homélie pour la fête de l'Assomption - dom Jean Pateau père abbé de Fontgombault
Publié le 15 Août 2022
![](https://image.over-blog.com/h1e8wC121lbpk-dIOSgj6PQFUA8=/filters:no_upscale()/image%2F1485405%2F20220815%2Fob_f4f2be_13892143-10208896313977995-35982477039.jpeg)
photo petit placide .
+ ASSOMPTION
Homélie du Très Révérend Père Dom Jean PATEAU
Abbé de Notre-Dame de Fontgombault
(Fontgombault, le 15 août 2022)
Chers Frères et Sœurs, Mes très chers Fils,
Misericordia ejus a progenie in progenies.
Sa miséricorde s’étend d’âge en âge. (Lc 1,50)
La fête de l’Assomption nous plonge dans un mystère omniprésent, incompréhensible et libérateur : le mystère de la miséricorde de Dieu.
Omniprésent parce que le monde ruisselle de ce mystère, à l’œuvre en tous lieux et dès l’origine du temps.
L’œuvre de la création en effet est œuvre de pure miséricorde, non pas de justice. L’univers avant d’être créé ne pouvait être dû ni à l’homme qui n’existait pas, ni à Dieu qui n’en avait pas besoin, déjà comblé qu’il était par lui-même en sa gloire essentielle.
En choisissant dans sa création un être, l’homme, et en l’invitant de façon purement gratuite à une communion de vie avec lui, Dieu accomplit un nouvel acte de miséricorde.
Après le péché et la rupture avec Dieu, l’homme, seul et perdu, ne pouvait rendre justice à Dieu, son créateur. A travers le mystère de la Rédemption, Dieu recrée sa créature blessée.
L’oraison du dixième dimanche après la Pentecôte nous rappelle ce mystère en s’adressant à Dieu qui manifeste sa toute-puissance en pardonnant et en faisant miséricorde.
Un mystère omniprésent, un mystère incompréhensible aussi, car nos vies témoignent trop souvent que notre cœur préfère mettre en œuvre la justice bien plus que la miséricorde. Le Seigneur, lui, nous engage à être miséricordieux comme le Père est miséricordieux. (cf Lc 6,36)
Un mystère omniprésent et incompréhensible, un mystère aussi libérateur. Combien de fois depuis notre enfance avons- nous déposé le fardeau de nos vies au cours du sacrement de pénitence, afin de recevoir le pardon du Seigneur par le ministère du prêtre.
Mais qu’en est-il pour Marie ? De tous les enfants des hommes, Marie la toute pure est celle qui a bénéficié de la miséricorde de Dieu dans une mesure unique. Dieu a décuplé pour elle sa puissance.
Comme créature, elle était dans la pensée de Dieu avant même que le monde fût créé. L’Église aime à le rappeler, en lui appliquant un verset tiré du livre des Proverbes :
Nondum erant abyssi et ego jam concepta eram – Quand les abîmes n’existaient pas encore, je fus enfantée. (8,24)
Mais puisant dans les trésors inexplorés de sa miséricorde, Dieu lui réservait un privilège unique : dès le premier instant de sa conception, la Sainte Vierge a été préservée de toute atteinte du péché originel, en considération des mérites de la Passion de son Fils, et afin d’offrir à celui-ci une demeure digne de lui aux premiers instants de sa vie terrestre.
Peut-être pourrait-on oser dire que Dieu, voulant s’incarner dans le sein d’une vierge, souhaitait bénéficier avant l’heure des conséquences de son œuvre de rédemption. Destiné à subir dès sa naissance le rejet et la méchanceté des hommes, il s’est incarné dans le sein paisible d’une Vierge, et a goûté durant neuf mois la maternelle et douce protection d’une enceinte toute pure, toute belle. En Marie, Dieu s’est complu d’une manière unique.
L’Evangile est aussi le témoin de cette complaisance qui s’est poursuivie durant toute la vie publique du Seigneur. Nous pourrions évoquer le miracle des noces de Cana, ou encore l’émerveillement de Dieu devant celle qui, mieux que tout autre, gardait la Parole et la mettait en pratique.
Mais c’est certainement aux derniers instants de la vie de la Vierge de Nazareth qu’il nous faut contempler le couronnement de l’œuvre de miséricorde de Dieu à son égard.
Saint Augustin a écrit :« Vous nous avez fait pour vous, Seigneur, et notre cœur est sans repos jusqu’à ce qu’il se repose en vous. » (Les Confessions, I, 1)
Ces lignes s’adressant à Dieu nous concernent aussi. Nous avons été créés par Dieu et pour Dieu, et nous sommes appelés à vivre chaque instant de la vie qui passe avec lui. C’est dans cette communion de notre vie avec la vie divine que toute vie humaine trouve son repos, sa joie, sa fin.
Il s’en faut de beaucoup que chaque instant de nos vies soit un moment d’amitié avec Dieu. Le corps et l’âme demeureront rebelles jusqu’au dernier instant. Même en possession de la grâce de la communion dans l’instant présent, nous savons que celle-ci pourra toujours s’approfondir jusqu’au moment de la vision de Dieu face à face. Aucune créature ne peut bénéficier sur terre d’un parfait repos.
Il en allait ainsi pour Marie. Plus que tout autre, elle désirait la plénitude de repos de la vision face à face. Toute sa vie cependant a été la parfaite communion d’une créature avec son créateur. Son âme et son corps demeuraient dans la paix. La mort pouvait-elle, ne serait-ce qu’un instant, interrompre cette communion, cette paix ?
Le Pape Pie XII, en promulguant le dogme de l’Assomption, enseignait de foi définie que Marie au dernier instant de sa vie terrestre est montée corps et âme au Ciel. Ainsi, elle a gagné le lieu de son dernier repos. Et ce repos lui a été accordé en plénitude : repos de l’âme et repos du corps, couronnement de gloire.
En ce qui nous concerne, si notre âme est appelée à se reposer en Dieu dès l’instant de notre mort, nous ne retrouverons nos corps qu’au moment de la résurrection des corps, à la fin des temps.
Pour Marie et par pure miséricorde, cette grâce a été accordée dès l’instant de sa mort. D’une façon un peu imagée et en prêtant à Dieu des sentiments humains, on pourrait affirmer que Dieu, impatient de voir près de lui la plus belle de ses créatures, a accordé à Marie le privilège du couronnement de gloire à l’instant même du terme de sa vie terrestre.
Au ciel désormais, Marie intercède sans relâche pour nous. Celle qui a toujours dit « Oui » à Dieu, n’ignore pas que si Dieu a multiplié en elle les trésors de sa miséricorde, c’est afin qu’elle apprenne à ses enfants à prononcer leur « Oui » à Dieu, le « Oui » libérateur. Dieu pour cela a voulu s’associer l’aide d’une femme, le cœur d’une Mère.
Comme le proclame le passage du livre de Judith que l’Église applique ce matin à Marie, la Vierge de Nazareth a été bénie « par le Dieu Très-Haut, plus que toutes les femmes de la terre. » (13,18)
Elle est « la gloire de Jérusalem, l’orgueil d’Israël, de Dieu, la fierté de notre race. » (15,9) Elle est surtout la gloire et la Mère de l’Église ; notre gloire et notre Mère.
Avec elle, chantons sans fin les miséricordes de Dieu répandues sur son humble servante.
Amen, Alleluia.