de la génération garde à vue..
Publié le 31 Mai 2013
La relève est assurée: la Renaissance dans les douleurs de l'enfantement;...une pensée pour tous nos jeunes.
Témoignage d’une jeune gardée à vue
La manifestation contre le mariage pour tous se termina vers 19h30, et ce fut ensuite vraiment la guerre entre certains manifestants et la police. La police attaquait les manifestants avec des bombes lacrymo, et, parallèlement, des bouteilles de bière et des pétards étaient lancés sur les CRS.
À partir de 22h, le nombre de manifestants a largement diminué, mais ça restait hyper pacifique dans l’ensemble. Moi, je discutais tranquillement avec un ami en attendant que la rue de l’université soit ouverte pour pouvoir quitter l’esplanade des Invalides. Un groupe s’était formé et attendait assis sur le trottoir en train de gentiment chanter des chants, comme « Santiano » par exemple. On a alors voulu s’approcher du groupe mais, soudain, des flics en civil se sont énervés, je me suis alors fait violemment projeter en avant, j’ai couru suivant le mouvement de foule pour m’échapper, mais un barrage de CRS nous coupait la route et nous ordonna d’aller de l’autre côté pour partir. Cependant, une fois de l’autre côté, ils nous dirent la même chose, c’était donc trop tard, nous étions encerclés ! J’ai perdu mon ami au moment ou les flics en civil m’ont poussé, et j’ai appris plus tard qu’il s’était fait très violemment tabasser …
Il y a alors deux bus qui sont arrivés. Nous avons été forcés d’y monter. Une fois dans le bus, alors que l’ambiance était bon enfant et que les manifestants restaient joyeux, calmes et souriants, malgré la fatigue et l’énervement dus à une GAV sans raison, les policiers nous gazaient pour qu’on fasse moins de bruit !
J’ai été particulièrement frappée par la violence des CRS lorsque des jeunes filles qui nous encourageaient joyeusement lorsque nous sommes passés en bus devant elles furent violemment projetées contre le sol de la route par des flics en civil !
Nous sommes alors allés au commissariat rue de l’Evangile, où nous avons passé une grande partie de la nuit dehors, en attendant d’être mis en garde à vue. Nous chantions des chants pour faire passer le temps et rester éveillés.
Nous avons ensuite été dispersés dans différents commissariat de Paris et de banlieue, le mien était celui des Invalides. Une fois là bas, j’ai été mise dans une cellule avec trois autres jeunes filles, nous avions deux matelas pour quatre, nous nous gelions, c’était définitivement impossible de dormir !
Puis, nous avons été auditionné chacune notre tour et nous avons du suivre toutes les procédures comme la prise d’empreinte, les photos … Avant d’être libérés, le procureur de la république devait valider notre audition. Or, entre 17h et 18h, mes amies ont toutes été libérées, alors que je ne l’étais toujours pas. Les garçons de la cellule d’à côté étaient eux aussi partis, je me sentais bien seule avec comme seuls compagnons des murs blancs très sales, des barreaux, le froid et la faim …
À un moment, une policière est passée, je lui ai alors demandé pourquoi je n’étais pas libéré comme les autres, elle m’a répondu « je ne sais pas, c’est peut-être à cause de votre passé judiciaire » et elle a ajouté que ma garde à vue serait peut être prolongée de 24h, rien de bien rassurant … Les larmes qui coulaient sur mes joues face à la solitude, la fatigue d’une nuit sans dormir et l’injustice profonde que je pouvais ressentir ne sembla en rien l’apitoyer … J’ai lu après-coup sur internet que :
« hormis pour certaines infractions, la durée maximale d’une garde à vue est en principe fixée à 24 heures. Cependant, elle peut être prolongée de 24 heures supplémentaires lorsque le délit ou le crime concerné est puni d’une peine supérieure à un an d’emprisonnement. »
J’ai donc compris pourquoi elle m’avait menacé de prolonger ma peine de 24h. C’est évident que le fait d’avoir discuté avec un ami au mauvais endroit devait être puni d’au moins un an d’emprisonnement ! Quelle cruche ! Mais c’est quoi ce pays ?
Vers 21h00, après avoir fortement tapé sur la vitre pour qu’un policier daigne venir me voir, j’ai demandé mon portable à une policière pour prévenir mes parents pour éviter qu’ils ne s’inquiètent. Elle m’a dit qu’elle allait se renseigner, mais elle n’est jamais revenue.
Vers 21h30, on m’a dit que j’allais enfin pouvoir sortir, mais c’est seulement vers 22h30 qu’ils m’ont relâché, après m’avoir à nouveau posé quelques questions.
Au final, j’ai donc passé 23h en garde à vue, alors que mon seul délit reste d’être allé au mauvais endroit au mauvais moment. Il m’importe ici de rappeler que cet endroit, l’esplanade des Invalides, reste un espace public quoi qu’il advienne ! Mais quelles étaient les consignes données aux CRS ?