le Christ-Roi (1)

Publié le 26 Novembre 2009






1.- Lorsque l’Eglise prend soin de fêter le Christ sous un vocable particulier, alors qu’il est pourtant déjà au centre de son attention théologique et priante, c’est assurément que ce vocable a un sens tout spécial. Sans quoi, de toute évidence, elle ne le ferait pas. Il convient dès lors de recueillir ce sens pour notre profit spirituel.

 

Il en est ainsi de la fête solennelle du Christ-Roi, célébrée le dernier dimanche de l’Année liturgique. Cette fête, selon sa dénomination officielle, est celle du Christ Roi de l’Univers. Elle a été instituée par le Pape Pie XI, le 11 décembre 1925 [Lettre encyclique Quas primas], qui a constaté que « si toutes les fêtes de Notre-Seigneur ont le Christ comme objet matériel, suivant l’expression consacrée par les théologiens, cependant leur objet formel n’est d’aucune façon, soit en fait, soit dans les termes, la royauté du Christ » (n. 19).

 

Cette fête est désormais passée, mais son intérêt n’est pas amoindri, tant s’en faut, par l’approche de l’attente de l’Avent et des fêtes célébrant la naissance en ce monde du Sauveur.

 

Le Pape Pie XI a décidé d’instaurer cette fête au constat du paradoxe profond qui accompagnera sans doute jusqu’au bout l’histoire des hommes, avec plus ou moins d’acuité, à savoir celui de l’Eglise qui s’édifie dans la vie, tandis que le monde, pris au sens théologique du terme, se ruine dans la mort.

 

« A l'heure où les hommes et les Etats sans Dieu, devenus la proie des guerres qu'allument la haine et des discordes intestines, se précipitent à la ruine et à la mort, l'Eglise de Dieu, continuant à donner au genre humain l'aliment de la vie spirituelle, engendre et élève pour le Christ des générations successives de saints et de saintes ; le Christ, à son tour, ne cesse d'appeler à l'éternelle béatitude de son royaume céleste ceux en qui il a reconnu de très fidèles et obéissants sujets de son royaume terrestre » (n. 3).

 

 

 

2.- La radicalité de cette logique contradictoire, si constante, n’est pas proprement à chercher dans le fait que ces deux cités vivraient l’une et l’autre selon des principes créateurs concurrents, en quelque sorte juxtaposés, ouvrant l’un et l’autre sur des routes historiques également possibles mais à jamais séparées, comme deux lignes parallèles. Elle tient à ce que l'opposition irréductible entre ces cités se noue à propos d'un même principe – qui ne peut être qu’accepté ou rejeté, sans autre alternative.

 

Il n’y a pas, il ne peut pas y avoir multiplicité de principes par rapport à Dieu, par rapport à la loi de Dieu, parce qu’il n’y a qu’un principe présidant à tout l’être et à toutes ses différences, comme à toutes ses formes actuelles ou possibles, et cet être est Dieu lui-même. Dans l’ordre objectif de la création, il n'y a qu'un principe, il n'y a qu’une seule voie, comme il n’y a qu’une humanité, comme il n’y a qu’une liberté, qui n’est pas la faculté d’opter entre bien et mal, mais de se donner au bien.

 

Ce qui est rejet de la voie n’est pas une autre voie. Ce qui est rejet de la création, ou de la loi naturelle [c’est tout un], n’est pas une autre création. Ce qui est rejet de la liberté n’est pas une autre liberté. Ce qui est rejet du bien n’est pas choix d’une autre forme de bien. Ce qui est rejet de la vie n’est pas une autre vie. Là où le principe de l'ordre créé, la vérité, la voie, la loi, la liberté, le bien sont rejetés, il n’y a rien. Rien que le désert de la mort, du mensonge, du dévoiement, de l’aliénation, du mal - qui est non être.

