Publié le 28 Août 2014
Photo © Frédéric Pons
« Il est désormais clair et bien documenté que l'agression contre les chrétiens aujourd'hui prend une tournure grave qui menace la présence chrétienne dans plusieurs pays, notamment le monde arabe, et plus particulièrement l'Égypte, la Syrie et l'Irak. Les chrétiens de ces pays sont victimes d'agressions et de crimes odieux qui les poussent à émigrer arbitrairement de leurs pays, dont ils sont des citoyens de souche depuis deux mille ans. Les sociétés islamiques et arabes sont ainsi privées d'une richesse humaine, culturelle, scientifique, économique et nationale importante. Cela est fort douloureux, mais ce qui l'est encore plus reste le silence face à ce qui se produit et l'absence d'une position unifiée au plan régionale de la part des autorités de référence influentes dans le monde, notamment islamiques, spirituelles, politiques, ainsi que la position internationale tiède vis-à-vis de ces événements.
« La grande catastrophe s'est abattue aujourd'hui sur les chrétiens d'Irak, ceux de Mossoul et les treize villages de la plaine de Ninive, ainsi que sur les yazidis et d'autres minorités. Tous ont été déracinés de leurs maisons par ce qui est appelé "l'État islamique-Daech" et ont quitté terrorisés, laissant tout derrière eux. Le sanctuaire de leurs églises, leurs mosquées et leurs lieux de culte a été violé, leurs maisons dynamitées, leurs routes pavées de mines. Leur nombre avant l'exode était de 120 000, et 60 000 d'entre eux sont aujourd'hui déplacés dans le mohafazat d'Erbil et 50 000 dans le mohafazat de Dohouk. Nous exprimons nos remerciements profonds à ceux qui les ont accueillis dans la région du Kurdistan (...) et qui leur ont offert une aide humanitaire, morale, spirituelle et matérielle (...).
« Nous appelons avec insistance la communauté internationale à déployer ses efforts, l'hiver frappant aux portes, afin de leur trouver un logement, les aider à retrouver le chemin de l'école et de l'université, libérer leurs maisons et leurs biens pour qu'ils puissent y retourner en toute dignité, et protéger leurs droits et leur sécurité de citoyens.
« La tragédie humaine qui a frappé les chrétiens d'Irak, les yazidis et les autres parmi ceux qui ont été chassés de leurs maisons devrait pousser la communauté internationale et l'Union européenne, en coordination avec le gouvernement central irakien et celui de la région du Kurdistan à : faciliter le retour des déplacés dans leurs villages et leurs maisons à Mossoul et Ninive, et dispenser la sécurité à ces villages avec des garanties internationales et locales des deux gouvernements de Bagdad et du Kurdistan pour qu'ils ne soient pas évincés de leur terre, et pour que leur identité historique et leur culture glorieuse ne disparaisse pas.
« Les États, surtout arabes et islamiques, ne peuvent pas rester silencieux et sans bouger face à "l'État islamique -Daech", et les organisations terroristes et takfiristes similaires qui portent une atteinte considérable à l'image de l'islam dans le monde. Ils sont appelés à émettre des fatwas religieuses rassembleuses qui interdiraient le fait d'apostasier l'autre, quelles que soit sa religion, sa communauté ou sa croyance, et condamneraient l'agression contre les chrétiens, leurs biens, et leurs églises dans leurs législations nationales. Ils sont également appelés à dynamiser la communauté internationale et les instances pour éradiquer ces mouvements terroristes par tous les moyens autorisés par le droit international.
« C'est là le double devoir de l'Onu, du Conseil de sécurité et du CPI. La communauté internationale est elle aussi responsable du développement de "l'État islamique – Daech" et autres mouvements takfiristes terroristes. À ces deux devoirs s'ajoute la nécessité de faire pression par la force, de la part de la communauté arabe et internationale, sur les bailleurs de fonds de ces groupes, les trafiquants d'armes et ceux qui les entraînent, États et groupes, pour couper les sources de la violence terroriste takfiriste.
« Chrétiens et musulmans ont vécu ensemble durant 1 400 ans. Les chrétiens ont toujours été les vecteurs de la renaissance, des bâtisseurs (...) et ont diffusé une culture de la diversité, de l'ouverture et du respect de l'autre, de la coopération avec lui, ainsi que les valeurs de la citoyenneté, et ont consolidé les libertés publiques et les droits de l'homme. Ils ont vécu dans leurs patries avec sagesse et perspicacité, et ont respecté les autorités politiques et se sont soumis aux Constitutions et aux lois. Ils ont été des citoyens modèles et se sont gagné le respect des rois, des princes et des dirigeants (...).
« En dépit de tout cela, les chrétiens restent attachés à leur terre, leur patriotisme, leur liberté en tant que citoyens de souche dans leurs pays. Ils sont attachés aux valeurs de l'Évangile et aux enseignements du Christ par le biais desquels ils règlent leurs relations avec les autres, notamment leurs frères musulmans, qui vivent avec eux au sein des mêmes nations. Les chrétiens sont attachés au partenariat dans la formation d'une identité nationale sur base de l'égalité et de la coopération avec l'ensemble des composantes de la société, sur base de la diversité dans l'unité, sans aucune distinction raciale ou religieuse. Ils sont attachés au fait de témoigner à travers leurs efforts marqués pour la paix et la stabilité, la consécration des libertés publiques, notamment d'opinion et d'expression, de religion et de croyance. Ils aspirent en permanence au respect de l'autre, et considèrent que la diversité est une source de richesse et un moyen de complémentarité et d'enrichissement mutuel.
« Les solutions doivent résoudre les causes des malheurs des pays du P-O, et parvenir à une paix juste, globale et permanente. Il faut ressouder les liens entre les composantes de ces pays, et œuvrer en faveur d'une réconciliation au sein de la même religion et cesser d'utiliser les extrémistes, les terroristes et les mercenaires, et de les soutenir, les financer et les armer, eux qui commettent des crimes contre l'humanité et Dieu, et au nom de la religion (...).
« Pour permettre aux pays du Proche-Orient de bénéficier d'une paix juste, globale et permanente, ces derniers doivent, avec le soutien de la communauté internationale, séparer la religion de l'État et aller vers l'édification de l'État civil. Ce n'est qu'à ce moment-là que la religion ne régnera plus sur la politique, et que l'autorité politique ne sera plus exploitée au service de la religion et ses intérêts, et le corpus religieux ne pourra plus dominer les exigences de la modernité. L'esprit de corps religieux s'est réalisé par un État propre à lui, mais il ne peut pas assurer sa sécurité, sa stabilité et sa paix, quels que soient ses fonds, ses armes, son influence et ses astuces. L'esprit de corps qui mange ses ennemis finit pas se manger lui-même. Il est donc nécessaire de diffuser la philosophie de l'État moderne fondé sur l'égalité, la justice, le respect de la dignité du citoyen, la liberté d'expression, de culte et de croyance, et la préservation des lieux sacrés et du patrimoine. »