homélie fête de la Dédicace dom Jean Pateau - père abbé de Fontgombault
Publié le 12 Octobre 2021
+ DÉDICACE
Homélie du Très Révérend Père Dom Jean PATEAU Abbé de Notre-Dame de Fontgombault
(Fontgombault, le 12 octobre 2021)
Ecce nova facio omnia.
Voici que je fais toutes choses nouvelles. (Ap 21,5)
La fête de la Dédicace dans l’année liturgique, n’appartient ni
au cycle du temporal qui parcourt les mystères de la vie du Christ à travers les temps de l’Avent, de Noël, de l’Épiphanie, du Carême, de Pâques et de la Pentecôte, ni au cycle du sanctoral où l’Église, à travers un culte public, invite ses propres enfants à imiter la vie de ceux qui ont vécu à l’écoute de la grâce et selon la loi de Dieu, et qu’elle a déclarés saints.
Non, rien de tout cela ce matin. La fête de la Dédicace est le rappel d’un événement qui a marqué l’histoire d’un lieu et qui ne manque pas de laisser un souvenir impérissable à ceux qui l’ont vécu. La dédicace d’une église est une prise de possession par Dieu de ce lieu qui devient consacré. Toutes les églises ne sont pas dédicacées cependant. Sur les murs de celles qui le sont, douze croix demeurent témoins de l’événement. Des cierges les illuminent au jour anniversaire. Il est significatif que le rite de la dédicace commence par l’entrée des reliques des martyrs qui seront placées dans la table de l’autel et s’achève par l’inauguration de la réserve eucharistique. Dieu en ce lieu est plus présent qu’en tout autre.
Comme aux plus grandes fêtes, l’Église déploie chaque année les fastes de sa liturgie en ce jour anniversaire.
L’église de pierre est un lieu saint, chantait l’antienne d’Introït : Terrible est ce lieu, c’est la maison de Dieu, la porte du Ciel. Maison de Dieu, porte du Ciel, l’église est le lieu favorable pour qui veut cheminer vers Dieu. En ce lieu de silence réservé à la prière, le Seigneur demeure d’une manière particulière, sacramentelle, dans le tabernacle.
La lecture de l’Apocalypse évoque la sainteté du lieu où nous sommes, dans des termes sans équivoque :
Et la Ville sainte, la Jérusalem nouvelle, je l’ai vue qui descendait du ciel, d’auprès de Dieu, prête pour les noces comme une épouse parée pour son mari. Et j’entendis une voix forte qui venait du Trône. Elle disait : «Voici la demeure de Dieu avec les hommes ; il demeurera avec eux, et ils seront son peuple, et lui- même, Dieu avec eux, sera leur Dieu. » (Ap 21,2-3)
Entrer dans une église consacrée invite au souvenir que l’église n’est pas un lieu comme un autre. Entrer dans une église consacrée, c’est aussi entendre l’appel à accueillir Dieu chez soi, en sa propre demeure, en sa famille, sa communauté, en son propre cœur, en son âme. Signée lors du sacrement du baptême, l’âme est un lieu sacré qui doit être protégé.
Cette volonté de Dieu de venir résider, non seulement dans les temples de pierre mais aussi chez nous, transparaît de manière très concrète dans les lignes aimables relatant la visite de Jésus à Zachée, le publicain collecteur d’impôt : « Zachée, descends vite : aujourd’hui il faut que j’aille demeurer dans ta maison. » (Lc 19, 5)
"Il faut », le Seigneur ne laisse pas grand choix à celui qui était perché sur un sycomore, en espérant le voir tout en demeurant inaperçu. Beaucoup d’hommes, bien plus que nous ne le croyons, cherchent aujourd’hui à connaître Jésus... leur laisserait-il plus de choix qu’à Zachée ?
L’appel adressé par le Christ personnellement à Zachée, les apôtres ont reçu mission de le faire résonner jusqu’aux limites de la terre comme le rapporte saint Matthieu en conclusion de l’Évangile :
Allez ! De toutes les nations faites des disciples : baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint- Esprit, apprenez-leur à observer tout ce que je vous ai commandé. Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde. (Mt 28, 19-20)
L’appel à la mission s’adresse désormais à tous les chrétiens et en particulier aux prêtres. Cet appel devrait pouvoir se conclure par la même réflexion que faisait Jésus : « Aujourd’hui, le salut est arrivé pour cette maison, car lui aussi est un fils d’Abraham. En effet, le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu. » (Lc 19, 9-10)
Sauver, tel est le but de la mission.
Il y a quelques jours a été rendu public un rapport accablant qui met en cause des prêtres, des religieux. Qu’ont-ils fait ? Ils ont abusé de jeunes. Ils ont été envoyés en mission par l’Église pour conduire à Dieu, pour introduire au salut. Mais dans leur cœur, la duplicité était cachée. Dissimulés derrière leurs missions d’apôtres, ils ont cherché aussi à profiter, non pas à servir mais à se servir. Parfois aussi, ceux qui savaient se sont tus.
La blessure est immense dans le cœur de ceux qui recevaient ces hommes comme les ambassadeurs du Christ. Par la faute des évangélisateurs, par des silences gênés ou complices, l’Église est désormais accusée, et le Christ moqué par certains de ceux qui ont souffert du fait de mercenaires. Tous les chrétiens sont blessés et demeurent dans la honte.
Aujourd’hui, comme en bien des temps, la frêle barque de l’Église est agitée tant au-dehors par les flots, qu’au-dedans par les fautes de ses membres. ... (!!!)
Saint Jean Chrysostome, Patriarche de Constantinople au IVe siècle affirmait :
Telle est la grandeur de l’Église que, combattue, elle triomphe, outragée, elle n’en apparaît que plus éclatante. Elle reçoit des blessures, mais elle ne succombe pas à ses blessures ; elle est ballottée par tous les flots, mais elle ne sombre pas.
(Saint JEAN CHRYSOSTOME, Hom. in Eutropium, 1, PG 52, col. 397)
Face au scandale, nous nous trouvons bien démunis. Le Seigneur des consolations sait apaiser les cœurs des victimes. Elles ne peuvent rester sur le bord de la route, abandonnées tant par leurs bourreaux que par ceux qui préféreraient les ignorer. Eux aussi sont des fils d’Abraham. Malgré les blessures et à travers leurs blessures, ils demeurent invités à franchir les portes de la Cité sainte.
Par l’Église, Dieu veut les toucher, les guérir. Qu’il inspire aux pasteurs les gestes et les paroles qui doivent être accomplis et prononcées. Les promesses de Dieu rapportées par le livre de l’Apocalypse demeurent actuelles :
Il essuiera toute larme de leurs yeux, et la mort ne sera plus, et il n’y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur : ce qui était en premier s’en est allé. (Ap 21,4)
L’affirmation de Dieu est sans appel : « Voici que je fais toutes choses nouvelles. » (Ap 21,5)
Amen.