Publié le 28 Février 2015
Nous-mêmes, nous sommes peut-être trop souvent comme Pierre. Nous préférons voir un Jésus au visage attirant : un proche, une amitié sympathique, une personne qui nous plaît. Mais nous ne voulons pas voir Jésus défiguré : il est dans telle infirmité, dans tel handicap, dans tel pécheur, dans tel voisin, dans tel ennemi.
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(Dominica II in Quadragesima)
L’Évangile du deuxième dimanche de Carême est traditionnellement celui de la Transfiguration du Seigneur.
Cet épisode est en effet lié au mystère de la mort et de la Résurrection du Seigneur auquel nous prépare le Carême. Au mystère de mort, car Jésus annonce sa Passion à ses disciples ; au mystère de la Résurrection, car la Transfiguration est une anticipation de la gloire de la Résurrection.
Au terme de sa Transfiguration, Jésus annonce sa mort en ces termes : « Ne parlez à personne de cette vision, jusqu'à ce que le Fils de l'homme soit ressuscité des morts ». Peu de temps après il précise que cette mort sera violente : « Comme ils se trouvaient réunis (…), Jésus leur dit : "Le Fils de l'homme va être livré aux mains des hommes, et ils le tueront, et, le troisième jour, il ressuscitera". Et ils en furent tout consternés » (Mt 17,22-23).
C’est cette consternation qui avait fait dire à Pierre : « "Dieu t'en préserve, Seigneur ! Non, cela ne t'arrivera point !" Mais lui, se retournant, dit à Pierre : "Passe derrière moi, Satan ! Tu me fais obstacle, car tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes" » (16,22-23).
Pierre préférera toujours en effet, comme nous trop souvent, jouir de la douce présence de Jésus.
A la Transfiguration il s’exclame : « Seigneur, il est heureux que nous soyons ici ; si tu le veux, je vais faire ici trois tentes, une pour toi, une pour Moïse et une pour Elie ».
Faire une tente, cela veut dire s’arrêter, demeurer, s’établir pour jouir de la beauté du spectacle de Jésus en gloire.
Pierre en sera tellement marqué qu’il refusera de voir Jésus dans sa Passion. Il ira jusqu’à le renier, ne supportant pas la vision de son visage défiguré : « Le Seigneur, s'étant retourné, regarda Pierre. Et Pierre se souvint de la parole que le Seigneur lui avait dite : Avant que le coq chante aujourd'hui, tu me renieras trois fois. Et étant sorti, il pleura amèrement » (Lc 22,61-62). Dès lors, Pierre, on ne le revoit plus sinon au matin de la Résurrection.
Nous-mêmes, nous sommes peut-être trop souvent comme Pierre. Nous préférons voir un Jésus au visage attirant : un proche, une amitié sympathique, une personne qui nous plaît. Mais nous ne voulons pas voir Jésus défiguré : il est dans telle infirmité, dans tel handicap, dans tel pécheur, dans tel voisin, dans tel ennemi : « Si vous saluez seulement vos frères, que faites-vous d'extraordinaire ? Les païens aussi n'agissent-ils pas de même » (Mt 5,47) ?
Jésus défiguré, c’est aussi mon ennemi, et je ne le reconnais pas, car je préfère comme Pierre un Jésus beau et attirant. Personne en effet n’est plus laid que notre ennemi.
Au Jugement dernier nous serons jugés sur notre acuité visuelle.
Ceux qui auront reconnu Jésus souffrant, qui auront regardé au-delà des apparences, seront sauvés : « J'ai eu faim et vous m'avez donné à manger, j'ai eu soif et vous m'avez donné à boire, j'étais un étranger et vous m'avez accueilli, nu et vous m'avez vêtu, malade et vous m'avez visité, prisonnier et vous êtes venus me voir » (25,35-36).
Jésus ne parle pas des proches et des amis, mais de ceux qu’on ne veut ni regarder ni approcher. C’est en eux que nos yeux de chrétiens nous font reconnaître le visage de Jésus souffrant. Jésus a été abandonné dans sa Passion.
C’est pour cela qu’on le retrouve dans ceux que la société abandonne. Y compris dans les pécheurs, car Jésus est mort abandonné comme un malfaiteur, comme un grand pécheur.
Oui, avant de vouloir jouir comme Pierre de la présence ineffable du Seigneur, commençons par mieux regarder autour de nous. Jésus est là tout près de nous, à côté de nous.
Un moine osb. +