Jésus , miserere nobis . (2)
Publié le 12 Janvier 2021
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Mais de toutes les conséquences pratiques que l'on peut tirer de la science parfaite que Jésus possédait sur la terre, aucune n'est plus émouvante que celle-ci par laquelle nous terminerons: Jésus a connu d'avance nos péchés, tous mes péchés, ceux-là même que j'ai oubliés ou dont j'ai à peine conscience, et il en a souffert durant sa vie, il en a souffert surtout dans sa Passion, il est mort pour les expier. " Il m'a aimé et il s'est livré pour moi", disait saint Paul. Chacun de nous peut en dire autant. C'est par là que le martyre de Jésus l'emporte sur toutes les douleurs que les autres hommes ont pu expérimenter. A ne considérer que le supplice corporel qui lui fut infligé, il n'eut pas à supporter plus de maux que tant d'autres hommes . Combien d'autres ont été flagellés et crucifiés !
Chose plus surprenante ! Tandis que Jésus a défailli au moment d'entrer dans sa Passion, plusieurs de ses disciples acceptent joyeusement le martyre. Saint André exulte en apercevant la croix dressée pour lui. Saint Ignace d'Antioche, condamné à être livré aux bêtes de l'amphithéâtre, s'en va comme un triomphateur sur le chemin de Rome, et n'a qu'une crainte, celle de voir les chrétiens le sauver de la mort. Saint Polycarpe, lié sur le bûcher , " lève les yeux au ciel et dit :" Seigneur Dieu tout-puissant, Père de Jésus-Christ, fils aimé et béni, par lequel nous avons appris à te connaître..., je te bénis, parce qu'en ce jour, à cette heure, tu as daigné m'admettre avec tes martyrs à boire le calice de ton Christ."
Comparez ces paroles calmes et sereines prononcées sur le bûcher même et les gémissements angoissés du Sauveur à Gethsémani :" Père, si c'est possible, que ce calice s'éloigne de moi! "
Or quand Jésus prie de la sorte, la face prosternée contre terre, et que son corps saigne d'une sueur de sang, nul bourreau encore ne le torture :" Jésus , remarquait Pascal, souffre dans sa Passion les tourments que lui font tous les hommes; mais dans l'agonie il souffre les tourments qu'il se donne à lui-même. C'est un supplice d'une main non humaine mais toute - puissante. " Et voilà pourquoi Jésus, malgré sa force surnaturelle et son endurance incomparable à laquelle saint André, saint Ignace, saint Polycarpe et tous les autres emprunteront la leur, Jésus agonise sous les oliviers..
Tout son tourment lui vient de son âme, qui non seulement prévoit la Passion en détails, mais englobe dans sa pensée les péchés du monde entier. De songer à tous les hommes qui en dépit de sa mort rédemptrice perdront pour jamais la vie divine, lui est beaucoup plus pénible que de perdre bientôt sa vie humaine. De comprendre comme il le fait l'offense qu' un péché est pour le Dieu qu'il aime et de connaître un à un tous les péchés que nous avons commis lui est une torture. " Je pensais à toi dans mon agonie, dit-il à Pascal et à chacun de nous, j'ai versé telle goutte de sang pour toi. "
Nous disions que Jésus n'avait pas de bourreau à Gethsémani. Nous nous trompions. Nous étions là, dans sa pensée. Nous tous, nous étions ses bourreaux. Et les coups que lui donneront bientôt les valets du Grand-Prêtre et les soldats romains, la mort à laquelle le condamneront le peuple de Jérusalem et ses magistrats " péchant par ignorance, " dit saint Pierre, sont peu auprès de nos outrages et de la condamnation à mort que nous avons prononcée, nous qui savons mieux la portée de nos actes coupables.
Parlant de l'ingratitude des chrétiens, Jésus révélait à sainte Marguerite-Marie :" Cela m'est beaucoup plus sensible que tout ce que j'ai souffert en ma Passion. S'ils me donnaient quelque retour, j'estimerais peu de chose ce que j'ai fait pour eux et je voudrais faire davantage encore, . Mais ils n'ont que des froideurs et du rebut pour mon empressement à leur faire du bien. "
Elle-même , Marguerite-Marie, lorsqu'à l'âge de vingt ans elle était sur le point de s'adonner à la vie mondaine au lieu de suivre sa vocation religieuse, avait vu Jésus lui apparaître sous la forme de l'Ecce Homo, couronné d'épines, ruisselant du sang de la flagellation : " Mon enfant, avait-il dit, vois mes blessures, fourniras-tu des baguettes fraîches pour les élargir? " En larmes elle s'écria :" Mon Dieu, je suis toute à vous, je serai religieuse.;"
Si Jésus, qui maintenant est incapable de souffrir, peut en vérité se montrer sous cet aspect et parler de la sorte aux âmes, c'est qu'au temps de sa Passion il avait présents les péchés que nous commettons aujourd'hui. Il ne fait que rapprocher de la faute présente la douleur qui l'a expiée par avance. En évitant telle faute dont nous sommes tentés, c'est autant que nous épargnons à Jésus. Il dépend actuellement de nous qu'il ait moins souffert.
" O mon âme, écrivait Newman, contemple le terrible fait: imagine le Christ devant toi, et imagine-toi toi-même levant la main et le frappant! Tu diras :" C'est impossible! je n'ai pu le faire! " Oui, tu l'as fait. Quand tu as péché volontairement, c'est alors que tu as commis ce crime... Chaque nouveau péché, chaque nouvelle ingratitude que je commets maintenant, étaient comptés parmi les coups et les blessures qui jadis vous accablèrent pendant votre Passion. Oh ! faites que j'aie aussi peu de part que possible dans vos souffrances passées! Les jours s'écoulent, et je vois par les péchés nouveaux qu'ils emportent que, de plus en plus , je suis mêlé à la cause de vos douleurs. Je sais que, si même j'étais saint , j'aurais cependant ma part de responsabilité dans votre Passion, mais il est douloureux de voir cette part croître et devenir toujours plus grande. D'autres vous blessent, mais ne permettez pas que je vous blesse aussi! Ne permettez pas que je doive être réduit à reconnaître que vous auriez pu souffrir en moins telle douleur de l'âme ou du corps, si je ne l'avais pas causée. "
Il dépend aussi de nous actuellement que Notre-Seigneur souffrant ait reçu ce réconfort qu'il demandait en vain à ses trois apôtres sous les oliviers de Gethsémani :" Tu te lèveras entre onze heures et minuit, demandait Jésus à sainte Marguerite-Marie, pour te prosterner avec moi la face contre terre, tant pour apaiser la colère divine en demandant miséricorde pour les pécheurs que pour adoucir l'amertume que j'ai ressentie de l'abandon de mes apôtres quand je dus leur reprocher de n'avoir pu veiller une heure avec moi"
Mais la plus grande consolation pour Jésus est sans contredit celle que nous avons apportée à son coeur par la vie sainte que nous menons coûte que coûte, jour après jour , en vertu de la grâce que nous a méritée sa Passion. Prévoyant dès lors ce fruit de ses douleurs, il en a été tout réconforté....
Quelle ferveur de contrition, quelle résolutions énergiques de ne plus retomber, quel élan pour le bien, une âme délicate puisera dans de telles considérations!
rp Joret op +