" la plongée dans l'inconnu. " 4ème dim. après la Pentecôte
Publié le 20 Juin 2021
Dans l'épître d'aujourd'hui, saint Paul nous dit que « les souffrances de ce temps ne sont pas dignes d'être comparées à la gloire à venir qui se révélera en nous » (Rm 8, 18).
Cette brève phrase nous montre l'excellence de la gloire à laquelle nous sommes appelés. C'est une gloire à venir c'est-à-dire qu'elle est future, c'est la vie future, la vie après la mort, la vie sans fin après une brève existence temporelle. C'est une gloire d'une dignité la plus splendide, à côté de laquelle les plus grands honneurs de cette vie sont comme des perles de plastique qui se fanent à la lumière. C'est une gloire qui sera révélée, c'est-à-dire qu'en ce moment les amis de Dieu sont cachés aux yeux du monde qui est trop occupé de lui-même pour ne même pas les voir, mais au dernier jour, toutes les façades tomberont , les masques seront jetés, et la gloire resplendissante des enfants de Dieu sera éternellement manifestée.
Enfin, c'est une gloire qui sera en nous. En cela, nous voyons la vanité de la gloire que le monde offre à ses serviteurs, car cette pompe et cette gloire sont extérieures, elles sont en dehors de la personne dans les pièges de la richesse et de l'opinion des hommes faillibles et mortels. Mais la gloire éternelle sera fondée sur quelque chose qui est en l'homme, car comme le dit Notre-Seigneur : « Le Royaume de Dieu est en vous » (Lc 17, 21).
Dans le passage qui précède immédiatement ces paroles, l'Apôtre nous avait dit que nous devons d'abord souffrir avec le Christ si nous voulons être glorifiés avec lui. Comme il est rassurant et consolant de penser qu'il n'y a vraiment aucune comparaison entre ce que nous pourrions souffrir dans cette existence éphémère et la gloire du paradis à venir.
Littéralement aucune comparaison. L'un est temporel, l'autre éternel. L'un dure un jour, l'autre éternellement. Les saints nous disent que, tout comme une seconde de feu de l'enfer fera complètement oublier à l'âme tous les faux plaisirs qu'elle a eus dans cette vie, de même une seconde de gloire céleste rendra l'âme totalement inconsciente de ce qu'elle aurait pu souffrir dans cette vie.
Assurons-nous de ne pas nous tromper et de ne pas mettre notre cœur au mauvais endroit.
De même que c'est la sagesse commune des saints de fixer leurs yeux sur le bien éternel et de supporter les difficultés dans cette vie, de même c'est le lot commun des réprouvés de mettre toute leur espérance dans les plaisirs passagers. La sagesse des saints brille d'autant plus lorsqu'elle est opposée à la folie des pécheurs. C'est peut-être la raison pour laquelle l'Évangile d'aujourd'hui nous dit que Notre-Seigneur commande à Pierre de se jeter dans les eaux profondes.
Cette vie est en effet comme une excursion en mer. Le temps que nous passons ici-bas ressemble beaucoup à la traversée d'une mer. Que penserions-nous d'un homme qui, lors d'une croisière autour du monde, s'installerait dans une maison et investirait dans l'achat et la vente et créerait sa propre petite entreprise et mettrait toute son énergie à rendre ses quelques jours à bord aussi agréables que possible sans se soucier de ce qu'il fera une fois arrivé au port ?
C'est exactement ce que font les pécheurs lorsqu'ils refusent de lever les yeux vers le rivage éternel du Ciel et essaient de se mettre à l'aise dans cette vie, qui selon sainte Thérèse d'Avila n'est rien de plus qu'« une mauvaise nuit dans une mauvaise auberge ».
Mais le commandement de Notre-Seigneur d'aller en profondeur nous amène à un autre aspect de la messe de ce dimanche.
