s'empressent à l'envi d'aller à sa rencontre . Oh ! quelle joie, quelle fête pour elle en reconnaissant ses saints patrons, ceux qui lui obtinrent particulièrement la grâce de bien mourir; ceux dont elle a porté le nom, ceux dont elle a propagé le culte. Quel tendre accueil fait cette sainte âme à ses bien-aimés parents!  ... Laissez-moi embrasser tous ces amis qui m'ont consolée dans mes tristesses: ô mes chers amis , nous voici, grâce à Dieu, réunis pour ne nous plus jamais séparer. 

   Mais, est-il bien certain, mon Père , qu'on se reconnaîtra là-haut?

   - Et pourquoi pas, mes bien-aimés? Bien mieux, c'est là-haut qu'il y aura de sincères et affectueuses congratulations, de doux entretiens, de saints embrassements, de pures et tendres liaisons. 

Non, nous ne comprenons pas ce que c'est le paradis, et nous ne pouvons pas même le comprendre tel qu'il est. 

   

saint Léonard.  

Rédigé par Philippe

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