La vie religieuse.
Publié le 5 Novembre 2007

La vie religieuse n'est pas distincte de la vie chrétienne; elle n'est pas quelque chose de nouveau et de surajouté au christiannisme; elle en est un état; la condition achevée et comme l'épanouissement. C'est l'"état de perfection", où la vie parfaite organisée. Car autre chose est la perfection, autre chose l'état de perfection. On peut être dans la perfection sans être dans l'état de perfection et inversement dans l'état de perfection sans être dans la perfection.
La perfection surnaturelle de l'homme réside essentiellement dans la charité, non pas initiale, mais dominante et souveraine; elle consiste dans un degré éminent de charité, ou même dans l'ensemble complexe de tout ce qui nous unit à Dieu profondément, solidement, de façon stable et continue. Toute âme chrétienne est tenue à la perfection. C'est à l'ensemble de ses disciples, c'est à tous et à chacun de ceux qui sont à lui que le Seigneur a dit"Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait". (Mt. 5,48). Le baptême nous a établis en union avec N.S. Jésus-Christ et portés dans sa vie. Avons-nous le droit d'échapper à notre baptême, de nous rendre volontairement inférieure à ce qu'il a fait de nous? Nous est-il loisible de nous éloigner de Dieu?
De cette affirmation que la perfection est un devoir universel pour les chrétiens, il ne suit pas du tout que tous doivent entrer dans la vie religieuse, ni que tous soient astreints au renoncement réel à tout ce qui n'est pas Dieu ni à l'exercice indiscret des conseils. Mais il reste que chacun est tenu à la perfection, c'est-à-dire à la charité, selon sa condition et son état, ce qui est compatible avec la variété des situations humaines. Ni la richesse, ni le mariage, ni la politique, ni l'action, ni la vie militaire ne sont inconciliables avec la charité. Il suffit d'aimer Dieu par dessus toutes choses, sans rien accueillir jamais dans son coeur qui soit contraire à l'amour de Dieu.
Mais cette perfection est rare dans les conditions de la vie commune. En vue de la réaliser plus intégralement et plus aisément, certaines âmes se déterminant librement à renoncer pour Dieu à tout ce qui pourrait etre un embarras, une division ou une entrave à leur charité: ce renoncement étant non seulement intérieur et d'affection, mais encore extérieur et affectif. Tel est le but des trois voeux de pauvreté, chasteté, obéissance: assurer et garantir la liberté de la charité en immolant de façon définive et irrévocable les trois grandes convoitises: concupiscence des yeux, concupiscence de la chair, orgueil de la vie. La pauvreté soustrait aux tracas des richesses, la chasteté aux sollicitudes d'une famille, l'obéissance aux périls de la volonté propre.
Celui qui est riche et celui qui veut le devenir ont le coeur partagés: ils peuvent aimer Dieu, mais ils aiment autre chose que Dieu, quelque chose à côté de lui: ils sont moins libres de leur âme qui est attachée ailleurs. C'est pour cela que le Seigneur donne avant tout le conseil de la pauvreté à quiconque cherche la perfection: " Si tu veux être parfait, va, vends tout ce que tu as et donne-le aux pauvres: puis viens et suis-moi".
Après la pauvreté, la chasteté: la pauvreté consitant dans le renoncement aux richesses pour assurer sur ce point le libre exercice de la charité envers Dieu, la chasteté perpétuelle consiste dans le renoncement au mariage pour assurer sur ce point le libre exercice de la charité. Rien en effet ne détourne de cette liberté, rien ne divise l'âme autant que le souci d'une femme, des enfants, d'une famille. Et comme la perfection du voeu de pauvreté consiste à n'être riche que de Dieu, la perfection du voeu de chasteté consiste à n'avoir d'affection que pour Dieu et selon lui. A ce titre la chasteté doit être aimée comme est aimée la charité. Elle ne sautait être considérée comme comme pis-aller, comme une loi nécessaire -"dura lex, sed lex"- Dans la vie religieuse pauvreté et chasteté sont toutes deux parfaitement aimables dans leur rapport avec Dieu à qui elles nous attachent.
Mais le bien le plus réel, le plus inaperçu, le plus encombrant que nous portions en nous-mêmes, c'est notre propre volonté. Plus que tout, c'est là ce qui nous distrait, nous retient, nous empêche d'être à Dieu. Toutes les autres entraves n'existent que parce que celle-là existe. C'est de la volonté que tout dépend et c'est de la volonté propre que tout vient le mal. Le voeu d'obéissance nous y fait renoncer en nous livrant à la volonté d'un autre, d'un supérieur, afin d'apprendre de lui la charité, la perfection, l'art d'aller à Dieu.