 

 

 

 

3.- Tel est le sens de l'opposition radicale entre l’Eglise et le Royaume des Cieux, d'une part, et le monde d'autre part, dont le Diable est en quelque manière le père, mais au regard duquel il n'a nullement qualité de créateur. Ouverture à la lumière ici, fermeture là. C’est la même porte qui ouvre et qui ferme. C’est la même qui laisse passer la vie quand elle est ouverte, et qui l’étouffe lorsqu’on la ferme.

 

Je suis la Voie, la Vérité et la Vie. Le Christ, qui désigne ainsi une seule Voie, une seule Vérité, une seule Vie, auxquelles il s’identifie, ne dispense pas seulement ainsi un enseignement moral indiquant le chemin tracé vers le Ciel. Il exprime solennellement la loi radicale imprimée à l’intime de la création tout entière, qui est une loi de l'unité, et qui rend compte de son devenir et de sa fin : le Christ est la raison d'être, et l'unique raison d'être de l'univers. « Par lui tout a été fait », dit-on dans le credo de Nicée. Dans le Prologue de saint Jean, il est dit de lui : « Au commencement était le Verbe (…). Tout fut par lui, et sans lui rien ne fut ». Et le texte sacré va plus loin, qui associe cet « être par lui » à la vie et à la lumière : « Ce qui fut en lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes et la lumière luit dans les ténèbres et les ténèbres ne l'ont pas saisie (…). Le Verbe était la lumière véritable, qui éclaire tout homme ; il venait dans le monde. Il était dans le monde, et le monde fut par lui, et le monde ne l'a pas reconnu » (Jean 1, 1-10).


 

Le monde est, par nature, christocentrique. Ce n’est pas l’homme qui l’a édifié. Il construit ses cités et ses projets, certes, mais il n’était pas au commencement de l’univers, qui n’a pas son être « par lui ». Il ne lui a pas donné sa loi. Avant que Moïse ne fût, législateur par excellence, le Verbe était. L'homme n’a ni compétence, ni puissance pour modifier cette loi, pas plus dans l’ordre de l’être que dans l’ordre moral qui le mesure. Il n’a d’autre choix que de l’accueillir comme elle lui est donnée. Avec la réception de ce don est offerte la lumière « qui éclaire tout homme », et la vie, et la liberté, et le Verbe même, pour une vie appelée à ne pas finir. L’histoire humaine se résout bien ainsi par rapport au Christ, source de cette vie et de cette lumière pour tout l’univers[1].

 

C’est pourquoi, insiste Pie XI, le Christ est Roi. Il est Prince. Au sens de Chef, et au sens de premier Principe[2]. Son titre, dit-il, qu’il a proclamé Lui-même (Jean 18, 37), doit être pris dans sa pleine acception, et non pas simplement symboliquement : « Il est de toute évidence que le nom et la puissance de roi doivent être attribués, au sens propre du mot, au Christ dans son humanité ; car c'est seulement du Christ en tant qu'homme qu'on peut dire : Il a reçu du Père la puissance, l'honneur et la royauté (Daniel, 7 13-14) ; comme Verbe de Dieu, consubstantiel au Père, il ne peut pas ne pas avoir tout en commun avec le Père et, par suite, la souveraineté suprême et absolue sur toutes les créatures » (n. 5).

[A SUIVRE]

 

 


 

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[1] « Le Seigneur est le terme de l’histoire humaine, le point vers lequel convergent les désirs de l’histoire et de la civilisation, le centre du genre humain, la joie de tous les cœurs et la plénitude de leurs aspirations » (Constitution pastorale Gaudium et spes, 8 décembre 1965, n. 45-2).


[2] « Jésus, Verbe éternel du Père, (est) le principe et la fin de toute la création, le Rédempteur de l’homme et le Seigneur de l’histoire » (Jean-Paul II, Homélie à l’occasion du Congrès mondial du laïcat catholique, 26 novembre 2000).

 


Rédigé par philippe

Publié dans #spiritualité

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