Jésus.

Publié le 11 Janvier 2021

 

" Jésus grandissait en sagesse et en taille ", raconte saint Luc en terminant le récit de l'enfance du Christ. Pour ce qui est du progrès physique, l'évangéliste lui-même l'a suivi dans ses phases successives avant de l'affirmer dans cette proposition finale. 

   Les bergers trouvent d'abord un nouveau-né enveloppé de langes. Plus tard à Nazareth c'est un petit enfant qui grandit et se fortifie. Quand il a douze ans, on l'appelle l'enfant Jésus. Enfin au temps de l'adolescence, on le nomme simplement Jésus: Jésus grandissait en sagesse et en taille. Saint Luc établit par deux fois une corrélation entre le développement intellectuel du Christ et sa croissance physique. Il est difficile de penser que le second étant réel, le premier ne fut qu'une simple apparence. Oui, " le petit enfant se remplissait vraiment de sagesse... Jésus grandissait en sagesse."

   N'oublions pas que le Fils de Dieu a fait une incarnation bien véritable. Il y eut au temps primitif de l'Eglise des hérétiques appelés docètes pour qui le corps de Jésus n'était qu'apparent. Puis vinrent d'autres hérétiques les appolinaristes. Pour ceux-ci Jésus n'avait du moins pas d'âme humaine; le Verbe en tenait lieu. Ne trouverait-on point encore parmi nous des docètes qui s'ignorent, et surtout des appolinaristes inconscients? 

   Combien, sans y prendre garde, mutilent, suppriment la sainte humanité de Jésus! Un corps comme le nôtre sauf les tendances vicieuses du péché, voilà pourtant ce que nous devons reconnaître en Notre-Seigneur. Et son âme a progressé dans la sagesse en même temps que son corps s'est fortifié. La preuve en est que nous l'entendons souvent poser des questions et demander des renseignements. D'autres fois nous le voyons saisi d'admiration et tout surpris, comme un homme qui vient de faire une découverte inattendue. A lui comme à nous-mêmes l'expérience a donné des leçons: c'est l'auteur de l'Epître aux Hébreux qui l'affirme. (Hebr.V , 8)

   La nature d'abord a produit sur son esprit une impression profonde et dans les détails de la vie des plantes ou des animaux il a trouvé la solution des plus graves problèmes. Le lis des champs mieux vêtu qu'un roi , le froment qui tombe de la main du semeur en différents terrains, l'ivraie qui se trouve mêlée au bon grain du père de famille, la croissante très lente du blé qui germe dans la terre et lève doucement, la vigne qu'il faut émonder pour qu'elle produise du fruit, la poule qui rassemble ses poussins sous son aile, combien d'autres traits finement observés ont fourni matière aux réflexion de Jésus et composé ses magnifiques paraboles. 

    Il a réfléchi pareillement au contact des faits quotidiens de la vie. Tout enfant, il a aidé sa mère à mettre, au milieu de la farine délayée, un peu de pâte gardée de la veille, qui suffisait pour faire tout lever. Il l'a vue raccommoder les habits avec des morceaux appropriés: elle se gardait bien de mettre une pièce neuve à un vêtement vieux. Il a appris d'elle les lois du marché : deux passereaux pour un as, cinq pour deux as. Plus tard il a considéré avec attention les travaux des maçons, des laboureurs, des bergers, des pêcheurs. Il a vu comment on administrait les grandes propriétés, comment on payait l'impôt. Il a observé mille autres détails de la vie sociale dont il a tiré parti et qu'il citera en exemple.

   Mais que tout cela est donc insuffisant pour expliquer la sagesse incomparable qui éclatera un jour chez ce jeune homme! Lui dont tout le monde sait qu'il n'a fréquenté aucune école, lui que l'on a vu s'absorber jusqu'à trente ans dans d'humbles travaux manuels, il se manifestera soudain comme supérieur à tous les docteurs d'Israël. Ceux-ci auront beau se liguer contre lui et lui poser les questions les plus captieuses, sur tous les points il trouvera sans effort la solution parfaite et il l'énoncera en quelques phrases claires, qu'il suffira d'entendre une fois pour être à jamais convaincu. 

   Aucune remarque: on a la preuve à maintes reprises qu'il découvre les pensées les plus secrètes de ceux qu'il approche. Il connaît aussi les évènements qui se passent au loin . Il a vu Nathanaël sous le figuier, il n'ignore rien de l'histoire de la Samaritaine rencontrée au puits de Jacob, il sait que son ami Lazare est mort. Il prévoit de même avec certitude les évènements futurs que rien ne détermine: il discerne dès le commencement que Judas le livrera, il peut détailler longtemps à l'avance toutes les phases de sa Passion, il annonce à saint Pierre son triple reniement, au moment même où l'apôtre proteste le plus fort de son amour inébranlable. ...

   Oui, l'Evangile en témoigne, en plus d'une science acquise peu à peu, l'âme de Jésus jouissait de connaissances qu'elle reçut toutes faites et parfaites du premier coup. 

   ... Tout en voyant la Sainte Trinité, Jésus a donc vu lui apparaître, comme à l'arrière-plan , tous les êtres qui ont été, qui sont ou qui seront. Il a su tout ce qui fut ou sera fait, dit ou pensé, par qui que ce soit en n'importe quel temps. 

   Cette pensée de Jésus, si vaste, si riche, si pénétrante, elle fut dès le premier instant fixée sur chacun de nous. Notre-Seigneur fit connaître un jour à une sainte religieuse la joie qu'il avait eue de s'incarner pour elle.  (Mère Anne-Marie Clément op - Saudreau - ) 

   En lisant une telle déclaration, qui ne porte pas envie à cette âme privilégiée? Mais nous savons maintenant que nous avons joui de la même faveur et il n'est pas besoin d'une révélation pour nous en donner la certitude. 

