Bonne fête à Blandine.

Publié le 1 Juin 2009




Voici le texte relatant le martyre de sainte Blandine à Lyon en 177.

La fureur du peuple, du proconsul et des soldats s'acharna principalement sur Sanctus, diacre de l'Eglise de Vienne ; sur Maturus, simple néophyte, il est vrai, et néanmoins athlète très généreux du Christ ; sur Attale, natif de Pergame, qui fut toujours la colonne et l'appui de notre Eglise ; sur Blandine enfin, en qui le Christ fit voir que ce qui aux yeux des hommes est vil, informe, méprisable, est en grand honneur auprès de Dieu, qui considère le réel et fort amour, et non de vaines apparences. Nous craignions, en effet, et particulièrement l'ancienne maîtresse de Blandine qui faisait partie du groupe des martyrs, que ce petit corps si chétif ne pût confesser la foi jusqu'à la fin, mais Blandine se trouva fortifiée de telle manière que les bourreaux qui se relayaient sur elle, épuisant depuis le point du jour jusqu'au soir toutes sortes de tortures, s'avouèrent finalement vaincus par la fatigue. Ne connaissant plus rien dans leur métier qu'ils pussent lui faire souffrir, ils ne comprenaient pas qu'elle vécût encore, malgré les meurtrissures et les plaies profondes dont son corps était couvert. A les entendre, un seul de tous les supplices qu'elle avait supportés eût dû suffire à la tuer. Elle cependant, pareille à un intrépide athlète, reprenait des forces en confessant sa foi. Ce lui était un réconfort et un repos, elle perdait jusqu'au sentiment de sa souffrance rien qu'à redire : « Je suis chrétienne et il ne se fait rien de mal parmi nous. » (. . .)



Plus tard, on répartit les martyrs en plusieurs lots, suivant les genres de supplices ; ainsi les bienheureux confesseurs offrirent à Dieu le Père une seule couronne tressée de fils de nature et de couleurs diverses. Il était juste que les athlètes jusque-là victorieux, qui avaient soutenu de rudes passes et remporté un triomphe éclatant, reçussent la couronne glorieuse d'immortalité. Maturus, Sanctus, Blandine et Attale furent donc amenés aux bêtes dans l'amphithéâtre, afin de récréer les païens par une curée exceptionnelle, donnée ce jour-là en l'honneur des chrétiens. Maturus et Sanctus subirent de nouveau toute la série des supplices comme s'ils n'avaient rien souffert auparavant, ou plutôt comme il arrive aux athlètes, qui, après plusieurs victoires partielles, luttent enfin pour la couronne. Ils eurent donc à endurer les mêmes atrocités qu'ils avaient déjà supportées, les coups de fouet, les morsures des bêtes qui les traînaient sur le sable, et tout ce que le caprice d'une foule insensée réclamait par ses cris ; puis on les avait assis sur la chaise de fer rougi, et tandis que les membres brûlaient, l'écoeurante fumée de la chair rôtie remplit l'amphithéâtre. Loin de s'apaiser, la fureur ne faisait que s'enflammer davantage ; on voulait triompher quand même de la constance des martyrs. Cependant on ne pût faire dire à Sanctus une seule parole, sinon celle qu'il n'avait cessé de redire depuis le commencement « Je suis chrétien. » Pour en finir, on coupa la gorge aux deux martyrs qui respiraient encore. Ils avaient ce jour-là donné le spectacle, et remplacé les scènes variées des combats de gladiateurs. Blandine, pendant tout ce temps, était suspendue à un poteau et exposée aux bêtes. La vue de la vierge suspendue à une sorte de croix, et dont la prière ne cessait pas, fortifiait les frères qui livraient alors leur combat. Sa seule attitude faisait souvenir de Celui qui avait été crucifié pour notre salut, et ils marchèrent à la mort persuadés que quiconque meurt pour la gloire de Jésus-Christ reçoit une vie nouvelle dans le sein du Dieu vivant.


Aucune bête ne toucha le corps de Blandine. On la détacha donc du poteau, et on la ramena en prison pour une autre séance. La victoire remportée sur l'ennemi dans ces différentes escarmouches devait rendre la défaite du serpent infernal définitive et inévitable, et affermir la vaillance des frères par son exemple ; car, quoique délicate, infirme et méprisée, lorsqu'elle s'était trouvée revêtue de la force victorieuse du Christ, Blandine avait renversé son adversaire à plusieurs reprises et remporté dans un combat glorieux la couronne immortelle. (...)



