Rappelez-vous toutefois, chers fils et filles, que vous avez d'autres manières très réelles, bien que moins sensibles, d'être souvent reçus en audience du Dieu puissant et bon dont le pape est ici-bas le représentant.
audience de Dieu dans l'Eucharistie...
La rencontre de Dieu la plus réelle et la plus intime est la sainte communion, par laquelle Jésus lui-même se donne à vous avec son corps, son sang, son âme et sa divinité. Vous avez non seulement le droit, mais le devoir d'aller à cette table divine au moins une fois l'an, au temps pascal. Mais si vous avez un amour vrai pour le très aimable Sauveur, et une foi ferme en sa présence et puissance eucharistiques, si vous voulez consoler son coeur de l'impiété des méchants et de l'indifférence des tièdes, vous vous approcherez de la Table sainte plus souvent, tous les mois, par exemple le premier vendredi, ou tous les dimanches, ou même, si possible, tous les jours.
dans la nature...
Dieu nous offre une autre audience, tous les jours et toutes les heures, dans la nature, dans les êtres qui nous entourent, animés ou inanimés, pourvus ou non de raison. Comment ouvrir les yeux autour de nous sans reconnaître la puissance et la bonté du Créateur ? N'avons-nous pas, au moins une fois ou l'autre, face à la sublimité des montagnes ou à l'immensité de la mer, senti en nous quelques étincelles de la flamme qui brûlait au coeur de saint François d'Assise quand il faisait retentir le Cantique du Soleil dans les campagnes de l'Ombrie ? Dans l'action réciproque des éléments et des forces de la nature : l'eau, l'air, le feu, l'électricité, soumis à des lois si harmonieuses que la science humaine y trouve un de ses guides les plus sûrs, n'avons-nous pas vu le Créateur nous révéler sa sagesse infinie ?
et dans la prière.
Certes, cette conversation avec Dieu dans la contemplation de la nature n'est point à la portée de tous les hommes. Aussi leur a-t-il donné un autre moyen, facile et familier, de présenter à Dieu leurs demandes et d'entendre sa voix. Cette divine audience, où nous sommes invités et admis à chaque instant, où Dieu s'est engagé à ne rien nous refuser de ce que nous lui demanderions avec une intention droite et pieuse (Jn 14,13), c'est la prière.
La prière personnelle et intime, avant tout. Prier, c'est d'abord se recueillir devant le Seigneur.
Pour chercher Dieu, pour le trouver, il suffit que vous rentriez en vous-mêmes, le matin, le soir, à n'importe quel moment de la journée. Si vous avez le bonheur de vous trouver en état de grâce, vous verrez des yeux de la foi, dans l'intime de votre âme, Dieu toujours présent comme un Père d'immense bonté, prêt à accueillir vos requêtes et à vous dire ce qu'il attend de vous.
Si par malheur vous aviez perdu la grâce, rentrez loyalement en vous-mêmes ; vous trouverez Dieu présent comme un juge, mais un juge miséricordieux et prêt au pardon ; mieux encore : pareil au père de l'enfant prodigue, il ouvrira les bras et le coeur à ceux qui se prosterneront, contrits, avec l'aveu : « Père, j'ai péché contre le ciel et contre vous ! » (Lc 15,20-21). Que d'âmes se sont sauvées de l'obstination dans le péché, de l'endurcissement et de la perdition éternelle en faisant chaque soir un bref examen de conscience ! Et combien doivent leur salut à la prière de chaque jour !
Vous ne goûterez pas toujours seuls ces moments bénis, comme vous n'êtes pas venus l'un sans l'autre à l'audience du pape. Allez aussi, pour ainsi dire en famille, à l'audience du bon Dieu. Rappelez-vous les paroles du Sauveur dans l'Evangile : « Si deux d'entre vous s'accordent sur la terre (et ces deux qui doivent s'accorder, ne sont-ce pas tout particulièrement l'époux et l'épouse que Dieu a unis ?), quelque chose qu'ils demandent, ils l'obtiendront de mon Père qui est dans les cieux. Car là où deux ou trois sont rassemblés en mon nom, je suis au milieu d'eux » (Mt 18,19-20).
Avez-vous bien entendu ? Comme le Vicaire du Christ est au milieu de vous en ce moment, ainsi le Christ, bien qu'invisible, est présent au milieu de vous lorsque vous priez ensemble. Alors même les sens peuvent seconder la foi, et les réalités extérieures accroître la piété intérieure. Futurs pères et mères, bientôt la vue de vos petits anges terrestres agenouillés devant vous avec leurs petites mains jointes et leurs yeux candides attachés à l'image de la Madone, rappellera à votre mémoire le souvenir de votre propre enfance, la joie pure d'un coeur innocent, sa facilité à converser avec Dieu. Epoux chrétiens, prosternés devant la majesté divine côte à côte et au milieu de vos enfants, vous prononcerez avec une confiance accrue la supplication : « Notre Père... donnez-nous aujourd'hui notre pain quotidien pour toute cette famille que nous vous présentons, témoignage vivant de notre fidélité à vos lois. » Vous direz également, même si votre voix devait trembler : « Père, pardonnez-nous nos offenses, comme nous les pardonnons à ceux qui nous ont offensés, comme nous nous pardonnons réciproquement nos manques d'égards. »
A vous enfin, chefs de famille, la vue de votre épouse qui, au soir d'une journée de travail courageux, réunit avec empressement les précieux gages de votre mutuel amour et confie leur sommeil à leurs célestes gardiens, cette vue rappellera que du haut du ciel regarde une Mère infiniment tendre, prête à secourir ses enfants, spécialement au soir de cette rapide journée qu'est la vie, et vous direz alors avec un sentiment de douce espérance : « Sainte Marie, Mère de Dieu, priez pour nous, pauvres pécheurs, maintenant et à l'heure de notre mort. » Et ainsi vous vous endormirez plus tranquilles.
PIE XII 1940 aux jeunes époux.