Qu'est-ce qu'aller en profondeur si ce n'est de se confier entièrement à la Grâce divine, de franchir le pas et de faire confiance à la toute-puissance de Dieu la bonté de nous conduire vers une éternité bienheureuse, de refuser de nous enfermer dans nos petits soucis et de nous livrer à la Divine Providence qui guide notre petite barque à travers les flots de cette existence éphémère ?
Qu'est-ce que sortir dans les profondeurs si ce n'est de refuser de s'inquiéter ou d'être bouleversé ou de perdre espoir ou s'inquiéter des choses de ce monde ?
Qu'est-ce que c'est si ce n'est pas de refuser de dire à Notre-Seigneur ce qu'il doit faire et d'accepter qu'il soit aux commandes ? Qu'est-ce si ce n'est pas, quand on voit grandir la puissance du mal, se réfugier dans la prière, avec la conviction absolue que Dieu s'en occupera en son temps ?
Qu'est-ce que c'est si c'est de ne pas accepter notre chemin de vie, de nous laisser reposer dans la contemplation de sa bonté, tout comme le bébé trouve le repos et la tranquillité dans les bras de sa mère ?
Qu'est-ce que c'est si ce n'est pas dormir profondément alors que les vagues battent contre notre petite embarcation, s'abandonnant à la grâce omnipotente qui contrôle toujours les moindres détails de notre vie ?
Qu'est-ce que c'est si ce n'est pas de rester en paix quand d'autres soulignent nos lacunes ou trouvent à redire à ce que nous faisons ou disent du mal de nous, de médire et de créer des guerres qui ne servent qu'à polluer davantage la bonne terre de Dieu, ? -
Qu'est-ce que c'est si ce n'est pas de fermer les yeux et de nous laisser emporter par le courant de la grâce divine, sachant que si nous le faisons, notre petit bateau avancera jusqu'au rivage éternel.
Alors que nous continuons notre voyage vers l'éternité, assurons-nous d'avoir Jésus dans notre bateau. Ne le perdons pour rien au monde.
Ne le chassons pas par le péché. Car comme dit l'Imitation du Christ, celui qui perd Jésus, perd plus que s'il avait perdu le monde entier. Si nous avons Jésus dans notre barque, il ne faut pas s'étonner s'il nous demande des faveurs, s'il nous invite à renoncer à nous-mêmes, s'il compte sur notre abandon total et sur notre confiance en sa grâce, s'il nous demande de plonger dans l'inconnu.
C'est alors qu'il faut être prêt à s'enfoncer dans l'abîme, à se lancer en haute mer, en se confiant à un morceau de bois, ce même bois sur lequel le Sauveur a été cloué.
Et si, malgré notre générosité, ou peut-être à cause d'elle, le Seigneur semble dormir, ne le réveillons pas. Les apôtres ont été réprimandés pour leur peu de foi lorsqu'ils ont réveillé Notre-Seigneur, car la plus grande foi est de L'attendre, d'avoir confiance en Lui, même s'Il peut sembler dormir, Il reste vraiment bien éveillé et parfaitement en contrôle, et Son Sacré-Cœur ne dort jamais.
Le jour viendra peut-être où, comme Pierre, nous voudrons le supplier de s'éloigner de nous, car nous avons appris à connaître notre profonde indignité. Mais c'est alors que nous devons rester, car c'est alors, et alors seulement, qu'il peut nous confier la tâche de lancer d'autres âmes sur la haute mer de la conversion authentique et de la sainteté de la vie.
C'est alors que nous pouvons faire partie de cette foule d'âmes qui contribuent à la « dévotion tranquille » dont parle la collecte d'aujourd'hui, et qui fait de l'Église de tous les temps un refuge et un havre pour ceux qui se fondent sur la solidité de la vraie foi.
Le monde est en constante agitation, et cette agitation fait secouer la Barque de Pierre sur les flots, mais au fond de ce navire sont saines et sauves les âmes, les petites âmes humbles, qui acceptent de se reposer avec Jésus et qui regardent sans cesse vers Marie, étoile de la mer, qui guide la véritable Église vers les rives éternelles.
Amen.