homélie dom Jean Pateau - Jeudi de l'Ascension.

Publié le 13 Mai 2021

 

vierge petit Placide 

 

 

+ ASCENSION 

Homélie du Très Révérend Père dom Jean PATEAU

 Abbé de Notre-Dame de Fontgombault 

 

 

(Fontgombault, le 13 mai 2021)

 

Chers Frères et Sœurs, Mes très chers Fils,

 

 Alors que nous entrions dans la célébration du mystère pascal le soir du Jeudi-Saint, nous avons entendu les dernières paroles, paroles intimes, adressées par le Seigneur aux disciples qui allaient tous abandonner leur maître à sa passion, à sa mort. Aujourd’hui c’est à une autre séparation que nous assistons. Les temps ont changé. Les gardes se sont éloignés. Les disciples voudraient demeurer avec leur maître, le retenir. Leurs regards tendus vers le ciel alors qu’il s’éloigne en témoignent. Le Seigneur, lui, doit partir. 

 

Le soir du Jeudi-Saint, comme devant la faiblesse de ses disciples, tel un viatique, le Seigneur a laissé une nourriture : « Ceci est mon corps pour vous » et une mission : « Faites ceci en mémoire de moi. » (Lc 22,19)

   Aujourd’hui, le Christ confie à ses disciples une autre mission : « Vous serez mes témoins... jusqu’aux extrémités de la terre. » (Act 1,8) Cette mission est assortie d’une promesse rapportée par saint Matthieu : « Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde. » (Mt 28,20)

En ces derniers temps de sa présence, Jésus remet donc aux siens une nourriture et une double mission. Plus de vingt siècles se sont écoulés. Le Corps et le Sang du Christ, source inépuisable de la vraie vie, continuent à abreuver le cœur des fidèles à travers le ministère des prêtres. Malgré la fidélité du Seigneur à sa promesse de demeurer proche de nous « tous les jours », il semble bien que le nombre des témoins diminue de façon inéluctable.

Dans nos pays civilisés, dans nos campagnes autrefois chrétiennes, dans les cités aux multiples religions et ethnies, bien des âmes demeurent assoiffées sans trouver à s’abreuver. Le Christ s’est présenté comme : « le chemin, la vérité et la vie. » (Jn 14,6)

Sa vie, il l’a donnée comme preuve d’amour, devenant pour ses disciples source féconde de vie. Le témoin, μάρτυς en grec, est précisément celui qui donne sa vie. Tel est le témoignage de Celui qui se présente sous les traits du Bon Pasteur. Notre monde a soif de témoins, de pasteurs.

Les hommes de notre temps, dispersés jusqu’aux extrémités de la terre, ont besoin d’être aimés par des témoins et des pasteurs qui se tiennent comme aime à le répéter le Pape François à l’avant, au milieu et à l’arrière du troupeau. A l’avant, le pasteur guide ses brebis par l’exemple qu’il donne et les enseignements qu’il dispense. Au milieu du troupeau, il demeure présent auprès de chacune d’elles et les aime. A l’arrière-garde, il compatit, soigne, et rassemble les brebis un peu folles qui s’éloignent, celles aussi qui sont faibles ou malades et qui traînent la patte. Il part aussi à la recherche de l’égarée, des brebis abandonnées sans pasteur et sans troupeau.

Nos sociétés manquent de vrais pasteurs, de vrais témoins, de vrais guides. Plutôt, elles ne les supportent plus. Les législations en quête d’un consensus, ignorant les fondements naturels de nos humanités, le respect dû à chaque être vivant, se bornent à rafistoler les pans d’une vie sociale qui va se disloquant, en tentant de donner satisfaction à chacun.

Le souvenir d’Adam et Eve au paradis terrestre, l’échec des apprentis maçons de Babel reviennent à nos mémoires : construire sa propre demeure, poursuivre son chemin loin de Dieu ?