Après que tous eurent été immolés, le dernier jour de la fête, vint le tour de Blandine et d'un garçon de quinze ans, Ponticus. Chaque jour on les conduisait à l'amphithéâtre afin qu'ils fussent témoins des supplices de leurs frères. Chaque jour on les amenait devant les statues des dieux et on leur disait de jurer par ces impies simulacres, mais ils refusaient. Cette fois, le peuple perdit toute mesure.


Il fut sans pitié et sans pudeur. On fit épuiser à la pauvre fille et à son jeune ami toute la hideuse série des supplices, qu'on interrompait de temps en temps pour leur dire : « Jurez ! » On n'en vint pas à bout. Comme tous le pouvaient voir, l'enfant était soutenu par la douce parole de sa soeur ; quand il eut achevé la série entière des supplices, doucement il rendit l'âme.


Blandine demeurait la dernière.


Comme une mère qui vient d'animer ses fils au combat, et les a envoyés vainqueurs, devant elle, en présence du roi; suivant à son tour le chemin sanglant qu'ils ont tracé, elle se prépare à les rejoindre, joyeuse, transportée à la pensée de mourir, telle une invitée qui se rend au festin nuptial, plutôt qu'une victime condamnée aux bêtes. Après avoir souffert les fouets, les bêtes, la chaise de feu, elle fut enfermée dans un filet et l'on amena un taureau. Il la lança plusieurs fois en l'air avec ses cornes ; elle, paraissait ne rien sentir, tout entière à son espoir, à la jouissance anticipée des biens qu'elle attendait, poursuivant l'entretien intérieur avec le Christ. Pour finir, on l'égorgea. « Vrai, disaient les Gaulois en sortant, jamais dans nos pays on n'avait vu tant souffrir une femme. »



La fureur et la cruauté contre les saints n'étaient pas satisfaites. Cette populace brutale et barbare, enflammée par la bête, ne pouvait plus être apaisée à volonté ; sa rage trouva à s'assouvir sur les cadavres des martyrs. La honte de sa défaite ne la touchait pas, car elle semblait dépourvue de raison et des sentiments de l'humanité ; la rage du légat et du peuple allait croissant comme va celle de la bête féroce, encore qu'ils n'eussent d'autre raison de nous haïr, mais n'est-il pas dit dans l'Ecriture : « Que celui qui est souillé se souille encore, que celui qui est juste, se justifie encore »? Les restes de ceux qui étaient morts en prison avaient été jetés aux chiens, et une garde fut établie de jour et de nuit pour qu'aucun des fidèles ne leur donnât la sépulture. Quant à ce que les bêtes et le feu avaient épargné, lambeaux arrachés à coups de dents, membres rôtis ou carbonisés, têtes coupées, troncs mutilés, on les laissa également plusieurs jours sans sépulture avec une garde de soldats. Les uns frémissaient et grinçaient des dents contre les martyrs, pour lesquels ils eussent voulu des supplices encore plus raffinés. D'autres raillaient et injuriaient, ils rendaient gloire à leurs dieux et leur attribuaient le supplice des martyrs. Quelques-uns, plus humains et qui semblaient nous accorder un semblant de pitié, disaient avec ironie : « Où est leur Dieu ? A quoi leur a servi ce culte qu'ils ont préféré à la vie ? » Tels étaient leurs propos et leurs attitudes. Nous ressentions cependant une extrême douleur de ne pouvoir enterrer les corps. Nous ne pouvions pas profiter de l'ombre de la nuit, et ni l'argent ni les supplications ne purent rien sur l'esprit des factionnaires ; ils gardaient les cadavres avec acharnement, comme s'ils eussent dû gagner beaucoup à les priver de sépulture.


Or donc, les corps des martyrs endurèrent tous les outrages et furent exposés pendant six jours ; ils furent enfin brûlés et réduits en cendres, que l'on jeta dans le Rhône, non loin de là, pour qu'il n'en restât aucune trace sur la terre. Les païens croyaient ainsi vaincre la puissance du Très-Haut et priver les martyrs de la résurrection. u 1l fallait, disaient-ils, enlever à ces hommes même l'espoir d'une résurrection qui les porte à introduire dans l'empire une religion nouvelle et étrangère, à mépriser les tortures et à courir joyeusement à la mort. Voyons donc s'ils ressusciteront, et si leur Dieu les protégera et les arrachera de nos mains ! »

 

D'après la lettre des églises de Lyon et de vienne aux églises d'Asie et de Phrygie.

link NICAISE HISTOIRE de l'Eglise.

Rédigé par philippe

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