Je suis chrétien, voilà ma gloire.
Publié le 5 Novembre 2007

La vie bénédictine est essentiellement vie chrétienne et surnaturelle. Comme l'a bien noté Bossuet en son panégérique de saint Benoît:" la vie du chrétien est un long et infini voyage durant le cours duquel, quelque plaisir qui nous attache, quelque compagnie qui nous arrête, quelque ennui qui nous prenne, quelque fatigue qui nous accable, une voix divine s'élève d'en-haut qui nous dit:"Egredere", sors, et nous ordonne de marcher plus outre.
Telle est la vie chrétienne, et telle est par conséquent la vie monastique. Car qu'est-ce qu'un moine véritable, un moine digne de ce nom, sinon un parfait chrétien?
Il nous est indispensable de reconnaître d'abord ce qu'est la vie chrétienne et en quoi proprement elle consiste, puisque là se trouve le fondement premier et l'essentielle condition de la vie monastique. Bien que la vie bénédictine possède, nous le verrons, sa physionomie distincte, elle n'exerce pourtant d'autres énergies surnaturelles que celles-là meme que le baptême a formé en nous.
"Voyez quel grand amour le Père nous a témoigné, que nous soyons appelés enfants de Dieu et que nous le soyons en réalité! (St Jean 3,1'2)
Nous sommes enfants de Dieu par une communion réelle au Fils unique de Dieu, au Verbe Incarné, Notre-Seigneur Jésus Christ: La vie surnaturelle consiste essentiellement dans une participation et ressemblance au Seigneur:" A tous ceux qui l'ont reçu, il a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu". (Jean 1,12)
Telle est la grâce sanctifiante: une réelle insertion vitale en Celui par qui nous sommes les enfants de Dieu. La filiation divine n'est aucunement en nous une métaphore gracieuse, une fiction aimable, une dénomination extérieure. Elle répond à une transformation de notre être et à l'infusion d'une vie nouvelle. Le baptême a fait de nous un être tout neuf, une nouvelle créature. Auparavant notre âme n'était que le principe d'une vie naturelle et humaine. Désormais, par la grâce sanctifiante, elle est devenue en nous l'agent d'une vie supérieure, elle est établie dans une condition surnaturelle et divine.
Car c'est bien de vie divine qu'il s'agit. "Si la Vie qui était dans le Père s'est manifesté à nous, dit saint Jean, et si les apôtres l'ont annoncée au monde, c'est afin que nous entrions en société avec Dieu, avec le Père et avec son Fils Jésus-Christ. (1 Jean 1.3)
La Sainte Trinité vient habiter dans l'ame baptisée comme dans un temple. Dès ici-bas, sous le voile de la foi, nous possédons en nous toute la réalité de la vie de Dieu, par Notre-Seigneur Jésus-Christ.
Cependant cette vie ne nous est pas toute donnée, tout venant de Dieu, toute passivement acceptée sans que nous eussions nous-même rien à faire.
Toute vie a des facultés qui lui sont propres, des activités qui sont à sa taille, des énergies qui lui sont proportionnées. La vie surnaturelle a ses organes, ses principes d'action correspondant à sa nature et à sa fin: ce sont surtout les vertus de foi, d'espérance et de charité; vertus théologales parce qu'elles ont Dieu pour objet, qu'elles nous unissent à Notre-Seigneur Jésus-Christ, et par lui et en lui à Dieu.
L'espérance est en nous le principe de vouloir la fin et les moyens que veut pour nous le Seigneur, elle donne notre vouloir à Dieu. La charité est en nous le principe qui nous fait aimer comme le Seigneur, elle donne notre coeur à Dieu.
Le Seigneur s'est vraiment emparé de toute notre vie. Ce qui n'est pas foi, espérance et charité peut et doit être informé par elles. La vie supérieure, c'est-à-dire la vie de N.S.J.C. en nous embrasse notre être tout entier. C'est tout l'homme qui a été assumé par le Verbe de Dieu, c'est tout l'homme qui a été racheté par la Rédemption, sanctifié par les sacrements, c'est l'homme tout entier qui sera relevé et glorifié à la résurrection. Dieu ne fait rien à demi. Aucune de nos activités n'a donc de titre à se dérober à son influence. Il n'est pas un instant de sa vie où le baptisé ait le droit de déchoir, d'être naturel ou paien. Tout ce qui est soumis à notre raison et à notre volonté, doit être aussi soumis à Dieu et se rapporter à lui par la charité.
Tous nos actes doivent porter l'empreinte chrétienne. Mais il reste que seuls nos actes intérieurs de foi, d'espérance et de charité valent devant Dieu, que seuls ils nous grandissent, que nos oeuvres extérieures n'ont de prix que par eux.
Mon devoir et mon intérêt surnaturel me font donc une loi d'aller, au plus profond de ma vie, puiser en Dieu et en la substance surnaturelle que je porte en moi, le principe et la direction de toutes mes oeuvres. C'est de là, de cette région profonde, d'un concert établi entre Dieu et moi que mes actes seront produits et c'est à cette condition qu'ils seront à ma taille de chrétien et qu'ils obtiendront devant Dieu toute leur valeur.
L'imitation de Jésus-Christ qui est la loi essentielle du chrétien ne consiste pas dès lors simplement dans un effort d'assimilation à un exemplaire placé sous nos yeux, mais encore et surtout dans une déférence joyeuse, dans une souplesse de tous les instants à une souveraineté intérieure aimée, bénie, devant qui toute la vie s'incline.
C'est là que se trouve l'achèvement de la vie chrétienne: devenir aux mains de Dieu un instrument docile, un auxiliaire de toutes les heures, qui n'a de direction, d'application que dans sa docilité meme, dans la constance de son attachement à la vie du Seigneur.
Retenons que l'essence de la vie chrétienne, sa loi, sa fin, c'est l'union à Notre-Seigneur Jésus-Christ par la pensée, par la volonté, par l'amour.
Etre chrétien, c'est porter en soi la vie du Seigneur par la foi, l'espérance et la charité, c'est penser, vouloir et aimer comme lui.
dom Delatte: la vie monastique.