Un religieux est donc un chrétien, un chrétien qui se donne à Dieu totalement par les voeux de religion. Tout chrétien est religieux dans un sens et dans une mesure, parce qu'il est attaché à Dieu et voué à son culte. Mais ce que le simple chrétien n'est qu'adjectivement et d'une façon partielle, accidentelle, momentanée, le religieux l'est substantiellement, absolument, totalement. Il est tout entier voué au culte et à l'honneur de Dieu: c'est comme l'enseigne la tradition chrétienne, un sacrifice complet, un holocauste, où la victime passe toute aux mains de Dieu. La perfection est à lui, parce qu'il est uni à Dieu; la religion est à lui, parce qu'il s'est donné sans esprit de retour; l'holocauste existe, parce qu'il n'a rien excepté. C'est l'abandon complet, absolu de l'homme à Dieu pour li appartenir sans réserve. C'est l'achèvement de la créature et sa vraie gloire. Ainsi sont réalisés le but essentiel de la création, la fin de l'ordre surnaturel, l'honneur de Dieu et la sainteté.
C'est grâce à la vie religieuse que le Seigneur recueille de la gloire "sur la terre comme au ciel" et que le but de l'Incarnation est vraiment atteint.
Croyez-vous que le Seigneur ait donné son sang pour obtenir ce que le monde lui donne?
Des âmes baptisées, allant de chute en chute, usant leur vie dans l'éloignement de Dieu, dans des efforts intermittants suivis de rechutes plus lourdes, jusqu'à ce qu'enfin, épuisées, brisées par leurs chutes, elles s'endorment avec l'absolution et l'Extrême-onction....
Croyez-vous que le Seigneur n'ait pensé qu'à celà et à cette fin prosaique?
Jugez-vous que cela soit suffisant pour répondre à l'Incarnation et à la Rédemption?
Nous n'avons pas été aimés à demi. Dieu n'a pas usé de limitations ni de réserves. Il a épuisé toutes les ressources de son amour et s'y est mis tout entier. Il a pris son coeur, le Fils de sa tendresse, et nous l'a donné. Il nous a tout donné lui-même dans son Fils. Il n'y a qu'une seule réponse suffisante, c'est la charité absolue, qui ne se réserve rien. Si Dieu se fut tenu à la parcimonie, à un amour mesuré, à une Rédemption accomplie au meilleur marché possible, la vie parfaite n'eût sans doute pas germé sur la terre. Mais elle ne pouvait y manquer dès que le Seigneur, après avoir créé la grâce, et l'Incarnation, et l'Eucharistie, nous donnait la promesse de l'Eternité. Il n'était pas possible que , dans une mesure et au moins chez quelques uns, il n'y eût effort pour répondre un peu dignement à ces libéralités de Dieu.
La vraie façon d'aimer est d'aimer sans réserves: c'est la loi du christiannisme, et la vie religieuse n'en est que le corollaire attendu.
La perfection surnaturelle de l'homme réside essentiellement dans la charité, non pas initiale, mais dominante et souveraine; elle consiste dans un degré éminent de charité, ou même dans l'ensemble complexe de tout ce qui nous unit à Dieu profondément, solidement, de façon stable et continue. Toute âme chrétienne est tenue à la perfection. C'est à l'ensemble de ses disciples, c'est à tous et à chacun de ceux qui sont à lui que le Seigneur a dit"Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait". (Mt. 5,48). Le baptême nous a établis en union avec N.S. Jésus-Christ et portés dans sa vie. Avons-nous le droit d'échapper à notre baptême, de nous rendre volontairement inférieure à ce qu'il a fait de nous? Nous est-il loisible de nous éloigner de Dieu?
De cette affirmation que la perfection est un devoir universel pour les chrétiens, il ne suit pas du tout que tous doivent entrer dans la vie religieuse, ni que tous soient astreints au renoncement réel à tout ce qui n'est pas Dieu ni à l'exercice indiscret des conseils. Mais il reste que chacun est tenu à la perfection, c'est-à-dire à la charité, selon sa condition et son état, ce qui est compatible avec la variété des situations humaines. Ni la richesse, ni le mariage, ni la politique, ni l'action, ni la vie militaire ne sont inconciliables avec la charité. Il suffit d'aimer Dieu par dessus toutes choses, sans rien accueillir jamais dans son coeur qui soit contraire à l'amour de Dieu.
Mais cette perfection est rare dans les conditions de la vie commune. En vue de la réaliser plus intégralement et plus aisément, certaines âmes se déterminant librement à renoncer pour Dieu à tout ce qui pourrait etre un embarras, une division ou une entrave à leur charité: ce renoncement étant non seulement intérieur et d'affection, mais encore extérieur et affectif. Tel est le but des trois voeux de pauvreté, chasteté, obéissance: assurer et garantir la liberté de la charité en immolant de façon définive et irrévocable les trois grandes convoitises: concupiscence des yeux, concupiscence de la chair, orgueil de la vie. La pauvreté soustrait aux tracas des richesses, la chasteté aux sollicitudes d'une famille, l'obéissance aux périls de la volonté propre.
