l'Europe et saint Benoît. saint Benoît priez pour nous.
Publié le 6 Juillet 2011
Qu’eût été l’Europe sans le monachisme unifié par la règle bénédictine ? Quand l’Empire romain s’écroula, les monastères héritèrent de la tradition de sa culture. « La tradition latine, souligne le grand médiéviste britannique Christopher Dawson (1889-1970), se perpétua dans l’Eglise et les monastères, et comme les barbares eux-mêmes avaient adopté le christianisme, elle ne resta pas le patrimoine exclusif de la population conquise, mais exerça une influence prépondérante sur l’ordre nouveau. »
Que faisaient-ils donc, ces moines ? Ils priaient, s’instruisaient, développaient un art de vivre en commun qui rejaillit sur le reste de la société quand celle-ci émergea des ténèbres du chaos. Et ils cultivaient la terre ! On aurait tort de réduire cet aspect à une simple nécessité du moment.
Par ce biais, les moines gardèrent le contact avec la création et avec ses lois. Ils furent à même ainsi de recueillir le meilleur du paganisme, ce qui en lui était resté conforme aux lois éternelles de la nature, et dans celle-ci, de la nature humaine.
Opérant une synthèse entre ce que l’écrivain Jean-Marie Paupert baptisa les « mères patries » (Athènes, Rome et Jérusalem), le christianisme monastique transmit une culture et une manière de vivre non sans l’enrichir de sa propre expérience. Par cercles concentriques, autour du monastère s’établit la paix, cette tranquillitas ordinis qui, selon Augustin le Berbère, est sa véritable définition. C’est ainsi qu’ils contribuèrent à leur place, petite minorité de départ, à façonner l’esprit de l’Europe.
On retrouve cette idée de minorité aujourd’hui quand le cardinal Ratzinger, devenu le pape Benoît XVI, appelait les chrétiens à jouer un rôle dans la construction européenne. « Les chrétiens croyants, écrivait-il, devraient se considérer comme constituant une telle minorité active, et contribuer ainsi à ce que l’Europe retrouve le meilleur de son héritage, et se mette ainsi au service de l’humanité entière. »
A quoi servent les moines aujourd’hui ? A rien, répondait récemment en substance dom Philippe Dupont, l’abbé de Solesmes, à la question d’un journaliste. Un bel éloge de la gratuité dans un univers aujourd’hui entièrement colonisé par le marché, et où tout est appréhendé en fonction d’une valeur marchande.
Une réponse qui peut être complétée par les propos de Saint-Exupéry dans sa fameuse Lettre au général X : « Ah général, il n’y a qu’un problème, un seul, de par le monde. Rendre aux hommes une signification spirituelle.
Des inquiétudes spirituelles. Faire pleuvoir sur eux quelque chose qui ressemble à un chant grégorien. Si j’avais la foi, il est bien certain que, passée cette époque de “job nécessaire et ingrat”, je ne supporterais plus que Solesmes. On ne peut plus vivre de Frigidaires, de politique, de belote et de mots croisés. »
Voilà, peut-être, ce que le monachisme bénédictin peut apporter aujourd’hui encore à une Europe qui a tourné le dos à son héritage spirituel et moral.