   Mais nous préférons sans doute nous représenter Jésus alors qu'il menait pleinement sa vie humaine et fixait sur nous une pensée toute chargée d'expérience.

   Le voici, jeune homme vigoureux et plein de grâce, qui, sa journée faite chez quelque client de la campagne, s'en revient paisiblement, ses outils sur l'épaule. Il fait un détour et gravit le sommet qui domine son village. De là on jouit d'un spectacle magnifique. La vue s'étend sur les vallées, les montagnes de la Palestine, sur les flots de la Méditerranée là-bas à l'ouest. Jésus regarde longuement. Par-delà cette grande nappe bleue, c'est la France, notre pays. Et par delà les siècles c'est nous actuellement vivants.  Dans la nuit qui tombe et favorise le recueillement des sens , Jésus prie plus à l'aise, bien que sa pensée ne quitte jamais Dieu. Il me semble aussi que du haut de cette montagne Jésus a mieux pensé à moi, bien que jamais il ne m'ait oublié. 

   Quelques années s'écoulent. Jésus a quitté Nazareth pour s'en aller à la recherche des âmes. Il compare celles-ci à de pauvres brebis abandonnées. Les mauvais bergers n'en ont point souci. " Je suis le bon pasteur, dit Jésus; je connais mes brebis , et mes brebis me connaissent, comme mon Père me connaît et que je connais mon Père. " Quatre fois dans cette courte phrase le mot " connaître " est répété. Les relations intimes qui s'établissent entre Jésus et les siens sont pareilles à cette connaissance toute affectueuse qui règne dans la vie divine entre le Père et le Fils. 

   ...  Le bon Pasteur connaît déjà ses brebis, et elles viendront à lui, tour à tour, dans la suite des temps. " J'ai d'autres brebis, dit Jésus, j'ai d'autres brebis  qui ne sont pas dans cette bergerie; il faut aussi que je les amène, et elles entendront ma voix."  Quand, les yeux levés au ciel, Jésus priait son Père pour ses disciples, il ajoutait :" Je ne prie pas seulement pour ceux qui sont ici, mais pour ceux qui doivent croire en moi par leur parole." 

  Qu'il m'est doux de songer que le divin Pasteur a pensé dès ce temps-là à moi, la dernière de ses brebis ! O bonheur !

   Il savait déjà le nom dont il m'appellerait et dans ses longues nuits de prière il m'a nommé à son Père ! 

   Lorsqu'il prêchait en Palestine, le Maître parlait aussi pour moi. Les disciples assis sur la berge du lac ne formaient que le premier rang de son auditoire. Derrière eux, au regard de Jésus, se pressaient toutes les âmes à venir. Et parmi elles il discernait la mienne. Pour que sa parole m'atteignît, il a voulu que les évangélistes la recueillissent par écrit. On m'a remis cette " sainte écriture " . Je la conserve précieusement, telle une lettre d'un être cher et disparu que je relis autant de fois que je veux. Combien de paroles en l'Evangile ont été dites encore plus pour les disciples futurs que pour ceux qui les entendirent les premiers! 

   " Si tu veux être parfait, va, vends ce que tu as, donne- le aux pauvres, et tu auras un trésor dans le ciel, puis viens et suis-moi".

   Le jeune homme riche que les yeux de Jésus fixaient avec amour en prononçant ces paroles ne répondit pas au conseil de Jésus. Il s'en alla, triste, parce qu'il avait de grands biens. Mais longtemps après, sur la rive du Nil, un autre jeune homme , nommé Antoine, entre dans une église au moment où on lit ce passage de l'Evangile. Antoine comprend que Jésus a parlé pour lui. Sans tarder il fait présent de tous ses biens, une centaine d'hectares de terre fertile, à la communauté de son village natal. Il vend en outre tous ses meubles et distribue l'argent aux pauvres. Puis il s'enfonce dans le désert afin de s'y livrer à l'ascétisme. Bientôt il doit organiser des monastères pour les disciples nombreux qui viennent le trouver dans le dessein de suivre avec lui le conseil du Christ.

   En vérité la pensée de Jésus était fixée sur tous ces religieux, et ceux-ci prenaient dans son coeur la place du jeune homme infidèle à la vocation divine. 

   ....

   L'on peut lire pareillement, dans les Actes de la martyre sainte Cécile, les lignes que voici :" Cécile avait entendu la voix qui nous dit dans l'Evangile :" Venez à moi, vous tous qui travaillez et qui êtes accablés, et je vous soulagerai. " Aussi portait-elle toujours sur sa poitrine les saints Evangiles qu'elle lisait et relisait nuit et jour au cours d'une prière ininterrompue. "

   Imitons toutes ces âmes. Ouvrons souvent le livre sacré. N'oublions pas que Jésus pensait à nous et parlait pour nous. Du coup l'Evangile nous apparaîtra comme ces lignes que nous écrit une main chère et qui diffèrent tellement de toute autre écriture. Elles ont la physionomie de la personne aimée. Avec l'Evangile, c'est Jésus même qui vient à nous! Si nous y songions, comme ces pages seraient vives et pressantes! Comme elles auraient de l'influence sur nos pensées, nos affections, toute notre vie ! Elles nous transformeraient ! C'est parce que les saints avaient compris cela, que François de Sales a pu dire d'eux : " Il n'y a non plus de différence entre l'Evangile écrit et la vie des saints qu'entre une musique notée et une musique chantée." 

RP Joret op+ 

Rédigé par Philippe

Publié dans #spiritualité

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