homélie pour la fête de St benoît - Fontgombault

Publié le 11 Juillet 2021

 

 

 

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AINT BENOÎT 

Homélie du Très Révérend Père Dom Jean PATEAU Abbé de Notre-Dame de Fontgombault

 (Fontgombault, le 11 juillet 2021) 

 

 

Chers Frères et Sœurs, Mes très chers Fils, 

 

En ce dimanche, dès le premier mot de l’Introït, l’Église nous invite à la joie. Quoi d’étonnant ! 

Le dimanche est par essence le jour de la joie. Après une semaine de travail, l’homme est invité par Dieu lui-même à se reposer. Tel est le commandement, ou plus exactement la parole, parole d’amour, adressée au Sinaï par Dieu à l’attention du peuple qu’il venait de faire sortir d’Égypte : 

Pendant six jours tu travailleras et tu feras tout ton ouvrage ; mais le septième jour est le jour du repos, sabbat en l’honneur du Seigneur ton Dieu : tu ne feras aucun ouvrage, ni toi, ni ton fils, ni ta fille, ni ton serviteur, ni ta servante, ni tes bêtes, ni l’immigré qui est dans ta ville. Car en six jours le Seigneur a fait le ciel, la terre, la mer et tout ce qu’ils contiennent, mais il s’est reposé le septième jour. C’est pourquoi le Seigneur a béni le jour du sabbat et l’a sanctifié. (Ex 20, 9-11) 

Gaudeamus. 

Réjouissons-nous. 

Dieu, venant de libérer son peuple de pharaon, ne voulait pas que l’appât du gain l’emprisonne et le conduise à oublier son créateur en se livrant sans fin au travail. Le septième jour devenait ainsi le jour où l’homme se souviendrait qu’il avait été gratuitement libéré par Dieu de la servitude. 

Pour les chrétiens, le dimanche s’est enrichi d’un nouveau don. L’homme, révolté contre Dieu depuis les origines, devait être libéré d’une autre servitude, plus profonde, plus universelle et aux formes multiples : le péché. Il avait besoin d’être réconcilié avec Dieu, avec le projet que Dieu avait, dans son immense amour, préparé pour sa créature bien chétive : la béatitude éternelle, c’est-à-dire la vie en communion avec Dieu, la vision de Dieu pour l’éternité. Telle est la récompense des récompenses à laquelle Dieu dans sa bonté nous appelle. 

Cette libération du péché que nul être purement humain ne pouvait obtenir, Dieu a voulu qu’elle s’accomplisse par son Fils, tout à la fois Dieu et homme, et plus particulièrement à travers le mystère de sa mort en croix et de sa résurrection. Chaque dimanche de l’année liturgique commémore donc le dimanche par excellence, la Pâque du Seigneur, jour où chaque année, l’Église au terme du triduum pascal proclame la mort du Seigneur et annonce sa résurrection. Mais ce triomphe de la vie sur la mort doit désormais se communiquer à chacun d’entre nous comme l’affirme saint Paul : 

Nous tous qui par le baptême avons été unis au Christ Jésus, c’est à sa mort que nous avons été unis par le baptême. Si donc, par le baptême qui nous unit à sa mort, nous avons été mis au tombeau avec lui, c’est pour que nous menions une vie nouvelle, nous aussi, comme le Christ qui, par la toute-puissance du Père, est ressuscité d’entre les morts. (Rm 6,3-4) 

La joie propre au dimanche tient donc à la résurrection du Christ et pourtant, l’Église nous invite aujourd’hui à nous réjouir tous dans le Seigneur pour un autre motif qui bien que différent n’est pas étranger au premier. L’Église unie aux anges se réjouit de la sainteté qui resplendit dans l’Abbé Benoît. Dans les saints, c’est la vie du Christ qui resplendit. 

Ce saint moine qui a vécu dans le nord de l’Italie à la fin du Ve siècle et au début du VIe a profondément marqué et l’histoire de l’Église et l’histoire de l’Europe. La plupart des ordres religieux et nombre de communautés nouvelles ont emprunté à la sagesse de la règle qu’il a laissée aux moines. L’Europe aux vastes étendues parsemées de monastères a reçu du saint patriarche les fondements d’une civilisation établie sur les valeurs chrétiennes, l’obéissance à la loi de Dieu, créateur et rédempteur, ainsi qu’une invitation au respect de tout être humain, créé à l’image de Dieu et à sa ressemblance. 

Dans son livre, La Règle de saint Benoît aux sources du droit, Gérard Guyon défend la thèse qu'en écrivant sa règle, saint Benoît est à l'origine d'un système juridique original adopté par les élites, qui va s'étendre à l'ensemble de la société laïque européenne et fera sentir son influence jusqu’à nos jours. 

Selon saint Benoît, le droit est au service de la justice et celui qui possède le pouvoir est le premier responsable de ce service. La règle, tout en donnant une grande autorité à l'abbé et aux doyens du monastère, rappelle cependant le fondement de l'autorité qui est participation à l'autorité du créateur. Cela implique que son détenteur devra rendre des comptes. 

A la suite du vote par les députés, le 29 juin dernier, du projet de révision de la loi bioéthique, Mgr de Moulins-Beaufort, Archevêque de Reims et Président de la Conférence des évêques de France a résumé par un jugement inquiétant ce texte : « Si la loi dit le droit, elle ne dit pas le bien. » 

Précisons : la loi dit le droit, c’est-à-dire ce que l’homme peut faire sans être inquiété par les services de l’État. La loi ne dit pas le bien, elle ne dit pas, elle ne dit plus en effet ce qui est vraiment juste et qui, au fond, doit servir de repère à l’homme. 

La satisfaction d’un besoin - même légitime -, affirmait Mgr de Moulins-Beaufort, le principe d’égalité, les besoins de la recherche scientifique, la peur du handicap ne peuvent justifier qu’on traite l’être humain comme un matériau manipulable et éliminable. 

Il importe plus que jamais que chacun trouve les moyens de la vigilance et d’un discernement personnel afin de faire ses choix en pleine conscience de ses conséquences éthiques. 

Il nous faut prendre acte à nouveau du processus de régression dans lequel s’enfonce notre société. Saint Benoît invite l’abbé à regarder tout être qu’il soit victime, qu’il soit coupable, qu’il soit fort, qu’il soit faible, comme un homme à mener vers son créateur. Il l’invite à « Honorer tout homme. » Cela est juste. 

De façon paradoxale, les États ont abandonné cet impératif. La forteresse qu’est pour l’enfant le sein maternel de la femme dite « enceinte » est devenu le théâtre d’un holocauste. A l’opposé des enfants seront conçus privés de père. Dieu a été évacué des États. Dieu a été évacué des sociétés. Dieu doit être évacué des âmes. 

Faudrait-il pour autant désespérer ? 

Quand saint Benoît écrivait sa règle, le monde romain s’était effondré. Le continent européen était à feu et à sang. Revenons donc aux lignes du saint moine pour une nouvelle évangélisation, une nouvelle Pâque.

 

Sainte Marie, saint Benoît, tous les saints et saintes de Dieu.

 Priez pour nous.

 Amen. 

Rédigé par Philippe

Publié dans #homélies

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