homélie jour de Pâques . Fontgombault 2022
Publié le 17 Avril 2022
+ JOUR DE PÂQUES
Homélie du Très Révérend Père dom Jean PATEAU Abbé de Notre-Dame de Fontgombault
(Fontgombault, le 17 avril 2022)
Jesum quæritis Nazarenum, crucifixum. Vous cherchez Jésus de Nazareth, le Crucifié.
(Mc 16,6)
Chers Frères et Sœurs, Mes très chers Fils,
Que de chemin parcouru depuis le dimanche des Rameaux !
Les machinations de ceux qui, faute de trouver des témoins véridiques, se sont satisfaits de menteurs, ont pu nous révolter. L’un des Douze a préféré à l’amour de son maître l’amour de l’argent et l’a livré pour 30 pièces d’argent. Depuis le jardin de l’Agonie, nous avons suivi le Seigneur dans les ruelles de Jérusalem, exhibé à la satisfaction des grands, et finalement abandonné par le faible Pilate au supplice de la croix en réponse aux cris de la foule. Le cœur du mauvais est plein de détours et d’inquiétude. Ces heures en témoignent. Le cœur du simple est ouvert à la paix. Telle est cette paix que le Seigneur vient apporter ce matin à ses disciples, qu’il vient aussi nous apporter, et qu’il veut offrir au monde et en particulier aux habitants de la chère terre d’Ukraine.
Mais comment recevoir cette paix en plénitude ? Mettons-nous à l’école des disciples. Si le chemin de l’Agonie a été long pour Jésus, n’a-t-il pas paru plus long pour eux ? Celui qu’ils aimaient a été traîné de tribunal en tribunal, battu par les soldats, moqué par la foule. En ce matin du troisième jour demeure en eux le souvenir de leurs trahisons ; celle de Judas, qui désormais a rendu ses comptes à Dieu ; celle de Pierre, chef humilié d’un groupe de disciples désorientés et qui se cachent ; tous, en ce matin, devaient ressentir une honte plus ou moins profonde en considérant leurs comportements. Les cœurs n’étaient pas en paix. Ils étaient tourmentés. Les femmes non plus n’échappent pas à cette inquiétude. Elles avaient un dernier devoir à accomplir auprès du corps du Seigneur. Comment allaient-elles rouler la pierre qui leur interdisait l’accès auprès du corps ? Les soldats les laisseraient-ils passer ? Bien des questions, bien des problèmes qui ne pèseront pas lourds devant le plan de Dieu. L’évangile selon saint Matthieu, entendu cette nuit, nous a proposé le récit le plus détaillé de la course des saintes femmes. Alors qu’elles s’approchent du tombeau, un violent tremblement de terre ébranle la pierre qui fermait l’ouverture. Un ange descendu du ciel roule la pierre et demeure assis dessus. Les gardes près du tombeau qui représentaient le pouvoir des Juifs sur le corps du Christ, sont renversés, terrifiés, à terre. L’ange, au vêtement blanc comme neige, s’adresse aux femmes : « Ne soyez pas effrayées. » Comment ne l’auraient- elles pas été ? Lorsque que le ciel s’invite à visiter la terre et que les éléments se déchaînent, la peur envahit naturellement le cœur de l’homme : peur devant le mystère qui prend consistance comme au jour de l’Annonciation, peur aussi de la misère humaine confrontée à la sainteté de Dieu.
La parole de l’Ange se fait alors consolante : « Vous, soyez sans crainte ! Je sais que vous cherchez Jésus le Crucifié. » (Mt 28,5).
Voilà bien la seule condition pour recevoir une parole consolante de Dieu. Ces mots sont comme le condensé du message de l’évangile. Le plus grand pécheur reçoit consolation, pourvu qu’il cherche vraiment Dieu, qu’il cherche le Christ. Dans l’encyclique Dominum et Vivificantem, saint Jean-Paul II a réfléchi sur l’essence du péché
. Pour le pape polonais, le péché apparaît comme « le refus, ou au moins l'éloignement, de la vérité contenue dans la Parole de Dieu qui crée le monde. » (n°33)
Or cette Parole créatrice est le Verbe de Dieu lui-même ; messager de l’amour de Dieu, Père, Créateur du ciel et de la terre. Dans des lignes particulièrement fortes, le Pape enseignait : ...Nous nous trouvons ici au centre même de ce que l’on pourrait appeler l’« anti-Verbe », c’est-à-dire l’« antivérité ». Ainsi se trouve faussée la vérité de l’homme, à savoir : ce qu’est l’homme et quelles sont les limites infranchissables de son être et de sa liberté. Cette « antivérité » est possible car, en même temps, est complètement « faussée » la vérité sur ce qu’est Dieu. Le Dieu Créateur est mis en suspicion, et même en accusation, dans la conscience de la créature. Pour la première fois dans l’histoire de l’homme apparaît dans sa perversité le «génie du soupçon». (ibid. n°37) Rendu à ce point, l’homme ne peut voir en Dieu qu’« une limitation pour lui-même, et non la source de sa liberté et la plénitude du bien. » Portant alors son regard sur l’état de la société, le SaintPère concluait : L’idéologie de la « mort de Dieu » menace plutôt l’homme, comme le souligne Vatican II lorsque, se livrant à l'analyse de la question de l’« autonomie des réalités terrestres », il écrit: « La créature sans Créateur s’évanouit... Et même, l’oubli de Dieu rend opaque la créature elle-même. » (Gaudium et spes, n. 36). L’idéologie de la « mort de Dieu » montre aisément par ses effets, qu’elle est, sur le plan théorique comme sur le plan pratique, l’idéologie de la « mort de l'homme ». (ibid. n°38) Telle n’est pas la démarche des saintes femmes. Elles vont au tombeau pour rendre au corps d’un mort les derniers devoirs, mais demeurent pourtant ouvertes à la vie. L’Ange va les éclairer et leur confier une mission.
Nul en effet ne reçoit la lumière pour lui-même, mais bien pour la faire rayonner et la transmettre : Vous cherchez Jésus de Nazareth, le Crucifié ? leur dit-il.
Il est ressuscité : il n’est pas ici. Voici l’endroit où on l’avait déposé. Et maintenant, allez dire à ses disciples et à Pierre : “ Il vous précède en Galilée. Là vous le verrez, comme il vous l’a dit. ” (Mc 16,6-7).
Pour les saintes femmes, pour les disciples, pour nous aussi, l’improbable s’est réalisé.
Le Christ mort est ressuscité, il est vivant. Notre chemin n’est pourtant pas achevé. Les apôtres ont été invités à se rendre en Galilée, pays paisible et idyllique qui leur rappelle le temps des premiers appels, le temps des échanges simples et libres avec le Maître. En ce matin de Pâques, le Seigneur nous appelle nous aussi à gagner notre Galilée, à nous rappeler la première visite du Seigneur au jour de notre baptême, à mettre tout en œuvre pour renouveler notre cœur à cœur avec le Seigneur.
En ce matin de Pâques, écoutons l’Ange de la Résurrection nous demander : Qui cherches-tu ? Qui cherches-tu vraiment ? Désires-tu recevoir la paix qui vient du ciel ? Que Marie notre Mère, celle qui a toujours cru, nous conduise au Christ ressuscité, vraiment ressuscité.
Regina cæli lætare, Amen, Alléluia.