Celui qui est riche et celui qui veut le devenir ont le coeur partagés: ils peuvent aimer Dieu, mais ils aiment autre chose que Dieu, quelque chose à côté de lui: ils sont moins libres de leur âme qui est attachée ailleurs. C'est pour cela que le Seigneur donne avant tout le conseil de la pauvreté à quiconque cherche la perfection: " Si tu veux être parfait, va, vends tout ce que tu as et donne-le aux pauvres: puis viens et suis-moi".
Après la pauvreté, la chasteté: la pauvreté consitant dans le renoncement aux richesses pour assurer sur ce point le libre exercice de la charité envers Dieu, la chasteté perpétuelle consiste dans le renoncement au mariage pour assurer sur ce point le libre exercice de la charité. Rien en effet ne détourne de cette liberté, rien ne divise l'âme autant que le souci d'une femme, des enfants, d'une famille. Et comme la perfection du voeu de pauvreté consiste à n'être riche que de Dieu, la perfection du voeu de chasteté consiste à n'avoir d'affection que pour Dieu et selon lui. A ce titre la chasteté doit être aimée comme est aimée la charité. Elle ne sautait être considérée comme comme pis-aller, comme une loi nécessaire -"dura lex, sed lex"- Dans la vie religieuse pauvreté et chasteté sont toutes deux parfaitement aimables dans leur rapport avec Dieu à qui elles nous attachent.
Mais le bien le plus réel, le plus inaperçu, le plus encombrant que nous portions en nous-mêmes, c'est notre propre volonté. Plus que tout, c'est là ce qui nous distrait, nous retient, nous empêche d'être à Dieu. Toutes les autres entraves n'existent que parce que celle-là existe. C'est de la volonté que tout dépend et c'est de la volonté propre que tout vient le mal. Le voeu d'obéissance nous y fait renoncer en nous livrant à la volonté d'un autre, d'un supérieur, afin d'apprendre de lui la charité, la perfection, l'art d'aller à Dieu.
Un religieux est donc un chrétien, un chrétien qui se donne à Dieu totalement par les voeux de religion. Tout chrétien est religieux dans un sens et dans une mesure, parce qu'il est attaché à Dieu et voué à son culte. Mais ce que le simple chrétien n'est qu'adjectivement et d'une façon partielle, accidentelle, momentanée, le religieux l'est substantiellement, absolument, totalement. Il est tout entier voué au culte et à l'honneur de Dieu: c'est comme l'enseigne la tradition chrétienne, un sacrifice complet, un holocauste, où la victime passe toute aux mains de Dieu. La perfection est à lui, parce qu'il est uni à Dieu; la religion est à lui, parce qu'il s'est donné sans esprit de retour; l'holocauste existe, parce qu'il n'a rien excepté. C'est l'abandon complet, absolu de l'homme à Dieu pour li appartenir sans réserve. C'est l'achèvement de la créature et sa vraie gloire. Ainsi sont réalisés le but essentiel de la création, la fin de l'ordre surnaturel, l'honneur de Dieu et la sainteté.
C'est grâce à la vie religieuse que le Seigneur recueille de la gloire "sur la terre comme au ciel" et que le but de l'Incarnation est vraiment atteint.
Croyez-vous que le Seigneur ait donné son sang pour obtenir ce que le monde lui donne?
Des âmes baptisées, allant de chute en chute, usant leur vie dans l'éloignement de Dieu, dans des efforts intermittants suivis de rechutes plus lourdes, jusqu'à ce qu'enfin, épuisées, brisées par leurs chutes, elles s'endorment avec l'absolution et l'Extrême-onction....
Croyez-vous que le Seigneur n'ait pensé qu'à celà et à cette fin prosaique?
Jugez-vous que cela soit suffisant pour répondre à l'Incarnation et à la Rédemption?
Nous n'avons pas été aimés à demi. Dieu n'a pas usé de limitations ni de réserves. Il a épuisé toutes les ressources de son amour et s'y est mis tout entier. Il a pris son coeur, le Fils de sa tendresse, et nous l'a donné. Il nous a tout donné lui-même dans son Fils. Il n'y a qu'une seule réponse suffisante, c'est la charité absolue, qui ne se réserve rien. Si Dieu se fut tenu à la parcimonie, à un amour mesuré, à une Rédemption accomplie au meilleur marché possible, la vie parfaite n'eût sans doute pas germé sur la terre. Mais elle ne pouvait y manquer dès que le Seigneur, après avoir créé la grâce, et l'Incarnation, et l'Eucharistie, nous donnait la promesse de l'Eternité. Il n'était pas possible que , dans une mesure et au moins chez quelques uns, il n'y eût effort pour répondre un peu dignement à ces libéralités de Dieu.
La vraie façon d'aimer est d'aimer sans réserves: c'est la loi du christiannisme, et la vie religieuse n'en est que le corollaire attendu.
dom Delatte: la vie bénédictine.