Alma Redemptoris Mater
Publié le 9 Décembre 2020
L'Avent est empreint de tristesse, parce que l'attente est une épreuve, et que les hommes se lassent des oeuvres de longue haleine, parce que l'Eglise déplore le prodigieux aveuglement des siècles et qu'elle ne se résout pas à être privée de l'objet de ses vifs désirs, parce que l'avènement que l'Avent nous présage à la fin du monde sera celui de la justice et qu'il y a tant d'hommes qui abusent de la miséricorde !
Mais il est embaumé de joie: car la confiance des chrétiens est tout appuyée sur la puissance divine, car l'Eglise sait où les promesses la mènent: à la crèche du doux Enfant de Béthléem, " où Dieu se manifeste ", et aux bonheurs sans lendemain de la famille du Christ parvenue à sa perfection éternelle.
Ces deux sentiments se mêlent dans la liturgie : la tristesse, apparente dans le cadre des cérémonies, l'extérieur de la pénitence; mais tempérée par les certitudes de la foi et l'admiration des sollicitudes divines; la joie, un peu voilée et discrète, ce qui donne à ce temps une suavité spéciale, un charme délicat et pudique, tel que sans doute le ressentait Notre-Dame, lorsqu'elle attendait la venue imminente de son Fils et que son coeur de Vierge se gonflait d'amour aux approches de sa maternité, dans la douceur du silence.
Notre-Dame domine l'Avent. L'Eglise attend avec elle et comme elle. Pour l'une , c'est un Fils et pour l'autre un Epoux, mais des deux côtés, c'est un même Dieu qui s'empare d'une même nature humaine.
Notre-Dame n'a pas enfanté pour elle seule; l'Eglise ne va au-devant de son Christ que par ses enfants et pour eux. Elles reçoivent la Vie à charge de la répandre. Mais Notre-Dame peut dicter à l'Eglise son attitude et ses paroles : elle est la mère de l'Epouse, étant celle du Fils de Dieu. Sa tendresse fut la première; rien n'est comparable à cette pure tendresse. L'Eglise ne peut être aimable et belle qu'en se modelant sur les traits de celle qui ne fut jamais touchée que par la grâce et par la beauté. La Vierge reine des Anges connut avant tout autre des mélodies plus suaves que celles des Anges. Et quand les chantait-elle avec plus de candeur, avec plus de fraicheur et de vérité profonde que lorsqu'elle portait en son sein bienheureux Celui qu'elle avait accepté de posséder avec le Père, tandis qu'elle était consciente de représenter, seule, toute la création de Dieu?
Le Fils dans la Mère et la Mère dans le Fils
Chantaient les louanges de Dieu;
Une douce mélodie de leurs lèvres s'évadait;
C'était un cantique nouveau, que ne pouvait chanter personne
Sinon l'Agneau lui-même et la Mère de l'Agneau !
L'Eglise romaine ouvre l'Avent à Sainte-Marie Majeure. Geste plein de sens; filiale déférence et habileté. La jeune Vierge accueille avec un sourire réservé et charmant, quasi aurora consurgens. La médiatrice de toutes grâces mènera au Médiateur. Il n'y a pas encore de médiateur, en effet; la liturgie nous le laisse entendre sans retard. Sa première oraison - et il en sera de même pour les quatre dimanches - s'adresse directement au Seigneur, contrairement à l'usage des autres temps, mais n'intercède pas par lui.
La rédemption doit s'appliquer à tous les hommes. (2ème dim. de l'Avent) veniet ad salvandas gentes.
L'Eglise , qui n'ignore pas les attentions maternelles , nous conduit ce jour-là à ste Croix de Jérusalem, et c'est le peuple juif qu'elle prend à témoin de cette prophétie en lui rappelant un texte d'Isaïe. Les Juifs ont été les dépositaires du germe messianique, les mainteneurs de l'espérance. Ils ont duré tant que leur race pouvait être précieuse dans les plans du Seigneur; on leur en doit hommage: Que la rédemption ait débordé leurs frontières, cela ne peut leur nuire, et l'Eglise n'y voit plus qu'un objet de joie, elle qui est universelle.
Alors , elle s'adresse à tous ses enfants et leur montre l'avènement plus proche, la joie plus franche. Le rejeton de Jessé va paraître - le matin même, à Matines, on a lu ce passage d'Isaïe - et en lui, par la vertu de l'Esprit Saint, on peut aborder en espérance. Il guérira les boiteux, ressuscitera les morts, annoncera l'évangile. Ce jour-là sur la prière de Jean-Baptiste prisonnier et réduit au silence, le Seigneur se fait connaître lui-même, et l'Eglise, l'ayant reconnu , s'écrie : Fais-nous voir ta bonté, afin que ton peuple se réjouisse en toi! ...
La joie monte, à mesure que l'Avent approche de son terme. Nous entrons dans la basilique de Saint Pierre. Nous pouvons y suivre saint Grégoire; il a connu et pratiqué la forme actuelle de notre liturgie de l'Avent. D'ailleurs, l'Avent est plus ancien encore; il a de peu suivi Noël et remonte, par conséquent à l'état embryonnaire, au V° siècle. Comme la confiance éclate en ce jour ! comme elle est sûre d'elle-même ! " Mes frères , réjouissez-vous dans le Seigneur; ne vous inquiétez pas; confiez seulement quels sont vos besoins. "