L’Église n’est pas exempte de cette tentation. Certains se lassent de suivre l’unique troupeau mené par le Christ. Au nom de pseudo-démarches synodales à la remorque des idées du temps où manque la prière, au nom d’idéologies rabâchées dans l’espoir qu’elles en reçoivent un peu de vérité, des membres de l’Église en certains pays, en certains groupes, s’éloignent de plus en plus de l’unique berger.

Le Pape François le rappelle : « Ne faire que cela n’est pas la synodalité ; c’est un beau ‘parlement catholique’ ... Ce qui fait que la discussion, le ‘parlement’, la recherche des choses deviennent synodalité, c’est la présence de l’Esprit : la prière, le silence, le discernement de tout ce que nous partageons. » (Discours du 30 avril 2021 au Conseil national de l’Action catholique italien)

Le témoin véridique, le vrai pasteur, ne travaille pas pour lui : il est envoyé par le Christ mais demeure toujours avec lui. Il est à l’écoute de l’Esprit. Marchant avec le Christ, il marche avec l’Église gardant au plus profond de son cœur l’amour de celle-ci. Il fait sienne son histoire au jour de gloire comme au jour de peine et reçoit humblement, comme la brebis du troupeau, ses enseignements. Alors, et alors seulement, à la suite des apôtres, il est témoin du Christ et de l’Église jusqu’aux extrémités de la terre, un témoin véridique, un témoin fiable.

Dans l’attente de la conversion des sociétés, il porte la parole aux hommes de notre temps dont beaucoup attendent d’entendre simplement qu’ils sont aimés et qui demeurent en quête de lumière sur le sens de leur vie, sur le lieu où ils sont attendus.

Comment ne pas mentionner aujourd’hui le quarantième anniversaire de l’attentat subi par cet extraordinaire témoin du Christ, cet apôtre inépuisable de l’Évangile, ce colosse de sainteté que fut le pape venu de Pologne, le Pape saint Jean-Paul II.

Les paroles de sa Messe d’intronisation résonnent dans la parfaite continuité de l’appel du Christ au matin de l’Ascension : N’ayez pas peur !

Ouvrez, ouvrez toutes grandes les portes au Christ ! À sa puissance salvatrice ouvrez les frontières des États, les systèmes économiques et politiques, les immenses domaines de la culture, de la civilisation, du développement. N’ayez pas peur ! Le Christ sait « ce qu’il y a dans l’homme » ! Et lui seul le sait !

La vie du saint pape témoigne de la présence du Seigneur chaque jour à ses côtés et tout particulièrement sur la place Saint-Pierre au cours de l’audience du mercredi, ce 13 mai ; présence du Seigneur, présence de Marie au jour anniversaire de sa première apparition en 1917 à Fatima. Après une opération de cinq heures, le pape est sauvé. Le 27 décembre 1983, en visite à Mehmet Ali Ağca convaincu qu’il avait « visé juste et que la balle était puissante et mortelle. », Jean-Paul II répondait : « Une main a tiré, une autre a guidé », faisant référence à la « main invisible de la Vierge Marie ».

Aujourd’hui, cette balle, touchée par la « main invisible de la Vierge » et devenue une relique, a été offerte par Jean-Paul II au sanctuaire de Fatima et sertie dans la couronne de la Reine de la Paix. Demandons à saint Jean-Paul II, témoin inlassable de la vérité sur Dieu et sur l’homme à la face des peuples, apôtre infatigable de la paix, d’intercéder pour qu’une nuée de témoins naisse à sa suite dans l’Église.

En ces jours qui nous séparent de la Pentecôte, unis aux apôtres réunis au Cénacle avec Marie, disposons nos cœurs à recevoir la grâce du Saint-Esprit qui rénove la face de la terre en récitant déjà la séquence de la fête :

Veni Sancte Spiritus ! Amen, Alleluia.

 

 

Rédigé par Philippe

Publié dans #homélies

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