témoin d'aujourd'hui.

Publié le 11 Avril 2008

"Je n'ai jamais voulu renier ma foi !"


Interview de François, prêtre chinois*

1) Quelle est la situation de l'Eglise en Chine ?

La situation pour l'Eglise clandestine en Chine, surtout dans la province Di HeBei, autour de Pékin, paraît de pire en pire. Car le gouvernement désire étouffer cette Eglise libre et l'éradiquer totalement, à commencer par celle qui se trouve à proximité de la capitale. En la nationalisant, c'est-à-dire en la transformant en une Eglise officielle ou patriotique, elle éviterait, selon les options communes des chrétiens en Chine, les " ennuis " durant les Jeux Olympiques en 2008.

Mais notre Eglise en Chine est vivante et rayonnante ; la foi en Jésus-Christ, qui veut que son Eglise soit unique et universelle, " un seul troupeau " ayant " un seul Pasteur " représenté par le Pape, est plus forte et plus vive que les idéologies du nationalisme et de l'athéisme de notre pays.

2) Comment a mûri votre vocation dans ce contexte si tourmenté ?

Comme toute vocation, elle est d'abord un mystère, c'est-à-dire un don gratuit de Jésus. Je suis prêtre depuis plus d'un an. Jamais, 18 années auparavant, je n'aurais songé que je serais un jour prêtre, malgré mon éducation au sein d'une famille catholique. En effet les enseignements du marxisme tout au long de ma scolarité ont provoqué une grande crise intérieure de foi même si, extérieurement, je n'ai jamais voulu nier mon identité catholique romaine, ni renier ma foi.

Je fais une parenthèse. Mes professeurs disaient : " Dieu n'existe pas, il est l'effet de l'imagination des hommes ; il a été inventé autrefois par les hommes politiques et par l'Eglise pour bien contrôler leurs citoyens ". Cette pensée de l'idéologie athéiste que j'ai apprise au collège a imprégné inconsciemment mon esprit. Pendant la période de mon adolescence, au moins durant 3 ans, je croyais, je sentais la foi dans mon cœur, mais je ne savais plus pourquoi je croyais... Cette influence marxiste était si forte dans ma tête que, même après mon entrée au Séminaire (en réalité, une maison de trois pièces prêtées secrètement par une famille chrétienne pour 16 séminaristes clandestins), elle surgissait souvent dans ma mémoire, surtout pendant l'oraison. Quelle tentation terrible que de se poser sans cesse cette même question : pourquoi médites-tu ? Pourquoi penses-tu à Dieu que tu ne vois pas du tout ? N'es-tu pas en train de Le fabriquer ?

Mais revenons à ma vocation : " Je suis pauvre, mais le Seigneur pense à moi. " Un jour, j'ai été emmené brutalement dans l'Eglise par une religieuse : brutalement, parce qu'un jour elle m'a posé cette question étrange : " Veux-tu être prêtre ? " J'ai répondu sur le ton de la plaisanterie : " Oui, mais à condition que tu sois capable de me convaincre que Dieu existe " (Je savais qu'elle ne pourrait jamais m'en convaincre). Mais à cet instant, cette religieuse crut que j'avais le désir devenir prêtre, alors même que j'étais harcelé de doutes, de questions et d'incompréhensions vis-à-vis de l'existence de Dieu... Elle me fit aussitôt rencontrer un prêtre clandestin qui devint plus tard mon ami intime et mon modèle de prêtre. J'ai été petit à petit introduit par ce prêtre et cette religieuse dans la foi de l'Eglise. Mais j'ai plus été convaincu par leur exemple, leur attention envers tout le monde, leur témoignage, leur joie d'être prêtre et d'être servante du Christ persécuté, que par leur philosophie sur l'existence de Dieu et sur le sens de la vie. Enfin, un matin, la réalité s'est imposée à moi : c'est vrai, le Christ est vivant et je veux devenir prêtre pour Lui et pour son Eglise, comme mon ami. L'amour du Seigneur m'a saisi et me conduit désormais... Après 6 ans de formation théologique, j'ai été ordonné prêtre dans une toute petite chapelle, à 1 heure du matin, dans un coin de Chine. Aujourd'hui, je suis envoyé par mon évêque à l'Université de la Sainte-Croix à Rome pour approfondir la théologie en vue d'être formateur des futurs prêtres de mon diocèse. Ce besoin est vital pour l'avenir de l'Eglise en Chine.

3) Que représente pour vous le fait d'étudier à Rome ?

Etudier à Rome, pour moi prêtre chinois, c'est avant tout faire l'expérience de la Communion vivante avec l'Eglise universelle, représentée par celle de Rome. Du fait des persécutions dont nous faisons l'objet, cette unité est très significative et importante. Nous ne nous sentons pas seuls dans ce combat pour l'Amour. Pour mon évêque et mon diocèse, étudier à l'Université pontificale à Rome incarne en ce sens cette communion avec le Pape, et avec tous les chrétiens du monde entier.

4) Qu'attendez-vous particulièrement de l'enseignement à l'Université pontificale de la Sainte-Croix ?

Qu'il me permette de recevoir la doctrine authentique de l'Eglise catholique, afin de pouvoir la transmettre à mon tour dans mon pays, certes privé de bien des libertés, mais pas d'espérance.

5) Quels vont être les apports pour votre ministère en Chine ?

Comme je vous l'ai dit, mon évêque espère que je pourrai enseigner plus tard la théologie dans notre séminaire diocésain et être formateur des futurs prêtres de mon diocèse.

6) Que désirez-vous dire aux bienfaiteurs qui vous soutiennent chaque jour pour que vous puissiez bénéficier de cette formation ?

Votre communion avec l'Eglise en Chine, manifestée par votre prière et votre don matériel, contribuera efficacement non seulement à une amélioration de ma formation théologique à Rome, mais aussi au développement de ma foi et à l'affermissement de ma fidélité à la mission que l'Eglise m'a confiée. Merci beaucoup.

* Le prénom a été modifié en raison de la situation de l'Eglise en Chine.


source.

Rédigé par philippe

Publié dans #spiritualité

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