11 Novembre: prière du fantassin .
Publié le 11 Novembre 2020
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PRIÈRE DU PAUVRE FANTASSIN MOURANT SUR LE PLATEAU
(...) Et maintenant que je m’en vais mourir, mon Jésus, je veux vous faire ma dernière prière, après tant de prières du matin et de prières du soir, en me levant pour tant de jours, en me couchant pour tant de nuits. Ma dernière prière du soir, couché pour la nuit, ma prière de la mort.
(...) Et maintenant que je m’en vais mourir, mon Jésus, je veux vous faire ma dernière prière, après tant de prières du matin et de prières du soir, en me levant pour tant de jours, en me couchant pour tant de nuits. Ma dernière prière du soir, couché pour la nuit, ma prière de la mort.
Au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit. Ainsi-soit-il !
Je ne peux pas faire le signe de la croix, mon Dieu. Mes bras sont cloués à la terre. Mais tout mon corps, mon Jésus, étendu avec ses bras ouverts, est-ce qu’il ne fait pas comme un grand signe de croix à la face du ciel ?
Mon Dieu, regardez le signe de croix que fait mon corps tout en entier.
Ne vous est-il pas agréable de voir comme me voilà mis, comme je rappelle votre divin Fils sur sa croix !...
Comme nous voici, bon Jésus, réduits au même point ! Vous sur votre croix, moi sur la mienne de terre Sanglante, vous sur la vôtre de bois sanglant.
Depuis que vous avez quitté votre Mère et depuis que j’ai quitte ma mère, la même vie de pauvreté et de travail.
Et deux ans, trois ans, à marcher en tous les sens, sur toutes les routes, sans maison à nous, bien ou mal reçus chez les gens...
Et finir par ces deux jours, de vie ou de mort, on ne sait pas, de longue mort plutôt, vous la Passion, moi la bataille.
Comme ils nous ont arrangés tous les deux ! Le front déchiré, les bras cassés, les mains ouvertes, le corps arraché. Par les fouets de votre flagellation, par les éclats de mes obus.
Et votre rouge manteau. Et ma capote rouge du sang qui l’a teinte, du sang qui coule chaud le long de mes bras, sur mes membres, et qui endort mes plaies. Il a fait mon manteau à la couleur du vôtre. Et l’oppression de ma poitrine qui est bien lourde. Comme vous sur la croix...
... J’ai soif !
Je n’en puis plus.
La nuit vient sur la terre. Mes yeux ne voient plus les étoiles ni les éclatements tout proches, comme les éclairs autour du Calvaire. Je veux fermer les yeux à tout et ne plus voir que vous. Il n’y a d’ailleurs que vous avec moi. Comme je suis seul, mon Jésus ! Les camarades sont passés, continuant la bataille vers Bouchavesnes. D’autres ont passé qui m’ont donné à boire. D’autres qui m’ont pris pour mort. Brancardiers !... Je ne puis pas tourner la tête pour voir ni lever la main pour faire signe. Ce n’est pas la peine d’appeler. Je reste donc seul... avec vous, comme vous. Que vous êtes bon d’avoir voulu que je sois seul ! Et que ma sœur, et ma fiancée, et ma mère ne soient pas là, à nous faire souffrir davantage, à nous déchirer le cœur deux fois. Vous aviez vu votre vieille Mère qui vous voyait mourir. Et vous n’avez pas voulu que la mienne me voie ! C’est la Sainte Vierge qui, à sa place, me prend dans ses bras.
... Mère, voici votre enfant.
Dans ses bras, mon Jésus, je veux rester seul avec elle et vous, et ne plus penser qu’à vous, qui êtes mort pour moi et mes pauvres péchés.
Mes péchés ! Je n’y pensais pas !
Mon Dieu, je vous demande pardon d’avoir osé me mettre à côté de vous, pour me comparer. Ce n’est pas à vous, c’est aux voleurs qui vous entourent que je ressemble, au bon, par votre grâce, si vous le voulez bien.
Vous, mon Jésus, c’est pour rien que vous souffrez. Moi, c’est pour mes montagnes de pauvres fautes.
Vous, c’est injuste. Moi, c’est juste. C’est mérité. J’accepte que c’est bien médité.
... Mon Dieu, pardonnez-leur, car ils ne savent ce qu’ils font.
Et maintenant, mon Dieu, pardonnez-moi mes offenses, comme je pardonne à ceux qui m’ont offensé.
Une voix. — Dominus noster Jésus Christus te absolvat.
Souvenez-vous de moi maintenant que vous êtes dans votre paradis.
Mon Jésus... j’ai soif...
Une voix. — Corpus Domini Nostri Jesus Christi custodiat animant tuam in vitam æternam.
Vous qui avez été abandonné par votre Père, pourquoi ne m’avez-vous pas abandonné ?... Merci d’être si doucement auprès de moi.
Tout est fini...
... Mon Dieu, je rends mon âme dans vos mains.
Au nom du Père... et du Fils... et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il !
(Paul Doncœur, s. j., Prières du pauvre fantassin et de sa mère, Lethielleux, 1917)